Planche / Le chiffre 3

Le chiffre 3. La symbolique du 3. Ce choix m’a paru évident. Evident à mes yeux dans mon
parcours de jeune maçon, car je découvre, j’écoute, je commence à peine à toucher du doigt le travail nécessaire pour « dégrossir la pierre ».
Mais finalement quel âge ai-je ?
« J’ai 3 ans … » dit-on à l’ouverture de nos travaux au grade d’apprenti.
Aussi je vous propose de m’accompagner dans mon voyage, non plus à l’extérieur de notre atelier, mais dans ma réflexion sur cette symbolique.
La première étape de ce voyage ne peut pas passer à côté d’un inventaire, que nous pourrions qualifier « à la Prévert ». En revanche, cette liste a été la colonne vertébrale de cette planche et m’a ouvert des portes dont j’ignorai l’existence jusqu’à présent.
Alors quels échos ai-je trouvé dans le chiffre 3 ?
Les plus évidents sautent aux yeux :
– Les trois formes de la matière : solide, liquide, gazeux
– Les trois dimensions spatiales
– Le passé, le présent et l’avenir
– Les trois couleurs primaires (bleu, jaune et rouge)
– Ou encore les trois règnes de la nature (minéral, végétal, animal)
– Au niveau de l’Homme
o La naissance, la vie et la mort
o Le corps, l’âme et l’esprit
o La pensée, la parole et l’action
o La thèse, l’antithèse et la synthèse
o Le matériel, le rationnel et le spirituel

Puis en regardant avec un angle maçonnique, le 3 est le chiffre de l’Apprenti, qui correspond aussi à son âge, au nombre de coups frappés à la porte du Temple et aussi nombre de voyages lors de l’initiation. Se trouvent également les trois couples d’outils de l’apprenti : Le compas et l’équerre, le maillet et le ciseau, le niveau et la perpendiculaire.
Au sein de la Loge, nous retrouvons trois officiers principaux disposant d’un maillet : Le Vénérable Maître, le Premier Surveillant et le Second Surveillant.
Ensuite, le chiffre 3 s’instille dans notre vie maçonnique : naturellement les 3 grades, les 3 pas, la triple batterie, la devise « Liberté, Egalité, Fraternité », les 3 côtés du delta lumineux, l’organisation du temple avec la colonne du Nord, du Midi et l’Orient.
A mesure que je lève les yeux, les chiffres 3 m’entourent, me cernent, m’observent.
Au-delà de la maçonnerie, le chiffre 3 est présent aussi dans le monde profane, religieux ou spirituel.
Dans le travail du bois, proche de la géométrie, il faut trois points pour trouver un équilibre sur un plan. En effet, un point définit un lieu seul et unique, deux points définissent une droite et enfin trois points définissent un plan (en deux dimensions).
Dans le Christianisme, nous retrouvons les 3 fondateurs d’Israël (Abraham, Isaac et Jacob), la Sainte Trinité manifestée en 3 états (le Père, le Fils et le Saint Esprit) ou encore les 3 rois mages (Melchior, Gaspard et Balthazar).
Dans l’Islam, le chiffre 3 peut renvoyer aux trois principes : Al-Islam (la pratique), Al-Iman (la foi) et Al-Ihsan (le perfectionnement).
Mais aussi, le 3 se retrouve dans le triple joyau du bouddhisme : le Bouddha (l’être éveillé), le Dharma (l’enseignement) et la Sangha (la communauté).

Mon voyage prend étape maintenant au plus profond de moi. Une partie de mes origines s’exprime sans pour autant m’en délivrer la lumière.
Dans le sanskrit, la syllabe la plus connue, utilisée dans l’hindouisme, le bouddhisme, le sikhisme ou brahmanisme : le « Om ».
C’est un mantra de médiation qui a une particularité, celle d’accorder trois sons en une syllabe : A-O-M… Ce son utilisé permet à celui qui le prononce de faire résonner dans son corps une vibration : tendre vers l’harmonie du passé, du présent et du futur.

Mon voyage prend un virage autour de deux notions intéressantes : l’harmonie et l’équilibre.

Je traduis une harmonie comme une sorte d’équilibre stable et qui se magnifie à mesure qu’il tient longtemps, telle une note de musique d’un violon tenue ou une note chantée. Cependant, comment décrire alors l’équilibre instable ?

C’est ainsi que nous arrivons dans le cœur de mon voyage : L’équilibre instable, un mouvement continu.
Dans mon parcours maçonnique, je me rends compte que je vis dans un équilibre entre mes Frères et mes Sœurs. Si je reste dans leur bienveillance et dans le confort du rituel, je me rends compte que je n’avance plus. Une sorte d’équilibre passif.
Dès lors, ma lecture du Trois m’enseigne une chose essentielle dans mon apprentissage de jeune maçon, c’est bien l’équilibre instable, celui-ci qui me pousse à sortir de ma zone de confort. Cette volonté personnelle de mouvement, qui donne un sentiment d’instabilité.
Cet équilibre instable qui m’impose le silence pour le volubile que je suis.
Cet équilibre instable qui m’amène à prendre conscience que ma vérité n’est pas une vérité absolue, donc à me questionner, à accepter les arguments de mes Frères et Sœurs pour intégrer dans mon esprit de nouvelles dimensions jusqu’alors inconnues.
Cet équilibre instable qui réunit les conditions menant notre groupe à l’égrégore, sans pour autant que ce soit automatique.
C’est bien cela une des clés de voûte de mon voyage : existe-t-il une voie pour un équilibre absolu autour du trois ? Cette voie qui nous amène à nous poser la question : que dois-je apporter à cette situation pour l’équilibrer ? Dois-je l’équilibrer ?
Si dans ma vie profane, j’essaie de tendre à l’équilibre entre l’amitié, la générosité, l’écoute pour apprendre des autres, en revanche dans mon parcours maçonnique… quel est mon rôle véritable dans cet équilibre ?
Une des réponses possibles serait un équilibre Apprenti / Maître / Loge.
Un équilibre qui s’approche plus d’une harmonie entre ces trois acteurs, qui m’amène non plus vers un apprentissage passif mais vers un mouvement. Je sens que je dois aller chercher, poser des questions, évoluer mais aussi pousser mes Frères et Sœurs au débat, à l’interrogation et au partage de leurs expériences.

Pour la dernière étape de mon voyage, je souhaitais mettre en lumière un point commun ou devrais-je dire 3 points communs que nous avons tous : notre passage sur Terre se symbolise par Notre naissance, notre vie, notre mort.
Lors de ma réflexion sur ce chiffre, j’ai compris au fur et à mesure que le 3 représentait l’équilibre. Lorsque dans ma vie, profane ou maçonnique, je me rends compte que j’ai essayé et je continue d’essayer d’équilibrer ma vie.
Equilibrer pour apprendre, équilibrer pour avancer, finalement équilibrer pour être en harmonie.
Voilà ce que le chiffre 3 m’a amené, dans les chemins de ma réflexion.