Planche / 5 minutes de symbolisme sur l’altérité

Vénérable Maître et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualité.
Entre l’altruisme où l’on donne tout à l’autre, sans rien en attendre en retour et l’égoïsme, où l’on n’a rien à lui donner, il existe une valeur qui me fait toujours réfléchir, et que je voudrais faire mienne plus souvent. On l’a définie comme un concept d’origine philosophique signifiant « caractère de ce qui est autre » et « la reconnaissance de l’autre dans sa différence », la différence s’entendant ethnique, sociale, culturelle ou religieuse. Proche de la tolérance, mais plus singulière, elle nous permet donc de prendre conscience à la fois des différences et des similitudes de l’autre. Elle est, en quelque sorte, le ciment de toute construction humaine, car elle est forcément réciproque. Ce soir, je vous parle de l’altérité.
Cette valeur, plus qu’un simple concept, je la trouve bien résumée, dans cette jolie phrase, entendue un jour : « Le plus beau des trésors n’est pas celui que possède l’autre, mais celui que l’on a au fond de soi et que l’autre nous aide à découvrir. »
Des philosophes comme Emmanuel Levinas ont beaucoup réfléchi sur l’altérité et montré que les échanges que nous avons avec les autres se déploient selon le double registre de la reconnaissance et de la découverte. L’altérité est bien ce qui nous ouvre à autrui, ce qui nous enrichit. Nous ne pouvons jamais totalement connaître l’autre, et il faut accepter que quelque chose en lui nous échappe. Inversement, il y a de l’identification dans l’autre, qui est, comme nous, un être humain. Le danger serait de considérer que les autres n’ont rien de commun avec nous et que nous n’avons rien à échanger ni à faire avec eux. À terme, on ne verrait plus alors la société que comme une juxtaposition de communautés entre lesquels le dialogue serait impossible. Cette crainte est malheureusement aujourd’hui en passe de devenir réalité dans beaucoup de domaines : culturel, social, politique ou religieux évidemment.
Mais quel plus bel exemple pour illustrer l’altérité, mes Frères et mes Sœurs, que celui de nos retrouvailles dans ce Temple tous les 15 jours…
Car avant d’y pénétrer, bien que réunis sur le parvis, nous ne sommes que des individualités certes bienveillantes, mais encore agitées par les turbulences du monde profane.
Différents les uns des autres, composés chacun de multiples facettes, nous décidons alors de quitter le monde profane, d’oublier la réalité qui nous entoure, afin de pénétrer, l’espace de quelques heures, dans un lieu où l’individuel va se dépasser pour faire revivre un groupe et recréer l’Egrégore. Nous passons d’un être commun à un être plus authentique, déjà loin du monde profane et qui va participer à l’installation du Temple, tous unis par une même volonté.
Le temps devient alors symbolique.
Le passage de l’individu au groupe se fait, vous le savez, grâce à la pratique rigoureuse de notre rituel.
Grâce à lui, nous passons d’un être unique à un être collectif et solidaire malgré notre diversité. Cette union sacrée va renaître en un seul corps – notre Loge – dont la plus belle se trouve dans la chaîne d’union. Mais, cela n’est possible que par la volonté de remise en question de chacun de nous afin de nous éloigner de tout immobilisme qui nous enfermerait dans une léthargie néfaste à notre évolution spirituelle.

Mais ce que nous réussissons si bien dans la vie maçonnique, est plus difficile dans la vie profane. L’Autre, comme l’on dit, ne se laisse pas appréhender facilement, il est tout à la fois proche et lointain, semblable et différent. Les mots dont on dispose pour définir ce qui n’est pas soi correspond au type de relation que l’on invente entre nous : étranger, connaissance, relation, ami, proche, partenaire… Nommer l’Autre est une façon de choisir le type d’altérité que nous construisons. Ce choix de vocabulaire se révèle rarement neutre et implique une distance plus ou moins forte entre celui-là et nous. Dans la reconnaissance de l’Autre, il y a effectivement le reflet inconscient, plus ou moins éloigné, de nous-même.
Finalement, nous vivons entourés d’autres semblables, dans une société riche de sa diversité, dont nous essayons de maintenir la cohésion, même si la coexistence entre tous demeure fragile.
Heureusement notre cadre républicain français nous y aide, car il repose sur l’idée d’une nation de citoyens tous égaux en droits, quels que soient leur religion ou leurs convictions philosophiques, leur origine, leur sexe, leur classe sociale. Bref, il est par nature « intégrateur », et permet de dépasser nos frontières personnelles par la rencontre, le dialogue et l’interconnaissance. Les différences peuvent alors devenir une source d’enrichissement mutuel sans créer de réaction de rejet ni aboutir à un éclatement de notre corps social.
Je laisse le mot de la fin à Albert Jacquard qui a beaucoup travaillé sur ce « fameux rapport aux autres » : « Respecter autrui, c’est le considérer comme une partie de soi, ce qui correspond à une évidence si l’on accepte la définition : Je suis les liens que je tisse avec les autres. »
J’ai dit.

Divers aspects de la pensée contemporaine / Entretien avec Philippe Foussier

Dans son dernier essai, Philippe Foussier démontre que les valeurs maçonniques peuvent s’inscrire dans la reconstruction de la République.

Philippe Foussier estime que les valeurs maçonniques permettent de reconstruire la République alors qu’elle traverse actuellement un « âge identitaire ». Le journaliste soutient tout d’abord l’idée selon laquelle la République qui formerait des républicains est un idéal à présent révolu. L’école républicaine a échoué dans sa mission et les valeurs franc-maçonnes peuvent inverser la tendance.

Ecoutez l’émission radio du dimanche 7 janvier 2024

Vidéo / De l’intolérance à la tolérance faut-il tout tolérer ? Avec M. CHEVRIER, G. ARCIZET, A. ASSAKER et S. ZEGHNI

La franc-maçonnerie pratique la tolérance. Cette ouverture de l’esprit est d’accepter que les autres ne pensent pas comme vous. Cependant, les francs-maçons et les franc-maçonnes se doivent également d’agir face à des expressions, des actes répréhensibles, d’un point vu éthique ou légal.

Les rencontres culturelles maçonniques lyonnaises

Vidéo / Échapper aux injonctions du monde profane avec : Guillaume JACOB, Marie-France ANTONA et Christophe BRESSY

Libérés des contraintes et des codes du monde extérieur, les francs-maçons et les franc-maçonnes cherchent dans ce cadre émancipateur en marge du temps et de l’espace, des ressources nouvelles pour incarner l’idéal humaniste des Lumières et s’engager dans l’élaboration d’une société future et de progrès.

Les rencontres culturelles maçonniques lyonnaises

Vidéo / Transmission en Franc-Maçonnerie avec : Michel Baron, Charles Coutel, Daniel Pacoud, Bernard Fieux

La transmission est au cœur de la démarche maçonnique. La méthode initiatique permet de s’approprier une tradition propre à libérer autant la pensée constructive que l’imaginaire créateur. Dans nos travaux nous mettons en oeuvre la pratique de la fraternité, les réflexions partagées, la défense de l’idéal républicain, la vocation à agir.

Les rencontres culturelles maçonniques lyonnaises

Planche / 5 minutes de symbolisme sur la lecture

Vénérable Maître et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualités.

Chacun s’accorde à reconnaitre que pour faire preuve de bienveillance, il est toutefois nécessaire d’avoir un minimum d’empathie. Comprendre les émotions de l’autre, ainsi que sa manière de vivre une situation, est le premier chemin pour éviter ou – limiter à minima – les conflits relationnels. L’actualité nous montre une fois de plus l’urgence de cultiver et même de développer notre capacité à voir les choses du point de vue d’autrui, plutôt qu’en permanence du nôtre.

Mais l’empathie n’est pas un sentiment inné, elle relève bien évidemment de la sensibilité de chacun. Des recherches semblent démontrer d’ailleurs que les femmes seraient légèrement plus empathiques que les hommes. Ses mêmes recherches laissent à penser que la génétique peut parfois jouer un rôle. Il n’en demeure pas moins vrai que l’empathie doit se construire dès notre prime jeunesse. En ce sens, l’éducation et les diverses expériences de vie sont de bons vecteurs. Mais est-ce suffisant ? Probablement pas, au vue des conflits relationnels d’aujourd’hui : au-sein des familles, entre voisins, dans l’entreprise, en politique et ce qui est encore plus grave, vu les conséquences dramatiques que cela engendre, entre les Etats ou pire encore entre les Religions.

Mes Frères et mes Sœurs, vous allez me dire à juste titre, que tout cela nous dépasse largement. Oui et non. Car il existe une activité simple, naturelle, qui était largement pratiquée jadis, et qui est tombée en désuétude peu à peu. Sans doute la seule activité où l’on peut se mettre totalement à la place de l’autre. Si bien le comprendre que l’on s’approprie sa personnalité, sa façon de penser, on s’identifie à cet autre qui nous devient ainsi familier.

Il s’agit tout simplement de la lecture. Et si on redonnait enfin au livre, le premier rôle dans l’histoire de notre éducation ? Et je dis bien au livre, le livre ! Car chacun, petit et grand, lit au quotidien, des « posts » sur les réseaux sociaux, les bandeaux en continu des chaines d’infos, les « blogs » d’influenceurs, des commentaires sur tout et rien, parfois quelques mangas, que sais- je encore ? Mais tous les contenus ne se valent pas et l’image ne remplacera jamais le texte. Car se sont d’abord les mots qui créent la situation, l’histoire et l’aventure qui va peu à peu nous emmener en voyage. Bien sûr, cela ne veut pas dire que ces contenus sont sans intérêt et doivent être bannis, mais ils sont insuffisants pour une construction équilibrée de notre personnalité.

Souvenons-nous des romans de la bibliothèque rose ou verte, des épopées magnifiques d’Alexandre Dumas, de Jules Verne ou de Paul Féval, de la série « Contes et légendes » publiée chez Nathan que nous dévorions avec avidité, parfois effroi, mais toujours avec plaisir et bonheur. Ces personnages au caractère complexe auxquels on s’identifiait, ont eu des effets positifs sur la construction de nos aptitudes sociales, et de notre intelligence relationnelle. Il n’est plus à démontrer que la lecture nourrit nos émotions, notre imaginaire et notre créativité, elle construit notre avenir, tout en prenant en compte les conséquences que peuvent avoir nos actes sur les autres.

L’équation est simple : peu ou pas de lecture, ce n’est donc pas assez de vocabulaire pour comprendre le sens des mots. Même si le mot nous est inconnu, le contexte peut nous permettre de le comprendre et c’est comme cela que l’on développe son champ lexical. Les mots ont le pouvoir de mettre en mouvement notre pensée et notre imagination, ce sont les piliers de toute communication. Difficile sans eux de discuter, d’argumenter, d’expliquer, d’échanger, de transmettre …

Ainsi démuni, l’Homme n’a plus qu’une issue pour se faire écouter et imposer son avis qu’il juge forcément juste, la violence verbale ou pire encore l’action physique. Combien de conflits entre individus auraient pu être désamorcer avec sans doute un peu plus de mots ? L’importance des livres et leur puissance est bien connue, n’ont-ils pas toujours été une des premières cibles des dictateurs ?

Les enquêtes les plus récentes montrent un effondrement de la lecture dans les pays occidentaux, en particulier chez les jeunes (enfants et adolescents). D’autres études précisent que plus de 50% des collégiens ne lisent que s’ils y sont obligés et que 30% d’entre eux affirment que lire ne sert à rien. J’ai lu récemment un article dans un hebdomadaire sur les loisirs « post covid » des familles en France, la lecture n’y apparait pas. Pire encore, le journaliste concluait son article en indiquant qu’aujourd’hui, il n’était plus indispensable de lire pour engranger des connaissances puisque l’on pouvait s’en remettre facilement à Google et demain à Chat GPT ?

Peu importe notre âge, nos moyens ou notre situation, la lecture, au-delà de nous procurer du plaisir, est le meilleur des élixirs qui existe pour nous aider à vivre avec un peu plus de sagesse et de bonté, et surtout à reconnaître l’autre en lui laissant une place à côté de soi. N’est-ce pas la meilleure définition de l’empathie ?

Serge Joncour, poète humaniste, nouvelliste, scénariste et romancier, biberonné aux romans de Jules Verne, Queneau et Céline, résume tout cela en une phrase : « Lire, c’est voir le monde par mille regards, c’est toucher l’autre dans son essentiel secret, c’est la réponse providentielle à ce grand défaut que l’on a tous de n’être que soi. »

J’ai dit