5 minutes de symbolisme « Le sacré et le secret »

V :. M :. et vous tous mes frères et sœurs en vos grades et qualité,

le sacré et le secret sont deux concepts intimement liés car ils partagent tous deux une idée de profond respect et une idée de protection.

Placés côte à côte, les deux mots, sacré et secret, montrent une assonance évidente. Ils n’ont pourtant pas du tout la même étymologie : sacré est issu tout droit de l’indo-européen « sak » qui signifiait déjà… sacré et secret trouve son origine dans la racine indo-européenne ker, qui a le sens de trier, séparer Ce n’est donc pas à travers l’étymologie que nous allons trouver un lien entre ces deux termes.

Nous sommes ici dans un temple alors essayons d’abord de définir ce qu’est le sacré.

De façon générale, le sacré se réfère à ce qui est mis à part, vénéré, ou considéré comme ayant une importance transcendante. Il peut être associé à des objets comme des œuvres d’art ou bien certains textes, des lieux comme une église ou un temple, des rites, des traditions, ou encore des idées qui dépassent le monde matériel et touchent au spirituel ou au religieux. Ce qui est sacré inspire respect, crainte, admiration. Ce qui est sacré est souvent entouré de rituels et de symboles qui renforcent son caractère inviolable. Il est fréquemment associé au mystère, car il touche à des réalités qui dépassent la compréhension humaine immédiate et ordinaire.

Dans ces lieux, le sacré est à rechercher dans notre rituel, dans notre méthode de travail, dans nos symboles. Il est surtout à rechercher dans ce que nous en faisons. Ce qui est sacré est le cheminement maçonnique qui opère au fond de nous. Le cheminement individuel mais aussi le cheminement collectif, au gré des évènements qui marquent notre loge. Le sacré est à rechercher dans le lien d’esprit, le lien fraternel, l’égrégore qui nous unit tous.

Et bien figurez-vous que tout cela constitue précisément notre secret. Je ne parle pas du secret d’appartenance ou du secret du rituel. Non, trop banal. Je veux parler bien sûr de ce que l’on ressent dans notre cœur et qui est le fameux secret que l’on dit incommunicable.

Secret… sacré… Ca y est ! ces deux mots deviennent subitement des synonymes. Nos secrets sont notre sacré. Ils sont réservés à ceux qui ont franchi certaines étapes d’initiation et qui sont dignes de les connaître. Ils représentent une forme de connaissance qui doit être méritée et acquise degré après degré, plutôt que d’être délivrée en bloc. La préservation de nos secrets demande à chaque frère ou sœur de la loge, chacun dans son grade, une certaine maîtrise de soi qui oblige au silence toutes les fois qu’il est inopportun de s’exprimer ou toutes les fois que notre interlocuteur n’est pas en mesure de recevoir une vérité nouvelle. Et inversement, les passages de grade permettent d’enseigner de nouveaux mystères aux frères et aux sœurs qui sont prêts à les recevoir.

De cette façon, les secrets se dévoilent petit à petit, en respectant le temps et le cheminement personnel de chacun.

Les secrets se dévoilent petit à petit… Dévoiler, secret… n’est-ce pas contradictoire ? Non ! Car si les secrets n’étaient jamais transmis, ils finiraient par être perdus, oubliés ou pire, remplacés par quelque-chose de bien plus pernicieux, sans même qu’on s’en rende compte. Il faut comprendre dans mon propos que, paradoxalement, le secret n’a une utilité qu’à partir du moment où il ne l’est plus tout à fait. Ainsi, la maîtrise du secret maçonnique suppose un équilibre entre, d’une part, la transmission du savoir, qui utilise le langage des symboles, et d’autre part, le silence, gardien du mystère.

Les francs-maçons ont coutumes de dire dans les médias qu’ils appartiennent davantage à une société discrète que secrète. C’est peut-être vrai lorsqu’on s’adresse aux profanes. Encore que… nous sommes indiscrets voire triviaux toutes les fois que notre communauté, par la voix de ses représentants, donne des leçons au reste du monde, en tout cas des leçons qui ne sont pas en lien direct avec nos fondements, avec nos mystères. Je ferme la parenthèse. Non, nous ne sommes pas une société discrète mais bien secrète, dans le sens que j’ai essayé de vous expliquer, dans le sens où notre travail repose sur l’étude des symboles et de leur langage, sur notre rituel et sur nos liens sacrés, et qu’il doit être le fruit d’une longue méditation sur nous-mêmes, dans l’introspection et le silence.

J’ai dit.

5 minutes de symbolisme « Laisser ses métaux à la porte du temple »

V :. M :. et vous tous mes frères et sœurs en vos grades et qualité,

je n’ai jamais aimé l’expression « il faut laisser ses métaux à la porte du temple » tout comme je n’ai jamais aimé les bigots. Car enfin, si pour être un bon maçon, il faut se débarrasser de ses préjugés, OK…mais c’est une platitude ! Certes, les métaux et les bijoux symboliquement nous alourdissent, ils sont le signe du mal, ils sont considérés comme moralement mauvais. Mais… si cette explication est vraie, elle me paraît un peu trop simpliste et un peu trop binaire.

D’autant que l’expression « il faut laisser ses métaux à la porte du temple » m’a toujours paru énigmatique : car chacun peut constater dans ce temple la présence de quantités de métaux : des glaives, des bijoux, des objets symboliques comme ce fil à plomb, des pièces de monnaie qui seront récoltées dans le tronc de la veuve et aussi des symboles comme le soleil et la lune, étroitement liés à l’or et à l’argent. Et qu’en est-il des plombages dentaires ?

Alors essayons d’y voir plus clair. Et pour comprendre quelque-chose, distinguons la cérémonie de l’initiation des autres tenues.

Commençons donc par l’initiation. Au tout début de la cérémonie – nous nous en souvenons tous – l’impétrant doit confier son portefeuille, son téléphone portable, ses clés, sa montre, ses bijoux, son argent, bref une partie de ses biens à un parfait inconnu. Ce tout premier geste est déjà une épreuve pour lui : c’est un premier acte de confiance – il y en aura d’autres après – un acte de confiance de la part du récipiendaire envers la communauté qu’il s’apprête à rejoindre.

Au moment de l’initiation, les métaux revêtent d’abord le symbole de tout le superflu de l’homme social et matérialiste. Ils représentent ensuite le désordre moral dans notre vie. Enfin, s’il veut entrer dans un monde authentiquement spirituel, l’homme doit, par définition, quitter la matière. Laisser ses métaux à la porte du temple permet de privilégier les richesses de l’esprit, juste avant de recevoir la lumière initiatique. Alors cultivons la chance que nous avons d’être initiés, cultivons la chance de devoir rechercher la sagesse qui au-delà des apparences, est la seule décoration invisible mais sacrée que l’on peut espérer revêtir un jour.

Mais quittons la cérémonie d’initiation proprement dite pour essayer de comprendre le sens plus général de « laisser ses métaux à la porte du temple ».

Symboliquement, l’expression signifie que les frères et les sœurs qui pénètrent dans le temple doivent se dévêtir de leur humanité profane, pour pratiquer une forme de purification rituélique, tout comme, chez les anciens ou dans certaines religions, les fidèles se lavent ou pratiquent le jeûne avant d’entrer dans l’enceinte sacrée. Dès lors, c’est bien avant chaque tenue qu’il y doit y avoir dépouillement des métaux, autrement dit, c’est avant chaque tenue que l’individu encore profane que nous sommes sur les parvis, doit se régénérer en un frère ou une sœur, prêt à acquérir de nouvelles vérités et poursuivre sa mutation individuelle.

Le parallèle avec l’alchimie devient évident : avec l’aide du forgeron Tubalcain, chacun de nous se transforme en initié tout comme le plomb se transforme en or, métal de lumière, le long des différentes phases du Grand Œuvre.

Bon. Tout cela est bien beau mais ces considérations ésotériques complexes et, je dois bien le dire, obscures ne nous renseignent pas sur la véritable origine de l’expression « il faut laisser ses métaux à la porte du temple ». D’où vient cet impératif : « il faut » ? C’est en effectuant quelques recherches supplémentaires que je suis arrivé à bout de cette expression : il suffit de revenir aux sources, celles qui racontent la construction du temple de Salomon, dans l’Ancien Testament, au premier livre des Rois, chapitre 6. C’est ici que l’on trouve la clé de l’énigme : il est écrit, je cite : « Lorsqu’on construisit le temple, on se servit de pierres toutes taillées. On n’entendit ni marteau, ni hache, ni aucun instrument en fer dans le temple pendant qu’on le construisait. » Et oui ! Le caractère sacré de l’édifice explique que sa construction eut quelque chose de très solennel par le silence religieux qui fut observé à ce moment. Les pierres avaient été façonnées dans la carrière, ou peut-être dans un endroit voisin de Jérusalem, de telle sorte qu’elles n’avaient plus qu’à être posées et assemblées sans le bruit ordinaire des instruments de travail.

Nous y sommes ! A l’origine, l’expression « Il faut laisser ses métaux à la porte du temple » signifie tout simplement « il faut faire silence pour construire le temple », que ce soit le temple de Salomon ou son temple intérieur.

V :. M :. et vous tous mes frères et sœurs en vos grades et qualité, je n’ai jamais aimé l’expression « il faut laisser ses métaux à la porte du temple » dans son sens courant. Trop prêchi-prêcha ! Mais après un peu de recherche, on peut découvrir toute la richesse qu’elle contient ! Et chacun y verra ce qu’il veut y voir : le symbole de la confiance, la promesse d’une vie spirituelle, le devoir de purification, la régénération quasi-alchimique du maçon, tenue après tenue. Pour ma part, je retiendrai la dernière proposition : la nécessité d’observer le silence si l’on veut être dignes de notre mission de Constructeurs !

J’ai dit.