Planche / “Liberté d’expression chérie”

“Liberté d’expression chérie”

En hommage à Charlie et tous les autres !

Faire une planche, oui mais sur quoi ? Vaste domaine, un sujet que je connais, que j’aime, qui me touche, bref je tourne en rond comme devant une page blanche qui s’allonge, alors que le choix s’offre à moi ! Et par rebonds successifs et d’actualités nous voilà 10 ans après … 10 ans après quoi ?

L’attentat contre le journal Charlie Hebdo ! Mais pas seulement, Charlie Hebdo est un symbole, symbole de nos Libertés !

Et comme dirait le Canard enchaîné “La liberté de la presse ne s’use que quand on ne sert pas !” et qu’on peut regretter parfois de ne pas avoir dit, comme quand l’on perd un être cher ! Donc vaut mieux une liberté qui gratte, qui insupporte ou que l’on ne sert pas que pas ou plus de liberté du tout !

Petites définitions essentielles : 

Le mot “caricatura” (du latin populaire “caricare” donne “charger”, “exagérer”, lui-même est issu du gaulois “carrus”, “char”), qui peut se définir par : une caricature est une représentation révélant des aspects déplaisants, risibles, accentuer, exagérer.

Education : instruire un enfant pour le rendre indépendant, responsable et libre de ses choix dans sa vie d’adulte. Humour : réflexions personnelles et parfois partagées sur le monde insolite voir absurde qui nous entoure et qui amène à voir la vie en souriant . Humour noir : idem mais en grinçant. Ironie : idem mais à l’envers. Sarcasme : idem mais un ton plus haut, donc plus bas ! 

Une courte histoire :

La liberté d’expression et la caricature ont une histoire aussi riche que complexe, marquée par des luttes sociales et sociétales, des évolutions culturelles et technologiques. Et des affrontements historiques, militaires, politiques et religieux que ce soit en France ou ailleurs. La période Antique, autour du bassin méditérannéen commence avec des dessins de portraits en Egypte ancienne, en Grèce sur des vases et du côté de Rome par des graffitis. Le pouvoir et les leaders en place découvrent l’autre côté de la pièce ou leurs visages y sont représentés. Au moyen-âge (500 à 1490), la discipline se poursuit plus discrètement, car elle est plus “encadrée” par le pouvoir royal et religieux. Mais des cathédrales en gardent quelques souvenirs ironiques si vous savez où lever la tête ainsi que les Grotesques, lettres en enluminures décoratives et fantaisistes. En 1317, le roman de Fauvel représente le roi Philippe le Bel par une tête d’âne, une critique ouverte de la corruption des puissants (roi et religieux) et en 1327, Umberto Eco et Jean-Jacques Annaud nous font frissonner dans une énigme ou le coupable selon les enquêteurs ou la police serait … la dérision ou son absence. La Renaissance (1400 à 1600) libère l’étaux, en 1450, l’imprimerie de Gutenberg fait son effet et se répand aussi vite que ses productions parallèles, 1470 elle arrive en France à la Sorbonne de Paris. Les guerres de Religion (1562 à 1598) passe aussi par une guerre des images et de la représentation des puissances adverses. C’est aussi la période des Grandes découvertes (à partir de 1400) où ces multitudes aventures sapent tant de principes verticaux établis. L’Ancien Régime (1589 à 1790) voit également continuer de se développer cette contre information du pouvoir en place, par le Protestantisme animé par Luther, qui s’autorise à réécrire les relations entre croyants et l’autorité papale. En Angleterre également, John Milton en 1644 avec son “Aeropagitica” qui défend la liberté de la presse. Et une pensée pour Molière, satire devenu éternel en seulement quelques années (1650 à 1670) et une vingtaine de pièces de théâtre. Le Siècle des Lumières (1700 à 1800), par ce grand mouvement philosophique ou se brasse les idées sociétales et connaissances scientifiques, continue de bousculer le religieux. Cette période marque l’ouverture au monde. De par ses nombreuses avancées philosophiques et découvertes scientifiques, les vérités supérieures et inamovibles établies vacillent.  La Révolution française (1789 à 1799) et Voltaire consacrent la liberté du “Tiers-État. Et on aurait même aperçu Marie-Antoinette en poule d’Autriche dans un journal. La liberté d’expression est inscrite à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) de 1789. Elle fait partie de nos droits fondamentaux.La caricature est un droit constitutionnel. 

Ce qui nous amène au 19eme siècle, pour certains l’âge d’or de la caricature, car la discipline se diffuse pour continuer de dénoncer les injustices sociales et politiques. Avec entre autres pour la France, le journal Charivari, ce quotidien puis hebdomadaire qui vécut une centaine d’années (1832 à 1937). Nombreux dessinateurs se révélèrent au public comme Charles Philipon (son fondateur), Nadar aussi connu comme photographe, Gustave Doré, Honoré Daumier et tant d’autres … Charivari a marqué les mémoires pour un procès célèbre, en 1831 le journal “La caricature” a croqué Louis-Philippe 1er par une poire, condamné mais resté dans l’éternité par sa défense et par la publication du jugement dans le journal Charivari en forme de … poire, elle-même interdite de représentation ! 

En 1881, est prononcée la loi dite sur la liberté de la presse et donc aussi de ses responsabilités, un cadre légal, c’est la suite de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Aux alentours de 1900, de nombreux journaux fleurissent, la carte postale fait aussi partie de la panoplie. On profite aussi de 1905 avec la Laïcité, où l’on sépare officiellement les églises de l’Etat, la satire se fait toujours plaisir !  Le 10 septembre 1915, “Le Canard enchaîné” est fondé, il subit de suite la censure militaire. Ses dessins nous accompagnent depuis toujours et chaque politique se voit ou c’est vu immortalisée par Cabu, Chappatte, Bouzard, Wozniak et tant d’autres, le Canard passe son centenaire haut la main. 1930 voit l’essor des Fanzines, parlant de tout et de rien entre passionnés.

Après la Seconde Guerre mondiale, la liberté d’expression est consacrée dans des textes comme la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), mais son application varie grandement selon les pays. La caricature devient un outil universel de la critique politique et sociale, mais souvent malheur a celui qui ne corrige pas son trait assez vite ! Mai 68, de part ses dessins au style épuré et une phrase courte, les slogans percutent directement et grave nos mémoires ! Le journal “bête et méchant” Hara-Kiri, accouché en 1960 par Cavanna et le professeur Choron, fait les délices des prétoires, puis Charlie Hebdo prend le relai.

Charlie hebdo : en 2011, incendie du siège dans le cadre de l’affaire des caricatures de Mahomet (publication de 12 caricatures en 2005 dans un journal danois) et en 2015 attentat par les frères Kouachi. Le site internet de Charlie Hebdo.

Par ce rappel historique, on voit que la caricature accompagne le développement de l’Humanité, de par son regard qui va de “légèrement acidulé” à “délicieusement acerbe”, elle abonde nos idées, nos réflexions qu’elles soient personnelles, collectives et publiques, nul ne peut se passer du tamis de la presse, de ses éditorialistes et de ses croqueurs du quotidien pour alimenter sa pensée critique, car il s’agit bien de cela, penser avec discernement, arguments et contre argumentations, pour affûter son esprit, on est libre de choisir son média, même les plus mauvais, et de faire de nous des femmes et hommes libres de … choisir. Je pense à l’émission “Culture Pub”. Qui n’a jamais rigolé en voyant une bonne publicité sur un produit du quotidien dans une situation qu’il l’est beaucoup moins ? Même si chaque culture à son humour et ses codes, le tronc commun est là, inamovible, comme une symbolique universelle qui nous touche tous. Et pourtant nous consommons tous les jours, nous construisons cette société de consommation mais avec un peu plus de discernement. Je pense que cette deuxième face qui nous entoure est indissociable à notre équilibre et à notre développement, tel un mouvement perpétuel qui s’alimente lui-même. 

Dans notre démocratie, le fait de publier une satire, permet de questionner toutes les idéologies dominantes voire absolues, également les croyances religieuses et les figures d’autorité. En se permettant de bousculer les tabous, les caricatures et dessins rappellent que personne ne doit être au-dessus de la critique.

Liberté oui mais aussi quelques devoirs, cette liberté engendre nécessairement des responsabilités, une juridiction existe pour cela. Mais restreindre ces dessins reviendrait à instaurer une forme de censure et à limiter la capacité de la presse à s’exprimer librement, encore qu’après 7 millions d’amendes et 35 réprimandes il est grand temps de fermer l’antenne. Idem pour la musique, théâtre, exposition, concert … lieux de liberté que certains par l’autocensure cherchent à instaurer, par des influences, pressions, menaces, poursuites abusives et agressions. 

De nos débats publics à nos discussions de comptoirs, ils créent de la réaction, ils nourrissent les échanges, parfois vifs, controversés ou sans écho, le trait juste fait toujours son chemin, comme l’eau qui coule de la source.  

Parfois quand le sujet est trop grave, conséquent, intime voire tabou. L’humour du crayon permet d’aborder le sujet avec plus de légèreté et de recul. Le sujet sera abordé mais permettra de désamorcer les réflexes et réactions trop hâtives. Également quand le sujet est complexe, inhabituel ou inconnu, prendre un peu de recul est nécessaire. Le pluralisme et la diversité des médias permettent d’y répondre, un dessin de presse étranger, anglo-saxon, africain permet de relativiser beaucoup de choses. Je pense aux Une du New Yorker, aux dessins du Courrier international et à l’association Cartooning for peace. 

Cet art délicat n’est pas inné, il s’acquiert, se travaille et donc il va de soit qu’il s’enseigne à l’école. Cela permet d’apprendre à décrypter l’actualité en général et les médias en particulier. Aussi cela stimule la créativité et l’humour, nous fait découvrir l’histoire de l’art et l’histoire du monde. Le fait de s’exprimer par des biais différents, exerce aux débats ainsi que ses engagements personnels, tel la plaidoirie de l’avocat défendant les libertés !  

Notre culture générale se forge tous les jours, nos avis et convictions aussi, tous les jours nous dosons nos envies de chambouler le système, mais quid de l’autre, le différent, le barbare du jour, mais ayant tout de même sa sensibilité propre. Encore plus, habitant une planète globalisée ou beaucoup trop de choses circulent instantanément. Les sujets ne manquent pas et les enfants engendrés par elle n’ont plus car la liberté d’expression, liberté fondamentale à fait naître et reconnaître la liberté d’opinion, la liberté de la presse, la liberté de manifestation et le droit de grève. Qu’il est heureux de s’apercevoir qu’un trait de plume sur une feuille vierge est pu et continuera de faire s’écouler la liberté, tel un ruissellement parfois douloureux ! 

Et il va nous en falloir une sacrée dose d’humour ou de dérision, de culture générale et de discernement dans cette nouvelle époque que nous franchissons. Politique et relations internationales se durcissent tous les jours, où réalité se mêlent d’informations alternatives afin que le monde corresponde à certains désirs insensés. Car ce nouveau continent informationnel est parsemé d’embûches, où voir est trompeur, vouloir comprendre devient confus, croire est à la fois savoir et raison, mais comme mon avis est plus liké que le tien, j’ai donc raison ! Les fondamentaux sont en péril car la Police de la pensée approche, la fameuse police du roman “1984” écrit en 1949 par George Orwell et sa Novlangue qui réécrit l’histoire passée en fonction du sujet du moment. 

Ce qu’on aime, ce qu’on envie, ce qu’on aime pas, ce qu’on déteste, interdire ce qu’on aime pas mais qu’est-ce qui va rester et qui choisit ! Interdire, donc nier l’idée, nier la personne, la faire disparaître ? L’autre dérange, l’autre est barbare, donc c’est la guerre !!!  Il ne va pas rester grand monde très rapidement … 

Monde étrange ou vouloir “porter la plume dans la plaie” peut s’avérer mortel, certains en voulant les faire taire en les tuant, les ont rendus iconiques, immortels. Il est étrange de tenir en main de simples papiers devenus de tels monuments historiques, le poids, le symbole créé se ressent !

Merci à Richard Malka pour sa plaidoirie publiée “Le droit d’emmerder Dieu!”.

Et pour finir, comme un petit dessin vaut mieux qu’un trop long discours, il n’est jamais trop tard pour se fendre … la poire 😉

j’ai dit. 

Vidéo / « Et la laïcité, bordel ? » par Riss, Directeur de la publication et Gérard Biard, Rédacteur en chef de Charlie Hebdo

Conférence publique de la rédaction de Charlie Hebdo jeudi 23 Janvier 2025 au siège du Grand Orient de France, à Paris. Intervenants :

  • Riss, Directeur de publication de Charlie Hebdo,
  • Gérard Biard, Rédacteur en chef de Charlie Hebdo,

En présence de Nicolas Penin, Grand Maître du Grand Orient de France et d’une délégation du Conseil de l’Ordre.

Site internet de Charlie Hebdo

Chapitre 5 : les premiers francs-maçons en France

Nouvelle histoire des Francs-maçons en France

Des origines à nos jours

Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018

Résumé

Chapitre 5 : les premiers francs-maçons en France

Comme nous l’avons vu précédemment, à partir de 1689, après la défaite de la dynastie des Stuarts chasser du trône par la révolution de 1688, on estime que 40 000 à 50 000 jacobites, donc les perdants, immigrèrent vers la France dont une bonne moitié de militaires. On sait également que La Grande Loge d’Irlande qui nous est seulement apparu officiellement en 1725, fut la première à donner patente à des loges militaires. Par conséquent rien n’interdit de penser que des francs- maçons aient pu se trouver parmi les troupes qui vinrent en France à partir de 1690.

Qui étaient-ils ? Nous n’avons que peu de témoignages écrits et fiables mais seulement quelques parcours individuels plus ou moins véridiques qu’ils seraient trop long d’aborder ici. Ce que l’on sait à peu près cependant c’est qu’une loge appelée Saint-Thomas se réunissait à la taverne du louis d’argent. Composée environ de 25 Frères, dont 5 sont français seulement, ses membres étaient à peu près tous des aristocrates et des militaires. Aucun de ses membres n’a laissé de traces perceptibles dans l’histoire maçonnique française au cours de la décennie qui a suivi c’est-à-dire celle qui a vu la véritable structuration de la maçonnerie en France. Ce sont d’illustres inconnus comme des ombres qui passent écrivent les auteurs.

Pour en revenir à la loge Saint-thomas au Louis d’argent et selon une tradition peut être apocryphe (dont l’authenticité est douteuse) une nouvelle loge portant le même nom se serait créée en 1729 et se réunissait au même endroit et tout ce que l’on sait c’est qu’elle contacta la Grande Loge de Londres pour obtenir d’elle des patentes de constitution (reconnaissance officielle de la nouvelle loge par la grande loge) qui lui furent accordées en date du 3 avril 1732. Cette fois-ci nous avons des écrits. La loge au Louis d’argent vécu apparemment jusqu’à la mort de son vénérable maître fondateur un certain Lebreton disparu en 1767 et en 1769 on signala que cette Grande Loge est éteinte.

Il y a également encore 2 ou 3 loges de Paris dont la chronique nous a laissé les noms mais dont nous ne savons presque rien, pas même si elles ont réellement existé notamment Saint Martin et Saint-Pierre Saint-Paul toutes les deux supposées à avoir vu le jour en 1729.Il n’en subsiste à cette époque pas la moindre trace.

Jusqu’au début des années 1740 la franc-maçonnerie en France fut donc essentiellement parisienne ; les créations demeuraient rares en province et beaucoup furent d’abord sous obédience anglaise c’est-à-dire le plus souvent dîtes régulières. On peut du reste s’interroger sur l’importance qu’il faut accorder à leur effectivité souvent évanescente. Mais on peut supposer que ces loges furent avant tout des lieux de sociabilité au niveau social modeste quoique varié mais finalement assez équilibré. Certains personnages importants et influents qui les composent, même peu nombreux, cesseront tout au long du siècle de rehausser de leur prestige ces loges et on peut réellement s’interroger sur leur influence réelle. Peut-être virent ils surtout dans la maçonnerie un délassement de l’esprit qui ne devait surtout pas subvertir un ordre social auquel il demeurait particulièrement attaché.

La fondation parisienne de la maçonnerie en France apparaît au bout du compte comme le premier et finalement dernier pas d’une courte histoire.

Entre 1732 et 1744 se créent progressivement beaucoup de loges en province. On peut citer Dunkerque peut-être en 1721 ou Arras mais elle dès 1687 mais qui repose vraisemblablement sur un faux document. On parle également en 1735 d’une très ancienne qui aurait travaillé sur Metz. On a également une loge à Valenciennes. En fait les sources documentaires accessibles aujourd’hui sont peu nombreuses. Mais dès la fin des années 1730 il apparaît des loges à Marseille, au Mans, au Havre, à Dunkerque ou dans la région de Toulouse. Ensuite à l’assemblée générale de la Grande Loge en 1744, 20 loges de Paris étaient représentées ainsi que 19 de province et déjà 5 loges régimentaires. La maçonnerie était désormais bien présente à Nantes, Rouen, Caen, Rennes, La Rochelle, Albi, Carcassonne, Calais, Lille et même à Versailles et à Saint-Domingue. On le voit, à travers l’apparition de ces loges disséminées et sans unitées mais non sans lien, un modèle se met en place : celui d’une maçonnerie à la fois libre et autonome en vertu de l’attachement viscéral des hommes de l’ancien régime aux libertés locales toutefois ouverte aux informations venues de Londres, souvent soumises et encore soucieuse de sa reconnaissance. Ainsi allait s’élaborer, après une gestation silencieuse de plusieurs dizaines d’années, une version spécifique de la maçonnerie fortement adaptée à la culture et aux contraintes sociales, politiques et religieuses de la France catholique et absolutiste, mais travaillée par les faiblesses de la régence et l’incertitude d’un règne naissant aboutissement de la greffe imprévue d’une institution typiquement libérale protestante et britannique. A partir des années 1730 on peut compter entre 300 et 500 francs-maçons en France. Pour terminer je vous citerai 4 vers qui ont été reproduits dans presque toutes les divulgations maçonniques du milieu des années 1740, je cite :
Pour le public un franc maçon
Sera toujours un vrai problème
Qu’il ne saurait résoudre à fond
Qu’on devenant maçon lui-même.

Planche 5 minutes de symbolisme « Notre Dame de Paris »

Dans la planche qui suit, voyez là la simple expression d’un enthousiasme personnel, une invitation à vivre, à notre mesure, une expérience similaire à celle qu’ont vécue tous ceux qui ont reconstruit Notre-Dame.
La cathédrale Notre-Dame a rouvert ses portes le 7 décembre dernier. Les maîtres d’œuvre, les compagnons du devoir et les apprentis qui ont œuvré pendant 5 ans à ce chantier sont des constructeurs. Ces architectes, ces tailleurs de pierre, ces charpentiers, ces archéologues, ces échafaudeurs, ces grutiers, ces cordistes, ces spécialistes du plomb, du vitrail ou du pavement ou ces restaurateurs de peinture, sont des constructeurs. Tous sont animés par une recherche du vrai, une quête du beau ; tous approfondissent et transmettent leur savoir-faire ; tous cultivent des hautes valeurs morales et humanistes ancestrales.
Alors à votre avis, de quels constructeurs voudrais-je vous parler ce midi ?
Les Constructeurs de Notre-Dame comme les Constructeurs réunis ici sont entrés dans le chantier tête baissée, pour se retrouver dans un tourbillon émotionnel géant. Les uns comme les autres ont sur leurs épaules une responsabilité énorme : celle de donner à l’édifice une cohérence totale. Leur engagement est au service d’une œuvre qui est plus grande qu’eux, une œuvre qui dépasse les individualités. L’intérêt de l’édifice prime sur les volontés personnelles.
Pour réussir, ils ont dû montrer de nombreuses qualités morales, j’en citerais trois.
En premier lieu, faire preuve de courage. Les Constructeurs de Notre-Dame ont dû en effet progresser sur des échafaudages gigantesques pour réaliser une tâche parfois difficile, au vent et à la pluie. Les Constructeurs de cette loge doivent progresser par leur travail, encore et encore, dans leur connaissance et leur réflexion. Parce que le jour de notre initiation, nous avons tous fait le serment suivant : « Je promets de travailler avec zèle, constance et régularité à l’œuvre de la Franc- Maçonnerie ». Et parce que nous le savons bien : « De longs et pénibles efforts seront encore nécessaires avant que notre tâche soit achevée. L’heure du repos n’est donc pas arrivée. » Ainsi, dans l’un comme l’autre chantier, le défaitisme ou la résignation n’ont pas cours.
La seconde qualité réside en la confiance réciproque. Cela signifie que chaque Constructeur doit se sentir responsable de l’œuvre, comme responsable de ses frères et sœurs et comme responsable de lui-même. La confiance suppose aussi qu’il n’y a pas de place pour la petite phrase, pour le mot gratuit, pour la mauvaise foi. Il n’y a pas de place pour la remarque déplacée, pour la moquerie ou pour l’ironie qui blesse. Ce serait autant d’occasions de grignoter les liens de confiance qui nous unissent. Au lieu de cela, imposons-nous la franchise et la spontanéité bienveillante. La scène du parjure nous le rappelle à chaque initiation : « Cette pâle clarté, les épées que vous voyez pointées sur cet homme, sont des symboles. Ils vous annoncent que vous ne devez en aucun cas trahir votre serment, car vous pourriez mettre en péril les personnes qui vous ont fait confiance. »
Enfin, en troisième lieu, l’exigence. L’exigence d’un travail de qualité, où chaque détail a son importance. Je cite l’architecte en chef qui a supervisé la reconstruction de la cathédrale : « dans le chantier de Notre-Dame, il y a en réalité 1000 chantiers et sur chacun de ces chantiers, 1000 détails à vérifier. » N’en est-il pas de même pour notre loge ? De telles aventures sont des aventures humaines qui fatalement produisent des heureux et des mécontents car l’exigence est, à tort, parfois prise pour de l’intransigeance. Si nous avons envie que notre œuvre soit la plus grande et la plus belle, si nous voulons éprouver la satisfaction du travail bien fait, alors nous n’avons pas le choix : nous devons abandonner notre fierté sur les parvis – est-ce cela laisser ses métaux ? – pour rechercher la rigueur et une forme d’idéal. On se le dit d’ailleurs souvent à la sortie : « ce soir, c’était une belle tenue ! ». Cela veut dire que le chantier a « élevé nos esprits vers l’idéal de notre Ordre » (comme le demande le V :. M :. lors de la chaîne d’union), et que nous avons connu l’égrégore, tout comme les constructeurs de cathédrale, par leur formidable élan et leur enthousiasme, ont sans cesse cherché la hauteur et l’équilibre de l’édifice.

Le coq fut le dernier élément à être posé au sommet de la flèche de Notre-Dame, tout en haut, au-dessus de la croix. Je ferai peut-être un jour des 5’ minutes sur le coq car c’est un animal avec une charge symbolique puissante. Mais aujourd’hui, je me contenterais de le relier à la vigilance et à la persévérance, qui sont toutes deux présentes et associées dans le cabinet de réflexion. Le coq vigilant est un symbole de l’éveil au matin et le coq persévérant rythme les moments de la journée, celle du travail sur le chantier. La vigilance est une qualité qui nous invite à rester éveillé et curieux, qui nous invite à la sagesse et qui maintient la flamme du désir initiatique. La persévérance évoque la fidélité et l’effort dans la durée ; elle combat l’impatience, mais aussi l’accoutumance ou le découragement.
Pourquoi nos frères et nos sœurs nous reconnaissent-ils comme francs-maçons ? Parce qu’à l’instar des constructeurs de Notre-Dame, les Constructeurs réunis ici sont tenus de se dépasser, d’aller au- delà de leur propre satisfaction, et de développer des qualités de courage, de confiance et d’exigence, des qualités de vigilance et de persévérance, au service d’un édifice plus grand que nous, un édifice qui nous porte, au service d’une formidable aventure humaine qui ne s’arrête jamais.
J’ai dit.