Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018
Résumé
Chapitre 6 : les débuts publics de la maçonnerie française
Arrêtons-nous un instant sur l’histoire du Chevalier Ramsay. Celui-ci tint un discours en 1736 qui est devenu, au cours du dix-huitième siècle, une sorte de best-seller de la littérature maçonnique et a pu être considéré sinon comme le véritable programme intellectuel de toute la maçonnerie de son temps, du moins comme un témoignage précoce et autorisé sur l’esprit qui pouvait régner dans les loges parisiennes autour des années de 1730 à 1740. Lors de ce célèbre discours les thèmes récurrents qui ont occupé les travaux des maçons tout au long du siècle des lumières sont déjà présents : le cosmopolitisme, la tolérance, le gout des humanités, mais aussi les premiers mythes de l’histoire maçonnique qu’il s’agisse de la référence aux croisés ou de l’évocation des mystères antiques. Manifestement la jeune franc-maçonnerie française cherchait encore sa voix. Ainsi Ramsay à contribuer à poser les problématiques majeures que la maçonnerie de son temps s’efforcera de résoudre souvent dans le désordre et le fracas mais toujours dans la passion.
Quelles sont les sources écrites qui existent à cette époque pour connaitre la franc- maçonnerie dans cette France de Louis XV ? Paradoxalement c’est vers l’ordre public que nous devons nous tourner pour mieux la connaitre.
Entre les obsessions complotistes du vieux cardinal Fleury, précepteur puis ministre d’Etat du Roi, et l’abstention complice de l’entourage Royal il faut rappeler simplement que les sociétés particulières non approuvées par le roi étaient par principe illicites et donc interdites. Le Roi c’est-à-dire Louis XV avait déclaré, mais toujours selon la rumeur, que si l’on nommait un nouveau grand maître et qu’il était de ses sujets il lui trouverait une loge… mais à la Bastille. C’est également à cette époque qu’ont été divulgués les premiers usages maçonniques tout simplement à travers notamment les rapports de police. Que nous disent-ils ? On notera dès cette époque les 3 grands coups frappés à la porte de la loge par le candidat dont les yeux ont été bandés, le serment prêté sur l’évangile et le texte du serment lui-même. Il en va de même pour le tableau tracer sur le sol au centre de la loge qui sera considéré comme une caractéristique distinctive de la maçonnerie des modernes par rapport à celle des anciens. Il faudra aussi souligner la sobriété des voyages, qui seront de simples tours et qui ne sont accompagnés d’aucune épreuve ni assortis d’aucun commentaire. Dans le rituel on demandera solennellement au récipiendaire s’il a la vocation et on s’informera qu’il n’a rien contre la loi, ni contre la religion, ni contre le roi ni contre les bonnes mœurs. A la fin de la cérémonie le candidat ayant prêté son serment reçoit successivement et dans un même mouvement les mots, signes et attouchement des deux premiers grades. Quant à la mention finale des gants blancs si elle renvoie à un usage ancien pour les membres de la loge c’est bien à la France qu’on doit semble-il la coutume nouvelle d’en offrir aussi à la femme que l’on l’estime le plus. Soulignons enfin que c’est le seul type de rituel qu’on connaisse à cette époque autant en France qu’en Angleterre.
Cependant le 28 avril 1738 par la bulle in iminenti apostolatus specula, le pape Clément XII prononça une condamnation sans nuance de la franc-maçonnerie et condamna ipso facto tous catholiques à l’excommunication qui en ont été membres. Trois raisons dictent la vindicte vaticane. La première raison est que le texte de la bulle mentionne explicitement le secret. Pourquoi jurer de ne rien dire quand on est franc-maçon si l’on n’a rien de condamnable à cacher ? De plus le secret maçonnique mettait en cause le droit imprescriptible du prêtre à connaître tout ce qui se dissimulait dans l’âme du pécheur et qu’il devait confesser.
Pour la deuxième raison, encore plus importante, la condamnation était que le pape ne pouvait évidemment pas accepter qu’à l’exemple des francs-maçons je cite ‘’des hommes de toute religion et de toute secte affectant une apparence d’honnêteté naturelle se lient entre eux’’. En d’autres termes catholiques et protestants ne pouvaient pas vivre en bonne intelligence.
Enfin, et on a beaucoup glosé sur la 3 ème raison il s’agissait tout simplement des relations diplomatiques tendues qui s’était établi entre la cour de Rome et le Grand-Duché de Toscane. En Toscane effectivement et venant d’Angleterre les premières loges s’installèrent en Italie. Le père inquisiteur à Florence informa Rome que à peine nommé les nouveaux maîtres du Grand-Duché de Florence (dont le nouveau Duc était franc-maçon) avait annulé une vieille coutume selon laquelle à Florence lorsqu’elle avait besoin du bras séculier, l’inquisition pouvait directement requérir la force publique. Or on lui avait signifié que désormais le saint-office devait s’adresser d’abord à la juridiction civile qui agirait comme elle le souhaitait.
Pour en revenir à la France une bulle papale ne pouvait avoir force de loi sans la sanction du Parlement de Paris qui devait à cette fin l’enregistrer officiellement. Déjà de plus en plus timoré et négligeant pour obtenir de la police qu’elle mette réellement fin aux réunions fraternelles qui se multipliaient à vue d’œil partout en France, le pouvoir ne tenta même pas de demander l’enregistrement de la nouvelle bulle. Donc en droit strict, les catholiques français purent se considérer en toute bonne conscience comme exemptés de cette interdiction qui leur était théoriquement faite d’appartenir à la franc-maçonnerie. Il fallut attendre dix années donc en l’année 1748 pour que la condamnation de la Franc maçonnerie soit prononcée par la plus haute autorité théologique en France, c’est-à-dire la Sorbonne. Avec comme vous en doutez les résultats que nous connaissons.
120 ans après, le moment de la constitutionnalisation
Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Vice- Président, Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus, Mes Très Chers Frères et Très Chères Sœurs Dignitaires du Grand Orient de France, Mes Très Chers Frères et Très Chères Sœurs Dignitaires représentants des Obédiences maçonniques amies, Mes Très Chers Frères et Très Chères Sœurs, Mesdames et Messieurs, chers amis,
J’adresse tout d’abord mes remerciements à Monsieur le Président LARCHER pour son accueil en ce lieu et pour ses mots à l’ouverture de ce colloque.
Je remercie également Monsieur le Vice-Président OUZOULIAS qui a facilité grandement l’organisation de ce colloque, ainsi que l’ensemble des services et personnels de ce palais de la République qui accueille régulièrement, et comme il se doit, les manifestations, débats et délibérations au cœur de la démocratie et de la République.
Car si nous sommes réunis pour célébrer une des lois cardinales de la République, c’est aussi pour fêter en cette forme la loi, sa construction au sein de ses commissions, la délibération dans les hémicycles, la circulation de la parole, le respect de l’opinion différente, et ce n’est pas accessoire, l’exemplarité qu’impose la représentation de la Nation.
Aujourd’hui, le Comité Laïcité République, l’Union des Familles Laïques, l’Association des Délégués Départementaux de l’Education Nationale, l’Association des Libres Penseurs de France, associations et membres historiques du Collectif Laïque National, ont su montrer, avec le Grand Orient de France et l’appui de ses services, que la qualité et l’exemplarité de notre engagement laïque est toujours à la hauteur de l’enjeu.
C’est aussi parce que nous protégeons nos verbes et nos corps, des écarts et des excès, que nous portons fièrement cet esprit laïque, celui de la liberté, de la liberté de conscience. Soyez-en toutes et tous remerciés.
Enfin merci à vous d’être venus assister à ce colloque, cette salle pleine et les dizaines de personnes que nous n’avons pas pu accueillir démontrent à quel point ce thème, 120 ans de Laïcité, 120 ans de Liberté, fait écho aux préoccupations de nos concitoyens. D’ailleurs, le succès des manifestations lancées par de nombreuses associations laïques depuis plusieurs semaines, démontre cet attachement puissant des citoyens à ce principe et ces valeurs.
Ici aussi, je vous le dis, le Grand Orient de France tiendra sa place, il tiendra son rang.
En l’espèce, la laïcité est consubstantielle au Grand Orient de France. Nous le réaffirmons ici, solennellement.
Fille des lumières, sœur de la République, vigie de la laïcité, notre maçonnerie continuera à concourir au long mouvement d’émancipation que cette terre de France et l’humanité dans son entièreté doivent connaître. C’est bien à ce mouvement tellurique que nous appartenons, celui qui combat l’hydre des dogmes.
C’est pourquoi nous affirmons et nous défendons la liberté absolue de conscience, c’est-à-dire ce levier émancipateur, ce droit de croire ou de ne pas croire.
Oui à la liberté de croire, oui au « libre exercice des cultes garanti par la République » comme l’assigne la loi de 1905 ; mais oui aussi, il faut le rappeler, aux « multiples formes de non-croyance, d’incroyance, ou d’indifférence », comme le formule Catherine KINTZLER.
Or, la laïcité est intrinsèquement rattachée à la liberté de conscience.
La laïcité, c’est aussi l’émancipation des consciences, l’émancipation des individus, qui, adultes, pourront choisir leurs options philosophiques et spirituelles en citoyens éclairés, grâce notamment à l’Ecole, l’Ecole laïque publique, obligatoire, gratuite, sanctuarisée, loin des « querelles des hommes » et des injonctions dogmatiques, la seule Ecole libre.
Permettez-moi, en l’occurrence de citer Edgar QUINET : « L’instituteur laïque intervenant dans l’église y fait entrer l’hérésie. Le prêtre intervenant dans l’Ecole y fait entrer la servitude. Que faut-il faire ? Les séparer. »
C’est parce que nous avons pour vocation de rassembler ce qui est épars que nous avons pour mission de libérer les esprits des dogmes, des injonctions spirituelles et morales. C’est le destin le plus difficile que de vivre de raison et dans la raison. Nous l’assumons, ce combat est le nôtre. Depuis le 9 décembre 2024, en cette 120e année, la mobilisation est forte, les 1 400 Loges du Grand Orient de France sont appelées à fêter, honorer et porter la loi de 1905, à dire au dehors pourquoi l’heure est à la mobilisation. Cette mobilisation est donc offensive, publique et généralisée, et elle a aussi pour objectif de ne pas laisser cette célébration, tout comme la laïcité, à d’autres, qui en feraient une arme contre une partie de la population, ou qui « adjectiveraient » un mot et un principe qui se suffisent à eux-mêmes.
Car s’il nous faut aussi défendre la laïcité c’est qu’elle est attaquée, insuffisamment établie, du fait de 120 ans de fluctuations voire de lâchetés politiques, comme de reculs jurisprudentiels sur cette loi.
Ont été brillamment évoqués précédemment la question du dualisme scolaire, ou celle des territoires de la République où la séparation ne s’applique pas, et je n’y reviendrai pas.
Mais aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, mes Frères, mes Sœurs, si l’heure est au renouveau du combat laïque, c’est que cette heure est grave. Dans les mois, les années à venir, c’est le principe même de laïcité, de neutralité de l’État, de liberté de conscience qui seront remis en cause, sournoisement ou ouvertement. Cette crainte n’est pas sans fondement.
Partout, nous le voyons à l’œuvre concrètement, des courants et des forces politiques, soutenus par des forces financières puissantes, partisanes, parfaitement endoctrinées, agissent avec les outils modernes, médiatiques, numériques, dystopiques, dont ils ont le contrôle, et qui leur permettent de promouvoir une idéologie réactionnaire. Ils vilipendent sans vergogne jusqu’ici, sur la terre de cette vieille Europe, notre monde qui serait « décadent » et prônent un retour vers un passé fantasmé. Le recul de droits acquis par les peuples au cours de leur histoire, et au prix de longs combats, au prix de leur vies mêmes, ce recul n’est pas le progrès de l’humanité.
Parmi ces droits, ce sont ceux des femmes comme celui de tout à chacun de disposer de son corps, ceux d’être considérés comme un être libre et également traité, qui sont les premiers attaqués.
La volonté du dogme qui se présente comme vérité incontestable, indiscutable, c’est de s’imposer aux corps comme aux esprits, c’est le rêve ultime de diriger les consciences et les actes, comme dans les régimes dictatoriaux où les alliances entre le pouvoir et la ou les églises règnent. A un autre moment de notre histoire, nous aurions parlé aussi de l’alliance du « sabre et du goupillon ».
Constatons par exemple avec lucidité ce qu’il se passe outre-Atlantique, aux Etats Unis.
Regardez comment en quelques semaines, la destruction de l’Etat de droit, les reculs des libertés, et la stigmatisation des individus selon leurs origines, leurs orientations sexuelles ou leur genre, sont devenues des réalités qui nous sidèrent mais qui pourtant étaient annoncées.
Regardez la remise en cause de la liberté d’expression, de la neutralité des fonctionnaires, de l’indépendance de la justice, ou même de la liberté de certains enseignements y compris dans les universités ! Finira- t-on par brûler des livres là aussi ?
Regardez en Orient, le peu de temps qu’il faut à des théocraties pour s’installer et pour installer méthodiquement des mesures qui annihilent et gomment la moitié de l’humanité, les femmes, jusqu’à leur interdire de parler et d’être vue, en les emmurant.
Regardez en Europe, comment des régimes ont consciencieusement et hypocritement fait régresser les libertés, celles de la presse, de l’indépendance de la justice, des droits des individus, du droit d’association, de la liberté de conscience, et comment les églises sont à la manœuvre, aux côtés de régimes illibéraux dont le seul programme est le retour en arrière, dans une société corsetée, contrôlée, recluse.
Regardez en France, où il ne faut pas être grand clerc pour voir ce qu’il se passe. Monsieur le député FALORNI nous a rappelé combien le débat sur la fin de vie montrait que les dogmes et ceux qui les portent ne renoncent pas à vouloir nous interdire à disposer de notre corps.
Tout comme Henri CAILLAVET nous rappelait que ce combat de la fin de vie est bien un combat républicain, celui de la liberté de disposer de sa fin, de l’égalité de le faire en France, de la Fraternité qui nous fait obligation de porter secours et assistance à celui qui en appelle à sa dignité. Et c’est donc un combat laïque car c’est celui d’une société civile débarrassée des injonctions des religieux.
Voilà pourquoi la loi de 1905, synonyme d’émancipation, de liberté, d’égalité et de Fraternité sera attaquée comme elle l’a d’ailleurs toujours été.
Elle sera aussi dévoyée par ses faux-amis qui prétendent la soutenir pour mieux la trahir.
Car derrière la laïcité, c’est à la République indivisible, démocratique, sociale et laïque qu’ils s’attaquent, aux principes universalistes et humanistes. Ils disent aimer une certaine France pour s’attaquer à la République.
Nous le réaffirmons ici, la France c’est la République, la République c’est la France, et la Laïcité c’est la République.
Comme disait LAMARTINE : « la République était une surprise, nous en avons fait un miracle ». Et comme le miracle n’est pas notre spécialité, nous avons l’impérieuse nécessité de prendre toutes les mesures réglementaires, les plus hautes, pour protéger la séparation des églises et de l’Etat, et faire en sorte que l’Etat reste chez lui et les Cultes chez eux. C’est le moment.
Tant que la loi de 1905 reste une loi simple, n’importe quelle autre loi peut la modifier.
Un retournement sciemment planifié de jurisprudence n’est pas inimaginable, comme les expériences étrangères nous l’ont prouvé.
Et, je le répète, il est indispensable de rattacher le principe de liberté de conscience à la laïcité, dont il est le fondement. Ce que le Conseil constitutionnel, dont les membres varient régulièrement, n’a pas fait jusqu’alors.
« L’avenir n’est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons en faire » comme disait BERGSON.
Nous avons donc à agir, à nous lever, à nous mobiliser, à partir d’aujourd’hui, au Palais du Luxembourg, et à constituer ce mouvement profond et total.
Nous, Francs-Maçons du Grand Orient de France appelons les Obédiences maçonniques, les organisations et associations amies, les élus et l’ensemble des citoyens, à nous rejoindre, et à demander solennellement que soit conférée au principe de laïcité, dans sa totalité, la valeur constitutionnelle qui lui manque.
Pourquoi aurions-nous procédé à la constitutionnalisation du droit à l’IVG si les droits fondamentaux et imprescriptibles étaient si sécurisés dans ce pays ? C’est bien que des forces agissent. Et bien nous aussi, nous agirons, et nous présenterons les véhicules juridiques qui nous permettrons d’atteindre cette constitutionnalisation.
En son Convent de Lille, les Loges du Grand Orient de France ont solennellement et formellement demandé à porter dès cette année cette revendication ambitieuse et nécessaire en faveur de la constitutionnalisation des 2 premiers articles de la loi de 1905.
Ils doivent d’une manière ou d’une autre figurer dans ce texte fondamental.
Ainsi le principe de laïcité pleinement rattaché à la liberté de conscience sera protégé.
C’est pourquoi les Républicains sincères doivent se mobiliser aussi et dès maintenant avec nous. Si nous avons déjà commencé le travail de consultation et d’élaboration, nous appelons les députés, les sénateurs, les élus en général, les juristes spécialistes de la constitution, les philosophes, les historiens à nous rejoindre pour consolider et déployer cette initiative.
Nous vous invitons à rejoindre cet appel du 24 Février 2025, et à prendre avec nous des initiatives pour agir, pour saisir le flambeau de ce mouvement laïque unitaire et ambitieux.
La constitutionnalisation des articles 1 et 2 de la loi de 1905 en sera le premier des combats.
Je vous remercie de votre attention.
Nicolas PENIN Grand Maître du Grand Orient de France
Faire une planche, oui mais sur quoi ? Vaste domaine, un sujet que je connais, que j’aime, qui me touche, bref je tourne en rond comme devant une page blanche qui s’allonge, alors que le choix s’offre à moi ! Et par rebonds successifs et d’actualités nous voilà 10 ans après … 10 ans après quoi ?
L’attentat contre le journal Charlie Hebdo ! Mais pas seulement, Charlie Hebdo est un symbole, symbole de nos Libertés !
Et comme dirait le Canard enchaîné “La liberté de la presse ne s’use que quand on ne sert pas !” et qu’on peut regretter parfois de ne pas avoir dit, comme quand l’on perd un être cher ! Donc vaut mieux une liberté qui gratte, qui insupporte ou que l’on ne sert pas que pas ou plus de liberté du tout !
Petites définitions essentielles :
Le mot “caricatura” (du latin populaire “caricare” donne “charger”, “exagérer”, lui-même est issu du gaulois “carrus”, “char”), qui peut se définir par : une caricature est une représentation révélant des aspects déplaisants, risibles, accentuer, exagérer.
Education : instruire un enfant pour le rendre indépendant, responsable et libre de ses choix dans sa vie d’adulte. Humour : réflexions personnelles et parfois partagées sur le monde insolite voir absurde qui nous entoure et qui amène à voir la vie en souriant . Humour noir : idem mais en grinçant. Ironie : idem mais à l’envers. Sarcasme : idem mais un ton plus haut, donc plus bas !
Une courte histoire :
La liberté d’expression et la caricature ont une histoire aussi riche que complexe, marquée par des luttes sociales et sociétales, des évolutions culturelles et technologiques. Et des affrontements historiques, militaires, politiques et religieux que ce soit en France ou ailleurs. La période Antique, autour du bassin méditérannéen commence avec des dessins de portraits en Egypte ancienne, en Grèce sur des vases et du côté de Rome par des graffitis. Le pouvoir et les leaders en place découvrent l’autre côté de la pièce ou leurs visages y sont représentés. Au moyen-âge (500 à 1490), la discipline se poursuit plus discrètement, car elle est plus “encadrée” par le pouvoir royal et religieux. Mais des cathédrales en gardent quelques souvenirs ironiques si vous savez où lever la tête ainsi que les Grotesques, lettres en enluminures décoratives et fantaisistes. En 1317, le roman de Fauvel représente le roi Philippe le Bel par une tête d’âne, une critique ouverte de la corruption des puissants (roi et religieux) et en 1327, Umberto Eco et Jean-Jacques Annaud nous font frissonner dans une énigme ou le coupable selon les enquêteurs ou la police serait … la dérision ou son absence. La Renaissance (1400 à 1600) libère l’étaux, en 1450, l’imprimerie de Gutenberg fait son effet et se répand aussi vite que ses productions parallèles, 1470 elle arrive en France à la Sorbonne de Paris. Les guerres de Religion (1562 à 1598) passe aussi par une guerre des images et de la représentation des puissances adverses. C’est aussi la période des Grandes découvertes (à partir de 1400) où ces multitudes aventures sapent tant de principes verticaux établis. L’Ancien Régime (1589 à 1790) voit également continuer de se développer cette contre information du pouvoir en place, par le Protestantisme animé par Luther, qui s’autorise à réécrire les relations entre croyants et l’autorité papale. En Angleterre également, John Milton en 1644 avec son “Aeropagitica” qui défend la liberté de la presse. Et une pensée pour Molière, satire devenu éternel en seulement quelques années (1650 à 1670) et une vingtaine de pièces de théâtre. Le Siècle des Lumières (1700 à 1800), par ce grand mouvement philosophique ou se brasse les idées sociétales et connaissances scientifiques, continue de bousculer le religieux. Cette période marque l’ouverture au monde. De par ses nombreuses avancées philosophiques et découvertes scientifiques, les vérités supérieures et inamovibles établies vacillent. La Révolution française (1789 à 1799) et Voltaire consacrent la liberté du “Tiers-État. Et on aurait même aperçu Marie-Antoinette en poule d’Autriche dans un journal. La liberté d’expression est inscrite à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) de 1789. Elle fait partie de nos droits fondamentaux.La caricature est un droit constitutionnel.
Ce qui nous amène au 19eme siècle, pour certains l’âge d’or de la caricature, car la discipline se diffuse pour continuer de dénoncer les injustices sociales et politiques. Avec entre autres pour la France, le journal Charivari, ce quotidien puis hebdomadaire qui vécut une centaine d’années (1832 à 1937). Nombreux dessinateurs se révélèrent au public comme Charles Philipon (son fondateur), Nadar aussi connu comme photographe, Gustave Doré, Honoré Daumier et tant d’autres … Charivari a marqué les mémoires pour un procès célèbre, en 1831 le journal “La caricature” a croqué Louis-Philippe 1er par une poire, condamné mais resté dans l’éternité par sa défense et par la publication du jugement dans le journal Charivari en forme de … poire, elle-même interdite de représentation !
En 1881, est prononcée la loi dite sur la liberté de la presse et donc aussi de ses responsabilités, un cadre légal, c’est la suite de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Aux alentours de 1900, de nombreux journaux fleurissent, la carte postale fait aussi partie de la panoplie. On profite aussi de 1905 avec la Laïcité, où l’on sépare officiellement les églises de l’Etat, la satire se fait toujours plaisir ! Le 10 septembre 1915, “Le Canard enchaîné” est fondé, il subit de suite la censure militaire. Ses dessins nous accompagnent depuis toujours et chaque politique se voit ou c’est vu immortalisée par Cabu, Chappatte, Bouzard, Wozniak et tant d’autres, le Canard passe son centenaire haut la main. 1930 voit l’essor des Fanzines, parlant de tout et de rien entre passionnés.
Après la Seconde Guerre mondiale, la liberté d’expression est consacrée dans des textes comme la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), mais son application varie grandement selon les pays. La caricature devient un outil universel de la critique politique et sociale, mais souvent malheur a celui qui ne corrige pas son trait assez vite ! Mai 68, de part ses dessins au style épuré et une phrase courte, les slogans percutent directement et grave nos mémoires ! Le journal “bête et méchant” Hara-Kiri, accouché en 1960 par Cavanna et le professeur Choron, fait les délices des prétoires, puis Charlie Hebdo prend le relai.
Charlie hebdo : en 2011, incendie du siège dans le cadre de l’affaire des caricatures de Mahomet (publication de 12 caricatures en 2005 dans un journal danois) et en 2015 attentat par les frères Kouachi. Le site internet de Charlie Hebdo.
Par ce rappel historique, on voit que la caricature accompagne le développement de l’Humanité, de par son regard qui va de “légèrement acidulé” à “délicieusement acerbe”, elle abonde nos idées, nos réflexions qu’elles soient personnelles, collectives et publiques, nul ne peut se passer du tamis de la presse, de ses éditorialistes et de ses croqueurs du quotidien pour alimenter sa pensée critique, car il s’agit bien de cela, penser avec discernement, arguments et contre argumentations, pour affûter son esprit, on est libre de choisir son média, même les plus mauvais, et de faire de nous des femmes et hommes libres de … choisir. Je pense à l’émission “Culture Pub”. Qui n’a jamais rigolé en voyant une bonne publicité sur un produit du quotidien dans une situation qu’il l’est beaucoup moins ? Même si chaque culture à son humour et ses codes, le tronc commun est là, inamovible, comme une symbolique universelle qui nous touche tous. Et pourtant nous consommons tous les jours, nous construisons cette société de consommation mais avec un peu plus de discernement. Je pense que cette deuxième face qui nous entoure est indissociable à notre équilibre et à notre développement, tel un mouvement perpétuel qui s’alimente lui-même.
Dans notre démocratie, le fait de publier une satire, permet de questionner toutes les idéologies dominantes voire absolues, également les croyances religieuses et les figures d’autorité. En se permettant de bousculer les tabous, les caricatures et dessins rappellent que personne ne doit être au-dessus de la critique.
Liberté oui mais aussi quelques devoirs, cette liberté engendre nécessairement des responsabilités, une juridiction existe pour cela. Mais restreindre ces dessins reviendrait à instaurer une forme de censure et à limiter la capacité de la presse à s’exprimer librement, encore qu’après 7 millions d’amendes et 35 réprimandes il est grand temps de fermer l’antenne. Idem pour la musique, théâtre, exposition, concert … lieux de liberté que certains par l’autocensure cherchent à instaurer, par des influences, pressions, menaces, poursuites abusives et agressions.
De nos débats publics à nos discussions de comptoirs, ils créent de la réaction, ils nourrissent les échanges, parfois vifs, controversés ou sans écho, le trait juste fait toujours son chemin, comme l’eau qui coule de la source.
Parfois quand le sujet est trop grave, conséquent, intime voire tabou. L’humour du crayon permet d’aborder le sujet avec plus de légèreté et de recul. Le sujet sera abordé mais permettra de désamorcer les réflexes et réactions trop hâtives. Également quand le sujet est complexe, inhabituel ou inconnu, prendre un peu de recul est nécessaire. Le pluralisme et la diversité des médias permettent d’y répondre, un dessin de presse étranger, anglo-saxon, africain permet de relativiser beaucoup de choses. Je pense aux Une du New Yorker, aux dessins du Courrier international et à l’association Cartooning for peace.
Cet art délicat n’est pas inné, il s’acquiert, se travaille et donc il va de soit qu’il s’enseigne à l’école. Cela permet d’apprendre à décrypter l’actualité en général et les médias en particulier. Aussi cela stimule la créativité et l’humour, nous fait découvrir l’histoire de l’art et l’histoire du monde. Le fait de s’exprimer par des biais différents, exerce aux débats ainsi que ses engagements personnels, tel la plaidoirie de l’avocat défendant les libertés !
Notre culture générale se forge tous les jours, nos avis et convictions aussi, tous les jours nous dosons nos envies de chambouler le système, mais quid de l’autre, le différent, le barbare du jour, mais ayant tout de même sa sensibilité propre. Encore plus, habitant une planète globalisée ou beaucoup trop de choses circulent instantanément. Les sujets ne manquent pas et les enfants engendrés par elle n’ont plus car la liberté d’expression, liberté fondamentale à fait naître et reconnaître la liberté d’opinion, la liberté de la presse, la liberté de manifestation et le droit de grève. Qu’il est heureux de s’apercevoir qu’un trait de plume sur une feuille vierge est pu et continuera de faire s’écouler la liberté, tel un ruissellement parfois douloureux !
Et il va nous en falloir une sacrée dose d’humour ou de dérision, de culture générale et de discernement dans cette nouvelle époque que nous franchissons. Politique et relations internationales se durcissent tous les jours, où réalité se mêlent d’informations alternatives afin que le monde corresponde à certains désirs insensés. Car ce nouveau continent informationnel est parsemé d’embûches, où voir est trompeur, vouloir comprendre devient confus, croire est à la fois savoir et raison, mais comme mon avis est plus liké que le tien, j’ai donc raison ! Les fondamentaux sont en péril car la Police de la pensée approche, la fameuse police du roman “1984” écrit en 1949 par George Orwell et sa Novlangue qui réécrit l’histoire passée en fonction du sujet du moment.
Ce qu’on aime, ce qu’on envie, ce qu’on aime pas, ce qu’on déteste, interdire ce qu’on aime pas mais qu’est-ce qui va rester et qui choisit ! Interdire, donc nier l’idée, nier la personne, la faire disparaître ? L’autre dérange, l’autre est barbare, donc c’est la guerre !!! Il ne va pas rester grand monde très rapidement …
Monde étrange ou vouloir “porter la plume dans la plaie” peut s’avérer mortel, certains en voulant les faire taire en les tuant, les ont rendus iconiques, immortels. Il est étrange de tenir en main de simples papiers devenus de tels monuments historiques, le poids, le symbole créé se ressent !
Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018
Résumé
Chapitre 5 : les premiers francs-maçons en France
Comme nous l’avons vu précédemment, à partir de 1689, après la défaite de la dynastie des Stuarts chasser du trône par la révolution de 1688, on estime que 40 000 à 50 000 jacobites, donc les perdants, immigrèrent vers la France dont une bonne moitié de militaires. On sait également que La Grande Loge d’Irlande qui nous est seulement apparu officiellement en 1725, fut la première à donner patente à des loges militaires. Par conséquent rien n’interdit de penser que des francs- maçons aient pu se trouver parmi les troupes qui vinrent en France à partir de 1690.
Qui étaient-ils ? Nous n’avons que peu de témoignages écrits et fiables mais seulement quelques parcours individuels plus ou moins véridiques qu’ils seraient trop long d’aborder ici. Ce que l’on sait à peu près cependant c’est qu’une loge appelée Saint-Thomas se réunissait à la taverne du louis d’argent. Composée environ de 25 Frères, dont 5 sont français seulement, ses membres étaient à peu près tous des aristocrates et des militaires. Aucun de ses membres n’a laissé de traces perceptibles dans l’histoire maçonnique française au cours de la décennie qui a suivi c’est-à-dire celle qui a vu la véritable structuration de la maçonnerie en France. Ce sont d’illustres inconnus comme des ombres qui passent écrivent les auteurs.
Pour en revenir à la loge Saint-thomas au Louis d’argent et selon une tradition peut être apocryphe (dont l’authenticité est douteuse) une nouvelle loge portant le même nom se serait créée en 1729 et se réunissait au même endroit et tout ce que l’on sait c’est qu’elle contacta la Grande Loge de Londres pour obtenir d’elle des patentes de constitution (reconnaissance officielle de la nouvelle loge par la grande loge) qui lui furent accordées en date du 3 avril 1732. Cette fois-ci nous avons des écrits. La loge au Louis d’argent vécu apparemment jusqu’à la mort de son vénérable maître fondateur un certain Lebreton disparu en 1767 et en 1769 on signala que cette Grande Loge est éteinte.
Il y a également encore 2 ou 3 loges de Paris dont la chronique nous a laissé les noms mais dont nous ne savons presque rien, pas même si elles ont réellement existé notamment Saint Martin et Saint-Pierre Saint-Paul toutes les deux supposées à avoir vu le jour en 1729.Il n’en subsiste à cette époque pas la moindre trace.
Jusqu’au début des années 1740 la franc-maçonnerie en France fut donc essentiellement parisienne ; les créations demeuraient rares en province et beaucoup furent d’abord sous obédience anglaise c’est-à-dire le plus souvent dîtes régulières. On peut du reste s’interroger sur l’importance qu’il faut accorder à leur effectivité souvent évanescente. Mais on peut supposer que ces loges furent avant tout des lieux de sociabilité au niveau social modeste quoique varié mais finalement assez équilibré. Certains personnages importants et influents qui les composent, même peu nombreux, cesseront tout au long du siècle de rehausser de leur prestige ces loges et on peut réellement s’interroger sur leur influence réelle. Peut-être virent ils surtout dans la maçonnerie un délassement de l’esprit qui ne devait surtout pas subvertir un ordre social auquel il demeurait particulièrement attaché.
La fondation parisienne de la maçonnerie en France apparaît au bout du compte comme le premier et finalement dernier pas d’une courte histoire.
Entre 1732 et 1744 se créent progressivement beaucoup de loges en province. On peut citer Dunkerque peut-être en 1721 ou Arras mais elle dès 1687 mais qui repose vraisemblablement sur un faux document. On parle également en 1735 d’une très ancienne qui aurait travaillé sur Metz. On a également une loge à Valenciennes. En fait les sources documentaires accessibles aujourd’hui sont peu nombreuses. Mais dès la fin des années 1730 il apparaît des loges à Marseille, au Mans, au Havre, à Dunkerque ou dans la région de Toulouse. Ensuite à l’assemblée générale de la Grande Loge en 1744, 20 loges de Paris étaient représentées ainsi que 19 de province et déjà 5 loges régimentaires. La maçonnerie était désormais bien présente à Nantes, Rouen, Caen, Rennes, La Rochelle, Albi, Carcassonne, Calais, Lille et même à Versailles et à Saint-Domingue. On le voit, à travers l’apparition de ces loges disséminées et sans unitées mais non sans lien, un modèle se met en place : celui d’une maçonnerie à la fois libre et autonome en vertu de l’attachement viscéral des hommes de l’ancien régime aux libertés locales toutefois ouverte aux informations venues de Londres, souvent soumises et encore soucieuse de sa reconnaissance. Ainsi allait s’élaborer, après une gestation silencieuse de plusieurs dizaines d’années, une version spécifique de la maçonnerie fortement adaptée à la culture et aux contraintes sociales, politiques et religieuses de la France catholique et absolutiste, mais travaillée par les faiblesses de la régence et l’incertitude d’un règne naissant aboutissement de la greffe imprévue d’une institution typiquement libérale protestante et britannique. A partir des années 1730 on peut compter entre 300 et 500 francs-maçons en France. Pour terminer je vous citerai 4 vers qui ont été reproduits dans presque toutes les divulgations maçonniques du milieu des années 1740, je cite : Pour le public un franc maçon Sera toujours un vrai problème Qu’il ne saurait résoudre à fond Qu’on devenant maçon lui-même.
Dans la planche qui suit, voyez là la simple expression d’un enthousiasme personnel, une invitation à vivre, à notre mesure, une expérience similaire à celle qu’ont vécue tous ceux qui ont reconstruit Notre-Dame. La cathédrale Notre-Dame a rouvert ses portes le 7 décembre dernier. Les maîtres d’œuvre, les compagnons du devoir et les apprentis qui ont œuvré pendant 5 ans à ce chantier sont des constructeurs. Ces architectes, ces tailleurs de pierre, ces charpentiers, ces archéologues, ces échafaudeurs, ces grutiers, ces cordistes, ces spécialistes du plomb, du vitrail ou du pavement ou ces restaurateurs de peinture, sont des constructeurs. Tous sont animés par une recherche du vrai, une quête du beau ; tous approfondissent et transmettent leur savoir-faire ; tous cultivent des hautes valeurs morales et humanistes ancestrales. Alors à votre avis, de quels constructeurs voudrais-je vous parler ce midi ? Les Constructeurs de Notre-Dame comme les Constructeurs réunis ici sont entrés dans le chantier tête baissée, pour se retrouver dans un tourbillon émotionnel géant. Les uns comme les autres ont sur leurs épaules une responsabilité énorme : celle de donner à l’édifice une cohérence totale. Leur engagement est au service d’une œuvre qui est plus grande qu’eux, une œuvre qui dépasse les individualités. L’intérêt de l’édifice prime sur les volontés personnelles. Pour réussir, ils ont dû montrer de nombreuses qualités morales, j’en citerais trois. En premier lieu, faire preuve de courage. Les Constructeurs de Notre-Dame ont dû en effet progresser sur des échafaudages gigantesques pour réaliser une tâche parfois difficile, au vent et à la pluie. Les Constructeurs de cette loge doivent progresser par leur travail, encore et encore, dans leur connaissance et leur réflexion. Parce que le jour de notre initiation, nous avons tous fait le serment suivant : « Je promets de travailler avec zèle, constance et régularité à l’œuvre de la Franc- Maçonnerie ». Et parce que nous le savons bien : « De longs et pénibles efforts seront encore nécessaires avant que notre tâche soit achevée. L’heure du repos n’est donc pas arrivée. » Ainsi, dans l’un comme l’autre chantier, le défaitisme ou la résignation n’ont pas cours. La seconde qualité réside en la confiance réciproque. Cela signifie que chaque Constructeur doit se sentir responsable de l’œuvre, comme responsable de ses frères et sœurs et comme responsable de lui-même. La confiance suppose aussi qu’il n’y a pas de place pour la petite phrase, pour le mot gratuit, pour la mauvaise foi. Il n’y a pas de place pour la remarque déplacée, pour la moquerie ou pour l’ironie qui blesse. Ce serait autant d’occasions de grignoter les liens de confiance qui nous unissent. Au lieu de cela, imposons-nous la franchise et la spontanéité bienveillante. La scène du parjure nous le rappelle à chaque initiation : « Cette pâle clarté, les épées que vous voyez pointées sur cet homme, sont des symboles. Ils vous annoncent que vous ne devez en aucun cas trahir votre serment, car vous pourriez mettre en péril les personnes qui vous ont fait confiance. » Enfin, en troisième lieu, l’exigence. L’exigence d’un travail de qualité, où chaque détail a son importance. Je cite l’architecte en chef qui a supervisé la reconstruction de la cathédrale : « dans le chantier de Notre-Dame, il y a en réalité 1000 chantiers et sur chacun de ces chantiers, 1000 détails à vérifier. » N’en est-il pas de même pour notre loge ? De telles aventures sont des aventures humaines qui fatalement produisent des heureux et des mécontents car l’exigence est, à tort, parfois prise pour de l’intransigeance. Si nous avons envie que notre œuvre soit la plus grande et la plus belle, si nous voulons éprouver la satisfaction du travail bien fait, alors nous n’avons pas le choix : nous devons abandonner notre fierté sur les parvis – est-ce cela laisser ses métaux ? – pour rechercher la rigueur et une forme d’idéal. On se le dit d’ailleurs souvent à la sortie : « ce soir, c’était une belle tenue ! ». Cela veut dire que le chantier a « élevé nos esprits vers l’idéal de notre Ordre » (comme le demande le V :. M :. lors de la chaîne d’union), et que nous avons connu l’égrégore, tout comme les constructeurs de cathédrale, par leur formidable élan et leur enthousiasme, ont sans cesse cherché la hauteur et l’équilibre de l’édifice.
Le coq fut le dernier élément à être posé au sommet de la flèche de Notre-Dame, tout en haut, au-dessus de la croix. Je ferai peut-être un jour des 5’ minutes sur le coq car c’est un animal avec une charge symbolique puissante. Mais aujourd’hui, je me contenterais de le relier à la vigilance et à la persévérance, qui sont toutes deux présentes et associées dans le cabinet de réflexion. Le coq vigilant est un symbole de l’éveil au matin et le coq persévérant rythme les moments de la journée, celle du travail sur le chantier. La vigilance est une qualité qui nous invite à rester éveillé et curieux, qui nous invite à la sagesse et qui maintient la flamme du désir initiatique. La persévérance évoque la fidélité et l’effort dans la durée ; elle combat l’impatience, mais aussi l’accoutumance ou le découragement. Pourquoi nos frères et nos sœurs nous reconnaissent-ils comme francs-maçons ? Parce qu’à l’instar des constructeurs de Notre-Dame, les Constructeurs réunis ici sont tenus de se dépasser, d’aller au- delà de leur propre satisfaction, et de développer des qualités de courage, de confiance et d’exigence, des qualités de vigilance et de persévérance, au service d’un édifice plus grand que nous, un édifice qui nous porte, au service d’une formidable aventure humaine qui ne s’arrête jamais. J’ai dit.
Amnon Weinstein est luthier. Né en 1939, il a eu la chance d’arriver à Tel Aviv juste avant la guerre avec ses parents. Tout le reste de sa famille a disparu. Depuis une vingtaine d’années, il restaure les violons de la Shoah. Ceux qui ont été retrouvés dans les camps, ceux qui ont été abandonnés ou confiés avant la déportation… Il leur redonne vie pour ensuite les faire jouer à nouveau et permettre ainsi de faire entendre la voix des absents Amnon répare à sa manière la rupture ignoble de l’histoire. Il réunit des pièces de puzzle de cette population effroyablement décimée. Il nous amène à (ré) écouter des témoignages que l’on a tenté de réduire au silence. Il fait vivre le prolongement des absents. Il répare, il transmet, il nous rappelle le passé pour mieux protéger l’avenir. Chacun de ses violons mériterait un film à lui tout seul. Mais parler de l’ensemble de sa collection c’est montrer combien l’horreur de cette guerre a été aussi bien protéiforme qu’insensée. Mais malgré toute la vie continue et on n’oublie pas les disparus. Amnon Wenstein est décedé en mars 2024 depuis la première diffusion du film en 2022
Voici 10 ans, un sombre 7 janvier 2015 la rédaction de Charlie était frappée de plein fouet par un lâche attentat perpétré par des terroristes islamistes. Les noms des 12 victimes de cet ignoble acte auxquels il faut associer la policière lâchement assassinée à Montrouge, ainsi que les 4 otages de l’hyper Cacher fauchés également quelques jours plus tard, resteront à tout jamais gravés dans nos mémoires. Frédéric Boisseau, Philippe Braham, Franck Brinsolaro, Cabu, Yohan Cohen, Elsa Cayat, Charb, Yoav hattab, Honoré, Clarissa, Jean-Philippe, Bernard Marris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, François-Michel Saada, Tignous, Wolinski, toutes ces femmes et ces hommes, célèbres ou non, constituent autant de lumières dans la nuit de l’obscurantisme qui les aura ravis à l’affection des leurs, et à l’admiration du plus grand nombre.
Le Grand Orient de France, conformément à son histoire et à sa vocation, est un acteur infatigable de la liberté d’expression et de sa défense en France et partout dans le monde.
Ce triste anniversaire nous rappelle combien il s’agit là d’une valeur ô combien précieuse mais ô combien fragile. Cette liberté n’est autre que le résultat de combats multiséculaires pour la reconnaissance de la liberté de conscience, condition sine qua none de l’émancipation de l’individu et de l’autonomie des sociétés.
Rien, jamais rien ne saurait nous contraindre à renoncer à ce pilier de l’humanisme : ni les menaces, ni les interdits, ni les pressions.
À plusieurs reprises, ces dix dernières années le Grand Orient de France s’honore d’avoir reçu des représentants de la rédaction de Charlie-hebdo. Ils sont ici chez eux, tant notre obédience depuis son origine a toujours été Charlie avant Charlie, avec Charlie, définitivement Charlie au service de l’universalisme.
Nicolas PENIN Grand Maître du Grand Orient de France
« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! »
Par cette célèbre strophe du poème « Le Lac » d’Alphonse de Lamartine écrit en 1820, je voudrais démarrer ma planche pour traduire ma quête impossible d’une suspension du temps dans de tels moments comme celui que je vis à l’instant devant vous tous.
Mon père me la récitait d’ailleurs, je pense à lui.
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Après cette évocation profane qui touche l’intime, je vais tout d’abord me concentrer sur la symbolique des « 12 lacs d’amours » en franc-maçonnerie, concept qui évoque l’aspiration à une purification de l’âme, la connaissance intérieure et la fraternité.
Je le développerai ensuite comme reflet de ma quête spirituelle liée à la franc-maçonnerie pas très éloignée vous le verrez de ma montagne savoyarde d’origine qui n’est jamais bien loin !
Et enfin je terminerai par une confidence…
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Les philosophes, en particulier dans la pensée platonicienne et dans la philosophie romantique, voient dans les lacs un espace de réflexion où le miroir de l’eau incarne l’accès aux vérités supérieures. En effet, comme le disait Platon, la contemplation est un moyen d’atteindre l’intelligible, au-delà du monde sensible.
Cette métaphore est reprise dans la franc-maçonnerie, où le lac symbolise le cheminement spirituel, la purification et l’accès à la connaissance cachée.
Dans la symbolique maçonnique, le concept des « 12 lacs d’amour » représente les étapes de la recherche spirituelle et de l’amour universel, où chaque lac incarne un aspect de l’amour purifié et transcendant.
Cette vision poétique et mystique des lacs d’amour invite à voir chaque lac comme une étape vers l’union avec le divin.
Ces 12 lacs pourraient symboliser les 12 étapes de la quête intérieure, chacune révélant un aspect différent de l’âme, jusqu’à atteindre l’amour parfait et la connaissance ultime.
Les 12 lacs d’amour se rapprochent de l’idée de purification et de connaissance intérieure, éléments centraux de la franc-maçonnerie. Chaque lac peut être vu comme un miroir symbolique permettant aux maçons de réfléchir sur leur progression spirituelle. Ce cheminement passe par l’amour de soi, de l’autre, et de l’univers tout entier.
La symbolique des lacs d’amour renvoie à la tradition initiatique, où l’individu, en quête de la lumière, doit traverser différentes étapes de purification et de prise de conscience pour accéder à la sagesse. Ce parcours initiatique, représenté par les 12 lacs, vise à faire grandir en chaque initié l’amour universel, ultime stade de l’évolution spirituelle dans la franc-maçonnerie.
Ce sont enfin des ornements symboliques héraldiques constitués de nœuds formant des boucles entrelacées, souvent disposés en chaîne ou en frise. Ils apparaissent sur le tapis de la loge, ou dans les décorations symboliques du temple et se terminent par une houppe dentelée.
Ces nœuds constituent une protection des travaux des maçons vis-à-vis de l’extérieur du temple. En résumé, en Franc Maçonnerie, la symbolique de ces 12 lacs d’amour couvre successivement :
• L’union et la fraternité entre les frères et sœurs maçons.
Les nœuds entrelacés représentent la solidité des liens d’amitié et de fraternité qui unissent les membres de la loge.
Chaque maçon est lié à l’autre de manière indissociable, formant une chaîne d’union spirituelle et universelle, lorsque les membres de la loge se tiennent par la main, formant un cercle symbolique.
• L’éternité et l’infini en évoquant un mouvement sans fin (proche du symbole de l’infini en mathématique).
Cela rappelle que les idéaux maçonniques, tels que la recherche de la vérité, l’amour et la fraternité, sont intemporels.
• La solidarité et la protection puisqu’un nœud bien fait ne se défait pas facilement, tout comme la solidarité maçonnique : les frères et sœurs se soutiennent mutuellement dans toutes les épreuves.
Je dirais même qu’en regardant la corde de près dans le nœud, nous voyons qu’elle revient vers nous et repart vers l’autre comme si elle nous amenait à notre introspection infinie je l’ai déjà indiqué.
• L’amour spirituel avec une dimension affective et spirituelle. L’amour fraternel est une valeur fondamentale en franc-maçonnerie. Ces nœuds figurent alors un amour pur, désintéressé et universel.
• Une référence initiatique. L’initié, en s’engageant sur ce chemin, tisse des liens avec les autres et avec l’univers symbolique maçonnique.
Inséparable des lacs, le chiffre 12 peut être vu, entre autres, comme en référence aux 12 nœuds de la corde du maçon.
Cette corde lui permet de réaliser facilement son ouvrage, en mettant successivement, bout à bout, des alignements de 3, 4, puis enfin 5 nœuds afin de tracer un angle droit parfait.
…
Mais permettez-moi, pour cette planche, de ne pas me priver d’un retour vers mes montagnes de Savoie, comme je le fais régulièrement avec celle que j’aime
Ces montagnes me manquent déjà après ces quelques mots !
Je l’avais d’ailleurs indiqué lors de mon initiation, citant mes dernières lectures d’alors, « Psychisme ascensionnel » d’Etienne KLEIN, à moins que ce ne soit « Blanc » de Sylvain TESSON.
J’ai eu la chance de pratiquer intensément l’alpinisme, en développant ma technique pour gravir jusqu’à 7 sommets à plus de 4000m dans les Alpes.
Dans les premières initiations, le guide vous apprend les techniques de base.
Votre première initiation concerne la manipulation des cordes d’escalade, pas de vulgaires « lacets » (autre origine des lacs), mais une corde de survie !
Il s’agit alors d’apprendre les nœuds.
Le « nœud de huit » est le premier nœud appris par tout alpiniste débutant !
Ce nœud de huit est en effet la clé de survie de tout alpinisme. Ce nœud permet de se relier en « cordée » d’alpiniste, et permet de palier à toute casse d’équipement d’ascension.
Encordés ainsi, vous apprenez très vite à évoluer sur glacier puis lors d’ascensions. La survie de l’autre est liée (tiens tiens…) à la qualité de nœud lorsque l’un chute dans une crevasse et que l’autre doit contenir cette chute en partant de l’autre côté.
Ce n’est pas intuitif, je vous l’accorde.
Des exercices sont réalisés, par exemple sur la mer de glace, pour que cela devienne un réflexe d’entraide et de survie au final.
D’ailleurs, s’approprier, comme je l’entends dans la cité, l’expression « 1er de cordée », n’a pas de sens sans rappeler le contexte alpin.
En effet, et vous l’avez compris maintenant, le 1er a besoin du 2nd et ainsi de suite. Ceci dans des situations d’urgence que le 1eraurait tort d’oublier…
Pour clore ce chapitre alpin, je souhaiterais indiquer que ce fameux « Nœud de huit » est parfois appelé « nœuds en lacs », « lacs d’amour » en héraldique, ou …… « Nœud de Savoie ». ….
….
La liaison est toute faite !
….
Pour finir, vous l’avez compris,
Dans le monde profane, le « lac » est la rencontre entre l’âme humaine et l’infini, un lieu de quête poétique, philosophique et spirituelle où se rejoignent le visible et l’invisible.
Ce mot provient du latin « lacus », « réservoir, bassin ».
Il peut donc être le réceptacle de toutes les imaginations humaines,
Lamartine, avec son poème, l’illustre parfaitement au Bourget en SAVOIE, beau département s’il en est , avec le passage du temps et le souvenir des amours perdues, ici la mort de Julie CHARLES, son amour, décédée peu après leur rencontre en ce lieu.
Mais cette définition, miroir de l’âme et lieu d’amour … a failli me perdre lors de cette rédaction.
Bien que simples homonymes et d’étymologie différente, ces 2 mots “lac” m’inspirent tout autant dans ma démarche maçonnique.
Heureusement, la Franc-maçonnerie peut servir de salut en m’offrant un chemin de purification et d’initiation tout le long des « 12 lacs d’amour », qui illustrent la progression spirituelle vers l’amour universel et la sagesse.
En résumé, les lacs d’amour incarnent les idéaux maçonniques d’unité, de fraternité et d’amour universel, tout en évoquant un lien indestructible et intemporel entre les maçons et leurs valeurs communes pour l’œuvre qui les unit.
En toute confidence, je vais vous avouer une chose…
Il m’arrive lors de tenues de m’égarer en pensées en observant les lacs du temple depuis ma place d’apprenti et de m’y perdre quelques instants.
J’y vois d’abords mes lacs de Savoie et d’ailleurs, qui m’ont vu grandir, j’en ai au moins 12 en tête !
Je les imagine ensuite m’accompagner dans mon parcours maçonnique.
Ces 12 lacs d’amours m’ont vu naître et me verrons grandir en FM pour progresser de lac en lac comme je l’ai fait toute ma vie en randonnant pour découvrir, rencontrer et me découvrir.
Je ressens alors un sentiment d’apaisement en écoutant les planches ou les échanges de la Loge. …
« O temps suspends ton vol » !…
Je me suis senti tout petit en rédigeant cette planche, émergeant des profondeurs de mon lac profane pour, je l’espère, cheminer le long de l’éternité maçonnique.
Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018
Résumé
Chapitre 4 : la fondation de la première Grande Loge de Londres
C’est le jour de la Saint-Jean d’été de 1717 que naquit une certaine forme organisée de franc-maçonnerie. Ce jour-là, selon le pasteur Anderson, 4 loges se réunirent dans une taverne londonienne, l’oie et le grille pour former une Grande Loge. Cette réunion semble avoir été dictée par la difficulté qu’avaient ces loges à se maintenir en vie. Elles décidèrent donc tout simplement de se soutenir mutuellement. En effet, ces loges rassemblaient principalement des gens de condition modeste, des artisans et des petits commerçants. Et elles n’avaient évidemment aucun lien institutionnel, à la manière écossaise, avec le métier de maçon. Leur objet majeur, à l’instar des confréries qui existaient depuis des siècles d’abord autour d’un village, puis au sein des métiers étaient manifestement la bienfaisance et l’entraide.
Mais la fondation de 1717 pourrait n’être elle-même qu’une fable, l’ultime mythe fondateur des origines de la maçonnerie spéculative. Plusieurs éléments permettent en effet de remettre aujourd’hui en question cette légende dorée. Par exemple, ce n’est seulement que dans l’édition de 1738 qu’Anderson expose les minutes des assemblées supposées de la Grande Loge entre 1717 et 1723. Les livres des procès-verbaux de la Grande Loge de Londres et de Westminster ne commencent d’ailleurs qu’en novembre 1723. Avant rien, aucune indication mentionnant un second volume antérieur. De plus, il apparaît simplement qu’en 1716 la Taverne du Pommier, une des 4 loges créatrices de la Grande loge d’Angleterre en 1717 n’existait plus. Faut-il donc renier la fondation de 1717 ?
La réponse est en fait, évidemment plus compliquée qu’il n’y paraît. Il demeure néanmoins acquis que l’on devait compter des maçons et quelques loges à Londres avant 1717. Mais sans doute très peu et dans un état presque fragile. On ne peut rien dire de plus précis à ce sujet. Il est vrai que les maçons de cette époque ont réactivé, en la transformant de fond en comble, une société populaire, anciennement de métier, devenue avant tout une société d’entraide. Ils lui ont accordé des moyens financiers sans précédent grâce à l’arrivée providentielle ensuite de grands maîtres richissimes, tout en exigeant en contrepartie de ses membres qu’ils se conforment au nouvel ordre politique et cultivent la tolérance interreligieuse qui avait donné au pays la paix civile tant désirée.
La fiction de 1717 s’inscrit dans cette préoccupation. Elle ne relève pas d’une volonté cynique de tromper, mais d’un désir sincère d’assigner symboliquement à une fraternité désormais gouvernée par l’élite sociale, la source populaire et fraternelle. Un des grands maîtres, Desaguliers charge, le pasteur James Anderson, de rédiger de nouvelles constitutions à partir de celles des anciens devoirs. En 1723, l’ouvrage fut aussi officiellement terminé et offert au nouveau Grand maître. Les nouvelles constitutions avaient évidemment une fonction politique. Leur plan, exactement calqué sur celui des anciens devoirs, s’ouvraient par une longue histoire du métier compilée par Anderson. Ce message était clair. La Grande Loge se situait dans le droit fil des récits qu’on lisait déjà aux jeunes apprentis des chantiers 3 siècles plus tôt. À partir de ce moment-là, dans ce climat bien particulier, la Grande Loge, clairement dominée par l’élite hanovrienne les vainqueurs de la glorieuse révolution de 1688), apparaît comme un des lieux où pouvaient à la fois s’accomplir la réconciliation des élites et du peuple, notamment par les bienfaisances actives. Et s’affirmait la volonté commune de donner à l’Angleterre une paix civile et durable après un 17ème siècle ensanglanté par les guerres civiles et autres troubles.
Quoi qu’on puisse en penser, la maçonnerie moderne naît alors que s’établit, dans une grande monarchie européenne, un pouvoir parlementaire fondé sur le libéralisme politique et la tolérance. Sur le plan religieux, l’appartenance à une communauté ecclésiale faisait partie intégrante de l’identité sociale. Ne nous y trompons pas, dans l’Angleterre du 18e siècle, cela veut simplement dire liberté de choisir sa religion car il allait de soi que chaque homme en avait une. Et sur le plan intellectuel, et c’est sans doute le trait le plus frappant à l’origine et cependant le plus souvent méconnu, entre 1720 et 1750, la Grande Loge d’Angleterre de Londres a compté dans ses rangs l’élite des milieux scientifiques anglais et un nombre impressionnant de membres de la société royale de Londres.
Entre 1725 et 1730, plus de 80 maçons anglais appartiennent à cette élite sur à peu près 250 personnes à l’époque. La proportion est évidemment considérable. C’est dans ce climat politique et intellectuel qu’apparaîtront les futurs pionniers de la maçonnerie en France. Il est certain qu’ils en porteront la mémoire collective, l’état d’esprit et aussi les ambiguïtés. S’ils prirent pied sur le continent, ce ne fut pas du reste pour y propager la maçonnerie. Mais parce que leur engagement politique et religieux les avait contraints. Les premiers francs-maçons en France, nous le verrons la prochaine fois, furent des fugitifs et des exilés.