Planche Chapitre 2 : le mythe rosicrucien

Nouvelle histoire des Francs-maçons en France

Des origines à nos jours

Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018

Résumé

Chapitre 2 : le mythe rosicrucien

Ce mythe que l’on pourrait aussi appeler hermétiste ou alchimiste existe bien mais même s’il n’a pas de fondement réel, il n’est pas sans signification.

Ce mythe est apparu en Allemagne à partir de 3 textes publiés au début du 17ème siècle (1614).

Dans ces textes il est affirmé l’existence à travers toute l’Europe d’une fraternité qui s’adressait à tous les hommes de science et à tous ceux qui appelaient de leurs vœux une nouvelle réforme.

Les écrits des frères dits de la Rose-Croix annonçaient que leur philosophie était le fondement et la substance de toutes les facultés, de toutes les sciences, de tous les arts. Évidemment, un dessin si élevé annonçait la venue d’un temps fondamentalement nouveau. Dans un autre texte vers 1619, était mis en scène une cité improbable où les chrétiens authentiques appliquaient les vrais principes de l’Évangile dans l’amour et la Concorde.

La première certitude que nous avons aujourd’hui c’est qu’il n’exista jamais de fraternité de la Rose-Croix. C’était avant tout une fiction littéraire écrite par un certain Johan Valentin Andreae, qui en avait fait une sorte de supercherie, une sorte de plaisanterie. Ce n’est qu’à la fin du 17e siècle que l’on découvrit, dans son autobiographie posthume, que l’auteur expliquait la supercherie qu’il avait mise en place. En fait l’auteur appartenait à un cercle de jeunes intellectuels de Tübingen qui se désolait de la déchirure de la réforme et des violences vécues alors par les peuples d’Europe au nom des lois évangéliques. Il prônait une ouverture du protestantisme qui lui aussi tendait à se refermer sur des positions figées et intolérantes. 

Et dans ces mêmes cercles estudiantins certains s’intéressaient au courant hermétiste qui connaissait alors un certain succès en Europe et qui souhaitait au sein de la réforme redonner des tendances mystiques que le Luthéranisme officiel avait combattu très durement.

Ce mouvement se développa donc surtout en Allemagne et eu une certaine influence en Grande-Bretagne. En revanche, la France fut peu touchée par ce mouvement en dehors de quelques remous soulevés par l’affaire dit des placards affichés dans Paris en juillet 1623 dans lequel on retrouve certains éléments de cette doctrine. On pense aujourd’hui qu’il s’agissait probablement d’un autre canular, dû cette fois-ci à des étudiants en médecine.

Cependant les idées propagées à cette époque sous la forme donc de thème Rosicrucien apparaissent dans certains livres. On ne peut manquer de voir dans l’œuvre du philosophe Francis Bacon, ‘’la nouvelle Atlantide’’, publiée en 1627, une utopie rosicrucienne typique. Puisque dans son livre il y est décrit un peuple ayant édifié une société inconnue du reste du monde, où les hommes vivent la pratique évangélique de l’amour fraternel.

Cette œuvre eut un retentissement important dans divers milieux intellectuels. En Angleterre il fut considéré à l’époque purement et simplement comme un manifeste rosicrucien. Évidemment, ce mouvement intellectuel n’épargna pas non plus la petite et lointaine Écosse. Dans la première moitié du 18e siècle, l’expression rose-croix avait donc fait son chemin et elle était devenue une appellation rigoureusement non protégée. Elle servait à désigner à peu près tout ce qui relevait de l’occulte, du mystérieux, depuis les superstitions populaires, en passant par la magie, les arts divinatoires et bien sûr l’alchimie. Les cercles rosicruciens proprement dits en fréquent compagnonnage avec la franc-maçonnerie, mais bien distincte d’elle, ce sont structurés en plusieurs temps au cours du 18ème siècle et on trouve vers 1757, l’existence de petits groupes organisés et entre 1777 et 1786, un ordre véritable va apparaître sous le nom d’ordre de la Rose-Croix d’or d’anciens systèmes. Les rituels nous sont en partie parvenus et ont été étudiés. Ils ont condensé tout ce qui a trait à l’hermétisme et à la kabbale en adoptant la révélation chrétienne comme fil conducteur. Cette société prospéra surtout en Allemagne et en Europe du Nord avec peut-être jusqu’à 1000 adeptes mais ne vécut pas au-delà de 1785.

Parmi ces rose-Croix d’or, on comptait d’assez nombreux francs-maçons aux appartenances multiples. Mais les rapports de la Rose-Croix avec la maçonnerie sont donc moins de l’ordre de la filiation ou de l’héritage que de celui de la construction d’un imaginaire. 

Pour être clair il n’est guère possible aujourd’hui de soutenir que la Rose-Croix a été à l’origine de la maçonnerie spéculative. Il apparaît néanmoins que certains milieux maçonniques reprirent parfois le thème de la Rose-Croix notamment par exemple on peut évoquer le grade de souverain Prince ou Chevalier de Rose-Croix qui pendant longtemps a été tenu pour le Nec-Plus-Ultra de la maçonnerie française.

En conclusion, il a pu apparaître que le message des frères de la Rose-Croix pouvait répondre à cette attente diffuse de l’esprit évangélique. Et que d’aucuns, un peu partout en Europe, se reconnurent dans cet appel. Et cela laisse place évidemment au mythe qui vit encore.

Le fil à plomb

« Toute conduite doit être conforme au fil à plomb. ». Cette courte citation date de plus de trois  millénaires. Elle a été écrite dans un recueil de maximes par Ptahhotep, vizir et philosophe égyptien,  qui a vécu autour de 2400 avant J.-C.  

Dans l’art des bâtisseurs, le fil à plomb sert à vérifier la verticalité d’une construction. Il se révèle être  l’instrument le plus simple du maçon : formé d’une masse suspendue à un fil, il pointe vers le bas et,  grâce à la loi de la gravité, il nous montre sans ambiguïté le centre de la Terre.  

Métaphoriquement, il nous invite à plonger au cœur de nous-mêmes, à faire notre introspection en  profondeur. Le fil à plomb est le prolongement direct de la formule VITRIOL « Visite l’intérieur de la  terre et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée », affichée dans le cabinet de réflexion. Le fil à plomb montre la voie qui mène à la conscience, à la compréhension, à la connaissance. Mais  attention : comme tout symbole, il ne fait que montrer la voie. Démocrite, considéré par certains  comme étant le père de la science moderne, écrivait : « En réalité, nous ne savons rien, car la vérité  est au fond du puits ». Par cette formule, il nous demande de cultiver notre sens critique car la ligne  verticale du fil à plomb, du zénith au nadir, du ciel jusqu’au fond du puits, symbolise certes la rigueur,  mais aussi le doute indispensable à tout franc-maçon qui entreprend de rechercher la vérité. La  vérité est-elle au fond du puits encore trouble ? Peut-être. Mais elle est plus certainement au fond  du maçon lui-même.  

Rechercher la vérité… Tiens tiens… Ça me dit quelque-chose.  

Alors poursuivons. Le fil à plomb possède un autre sens symbolique : par son indéfectible verticalité,  il ne dévie jamais ; il ne ment jamais car les lois de la physique sont têtues. Jamais le fil ne prendra un  autre chemin que celui du centre de la Terre. La direction qu’il montre nous invite  métaphoriquement à sonder la rectitude qui réside en nous, à interroger notre volonté, à cultiver  une forme de perfection. Elle nous pousse à réfléchir à une éthique exigeante, à rechercher une  élévation morale qui ne peut s’opérer que dans l’écoute, la solitude et le silence.  

Recherche de la vérité, étude de la morale… Ça y est ! Vous me voyez venir avec mes gros sabots…  

Et bien poussons le bouchon un peu plus loin en observant le symbole du 1er surveillant, celui qui est brodé sur le sautoir de notre cher F. Est-ce aussi un fil à plomb ? Presque ! Vu de loin, ça y  ressemble. Mais non, c’est un niveau, et plus précisément un niveau égyptien. C’est un assemblage  de segments en forme d’A majuscule, du sommet duquel est suspendu un fil à plomb. Si ce dernier  croise la barre du A en son centre, alors l’horizontalité de la construction est vérifiée. Conçu ainsi, le  niveau est une forme plus élaborée du fil à plomb. Il en est son prolongement logique tout comme le  grade de compagnon est le prolongement logique du grade d’apprenti. Mais le niveau est bien plus  que cela : il symbolise aussi l’égalité entre nous tous, l’égalité entre tous les frères et sœurs,  apprentis, compagnons ou maîtres de cette loge ; il symbolise la fraternité qui nous lie.  

Ainsi, à travers cette courte et modeste interprétation toute personnelle, les trois objectifs  fondamentaux de notre ordre s’avèrent symboliquement réunis dans cet outil simplissime, formé  uniquement d’une petite masse reliée à un fil. Car après la recherche de la vérité et l’étude de la  morale, la solidarité et la fraternité ne sont pas étrangères non plus à l’allégorie du fil à plomb. Cela en dit long sur les possibilités quasi-infinies de la signification des symboles qu’il me sera donné à explorer désormais au début de chaque tenue.  

Mais ne bavardons pas inutilement : le fil à plomb n’est pas le seul outil à contenir toute la  symbolique de la pensée et de l’action des maçons, qu’ils soient opératifs ou spéculatifs !  

Car sinon, je puis vous assurer que l’architecte de la tour de Pise aurait sérieusement revu son  projet !  

J’ai dit.

Planche Chapitre 1 : le mythe templier.

Nouvelle histoire des Francs-maçons en France

Des origines à nos jours

Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018

Résumé

Chapitre 1 : le mythe templier.

Une certaine littérature friande de sensationnel et de révélation mystérieuse, nous a habitué à établir une relation étroite entre la franc-maçonnerie et l’ordre du temple. 

Celui-ci fut aboli en 1312 sous les coups conjugués du roi de France Philippe Lebel et du Pape Clément 5. L’idée que cet ordre aurait persisté secrètement en donnant naissance à la franc-maçonnerie semble s’être formé dans le premier tiers du 18ème siècle. Mais elle s’est constituée en 2 temps.

Dans un premier temps, il a été affirmé l’innocence de l’ordre martyr. C’est une opinion généralement propagée dès le milieu du 17e siècle. Elle est surtout transmise dans des ouvrages qui eurent un grand renom et qui décrivent les ordres de chevalerie dont beaucoup sont légendaires. Mais avec de nombreuses illustrations des costumes, des uniformes, des croix, des décorations, l’impact de cette littérature sur le public fut grand. On ne peut douter aujourd’hui qu’elle est fortement influencée et suscitée l’introduction du thème chevaleresque dans l’imaginaire maçonnique qui se structure à la même époque. Il y eut sans doute dès les années 1730, une chevalerie spéculative s’inspirant de l’idéal présumé. De l’ancienne chevalerie opérative il est du reste établi que le rituel, la vêture et les décors de certains grades maçonniques et chevaleresques, qui verront le jour dans les décennies suivantes, furent directement copiés sur les documents publiés dans ces ouvrages. En parallèle beaucoup eurent la conviction qu’un enseignement secret et ésotérique était dispensé aux Templiers. 

Lors de la condamnation du temple, ces biens furent pour l’essentiel dévolu à l’ordre hospitalier de Saint Jean. Et les Templiers eux-mêmes furent traités le plus souvent avec modération. Certains restèrent sur place dans l’ancienne commanderie nouvellement affectée à l’hôpital à l’endroit même où ils avaient vécu le plus clair de leur vie. Quant à ce prétendu secret des Templiers, l’origine des rumeurs est assez facile à trouver. On sait, en effet, que lors du procès des Templiers, on fit grand cas des pratiques impudiques et sacrilèges que les Templiers auraient imposé à ceux qui les liaient à l’ordre. Il est à peu près certain que ces usages furent assez souvent observés. Des Templiers eux-mêmes ont expliqué qu’il s’agissait de mise à l’épreuve délibérée de rites choquants destinés à évoquer dans la conscience du nouveau templier les rudes combats et les engagements extrêmes auxquels ils seraient confrontés dans leurs luttes sans merci contre les infidèles. Au reste il était fréquent que, devant le refus voire la réticence habituelle des novices, on se contenta d’un simulacre. À part un bizutage un peu rude, rien du moins qui atteste d’une supposée doctrine secrète du temple.

Une seconde étape a été franchie lorsque le thème de la chevalerie fit irruption dans la franc-maçonnerie. En effet, dès 1723, une mention furtive indique dans les constitutions publiées par James Anderson cette origine. Cette thèse, évidemment, est de toute façon hautement fantaisiste notamment quand le pasteur Anderson écrit que la plupart des grands hommes étaient maçons, ce qui, historiquement n’avait à l’époque, et même maintenant, proprement aucun sens. C’est en France vers le milieu de la décennie 1730 que les choses semblent se préciser. L’homme qui va le premier établir dans un texte promis à un grand destin, un lien entre la chevalerie et la franc-maçonnerie est André-Michel de Ramsay. Il fit à la fin de l’année 1736 un discours qui fut largement connu, diffusé, lu et relu. Au point qu’il fut un peu comme la déclaration de principe et le programme intellectuel d’une très grande partie de la maçonnerie française au 18e siècle.

Dans ce récit on en tire 3 enseignements. Le premier c’est que Ramsey récuse clairement toute origine ouvrière et corporative de la maçonnerie. En deuxième lieu, il renonce à toute mythologie biblique. Enfin il est dit très clairement que la franc-maçonnerie serait le résultat de l’union avec un ordre de chevalerie, en l’occurrence, celui de Saint-Jean-De-Jérusalem, c’est-à-dire des hospitaliers. La thèse qu’il propose s’impose immédiatement et formera dès cette époque précisément la trame, par exemple, du premier grade chevaleresque dans l’histoire maçonnique. Le thème de la chevalerie était dans l’air du temps avant que de pénétrer dans celui des loges. Ce n’est qu’une fois ce premier pas franchi, qu’une douzaine d’années après le discours de Ramsay qu’apparaît enfin le plus ancien rituel maçonnique faisant état d’une origine exclusivement templière de la franc-maçonnerie. C’est dans un rituel appelé le rituel de Quimper, découvert seulement en 1997 que nous est révélé par exemple le grade de chevalier élu. Dans ce rituel une instruction très détaillée révèle aux candidats trois secrets inédits. Le premier est que les chevaliers élus, donc les maçons, forment une élite descendant des Templiers. Le deuxième secret est que ces derniers ne faisaient que poursuivre une longue lignée d’initiés remontant notamment aux esséniens. Le troisième secret est que la jonction entre la maçonnerie et les Templiers s’était fait en Écosse. Ce tableau est saisissant. Car on voit que dès cette époque, tous les éléments de la légende templière de la maçonnerie sont posés. Les grades d’inspiration templière qui apparaîtront ensuite ne feront que broder sur ce thème, arranger les détails et liés l’ensemble.

Cette légende va avoir une fortune assez grande. Trois grandes familles vont dériver de ce modèle. La première est donc la stricte observance templière en Allemagne. La deuxième aboutit au chevalier kadoch qu’on retrouve au 30ème grade du rite écossais ancien et accepté. Et la troisième la néo-chevalerie, extraordinaire destin de l’ordre du néo temple de Fabré-Palaprat qui, sous le premier empire, connaîtra de beaux jours et organisera même de fastueuses réceptions à Paris.

En guise de conclusion : si l’ordre du temple, le vrai, fut de bout en bout, essentiellement français, cela n’est pas douteux. Ce n’est pourtant pas par son intermédiaire que la franc-maçonnerie est née, que ce soit en France, avec les corporations ou en Écosse. Mais il est vrai que l’essentiel en la matière n’est pas la vérité de l’histoire, mais la vérité d’un désir de rattachement à une origine mythique, à la fois prestigieuse et secrète.

Planche / 5 minutes de symbolisme sur l’altérité

Vénérable Maître et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualité.
Entre l’altruisme où l’on donne tout à l’autre, sans rien en attendre en retour et l’égoïsme, où l’on n’a rien à lui donner, il existe une valeur qui me fait toujours réfléchir, et que je voudrais faire mienne plus souvent. On l’a définie comme un concept d’origine philosophique signifiant « caractère de ce qui est autre » et « la reconnaissance de l’autre dans sa différence », la différence s’entendant ethnique, sociale, culturelle ou religieuse. Proche de la tolérance, mais plus singulière, elle nous permet donc de prendre conscience à la fois des différences et des similitudes de l’autre. Elle est, en quelque sorte, le ciment de toute construction humaine, car elle est forcément réciproque. Ce soir, je vous parle de l’altérité.
Cette valeur, plus qu’un simple concept, je la trouve bien résumée, dans cette jolie phrase, entendue un jour : « Le plus beau des trésors n’est pas celui que possède l’autre, mais celui que l’on a au fond de soi et que l’autre nous aide à découvrir. »
Des philosophes comme Emmanuel Levinas ont beaucoup réfléchi sur l’altérité et montré que les échanges que nous avons avec les autres se déploient selon le double registre de la reconnaissance et de la découverte. L’altérité est bien ce qui nous ouvre à autrui, ce qui nous enrichit. Nous ne pouvons jamais totalement connaître l’autre, et il faut accepter que quelque chose en lui nous échappe. Inversement, il y a de l’identification dans l’autre, qui est, comme nous, un être humain. Le danger serait de considérer que les autres n’ont rien de commun avec nous et que nous n’avons rien à échanger ni à faire avec eux. À terme, on ne verrait plus alors la société que comme une juxtaposition de communautés entre lesquels le dialogue serait impossible. Cette crainte est malheureusement aujourd’hui en passe de devenir réalité dans beaucoup de domaines : culturel, social, politique ou religieux évidemment.
Mais quel plus bel exemple pour illustrer l’altérité, mes Frères et mes Sœurs, que celui de nos retrouvailles dans ce Temple tous les 15 jours…
Car avant d’y pénétrer, bien que réunis sur le parvis, nous ne sommes que des individualités certes bienveillantes, mais encore agitées par les turbulences du monde profane.
Différents les uns des autres, composés chacun de multiples facettes, nous décidons alors de quitter le monde profane, d’oublier la réalité qui nous entoure, afin de pénétrer, l’espace de quelques heures, dans un lieu où l’individuel va se dépasser pour faire revivre un groupe et recréer l’Egrégore. Nous passons d’un être commun à un être plus authentique, déjà loin du monde profane et qui va participer à l’installation du Temple, tous unis par une même volonté.
Le temps devient alors symbolique.
Le passage de l’individu au groupe se fait, vous le savez, grâce à la pratique rigoureuse de notre rituel.
Grâce à lui, nous passons d’un être unique à un être collectif et solidaire malgré notre diversité. Cette union sacrée va renaître en un seul corps – notre Loge – dont la plus belle se trouve dans la chaîne d’union. Mais, cela n’est possible que par la volonté de remise en question de chacun de nous afin de nous éloigner de tout immobilisme qui nous enfermerait dans une léthargie néfaste à notre évolution spirituelle.

Mais ce que nous réussissons si bien dans la vie maçonnique, est plus difficile dans la vie profane. L’Autre, comme l’on dit, ne se laisse pas appréhender facilement, il est tout à la fois proche et lointain, semblable et différent. Les mots dont on dispose pour définir ce qui n’est pas soi correspond au type de relation que l’on invente entre nous : étranger, connaissance, relation, ami, proche, partenaire… Nommer l’Autre est une façon de choisir le type d’altérité que nous construisons. Ce choix de vocabulaire se révèle rarement neutre et implique une distance plus ou moins forte entre celui-là et nous. Dans la reconnaissance de l’Autre, il y a effectivement le reflet inconscient, plus ou moins éloigné, de nous-même.
Finalement, nous vivons entourés d’autres semblables, dans une société riche de sa diversité, dont nous essayons de maintenir la cohésion, même si la coexistence entre tous demeure fragile.
Heureusement notre cadre républicain français nous y aide, car il repose sur l’idée d’une nation de citoyens tous égaux en droits, quels que soient leur religion ou leurs convictions philosophiques, leur origine, leur sexe, leur classe sociale. Bref, il est par nature « intégrateur », et permet de dépasser nos frontières personnelles par la rencontre, le dialogue et l’interconnaissance. Les différences peuvent alors devenir une source d’enrichissement mutuel sans créer de réaction de rejet ni aboutir à un éclatement de notre corps social.
Je laisse le mot de la fin à Albert Jacquard qui a beaucoup travaillé sur ce « fameux rapport aux autres » : « Respecter autrui, c’est le considérer comme une partie de soi, ce qui correspond à une évidence si l’on accepte la définition : Je suis les liens que je tisse avec les autres. »
J’ai dit.

Planche / 5 minutes de symbolisme sur la lecture

Vénérable Maître et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualités.

Chacun s’accorde à reconnaitre que pour faire preuve de bienveillance, il est toutefois nécessaire d’avoir un minimum d’empathie. Comprendre les émotions de l’autre, ainsi que sa manière de vivre une situation, est le premier chemin pour éviter ou – limiter à minima – les conflits relationnels. L’actualité nous montre une fois de plus l’urgence de cultiver et même de développer notre capacité à voir les choses du point de vue d’autrui, plutôt qu’en permanence du nôtre.

Mais l’empathie n’est pas un sentiment inné, elle relève bien évidemment de la sensibilité de chacun. Des recherches semblent démontrer d’ailleurs que les femmes seraient légèrement plus empathiques que les hommes. Ses mêmes recherches laissent à penser que la génétique peut parfois jouer un rôle. Il n’en demeure pas moins vrai que l’empathie doit se construire dès notre prime jeunesse. En ce sens, l’éducation et les diverses expériences de vie sont de bons vecteurs. Mais est-ce suffisant ? Probablement pas, au vue des conflits relationnels d’aujourd’hui : au-sein des familles, entre voisins, dans l’entreprise, en politique et ce qui est encore plus grave, vu les conséquences dramatiques que cela engendre, entre les Etats ou pire encore entre les Religions.

Mes Frères et mes Sœurs, vous allez me dire à juste titre, que tout cela nous dépasse largement. Oui et non. Car il existe une activité simple, naturelle, qui était largement pratiquée jadis, et qui est tombée en désuétude peu à peu. Sans doute la seule activité où l’on peut se mettre totalement à la place de l’autre. Si bien le comprendre que l’on s’approprie sa personnalité, sa façon de penser, on s’identifie à cet autre qui nous devient ainsi familier.

Il s’agit tout simplement de la lecture. Et si on redonnait enfin au livre, le premier rôle dans l’histoire de notre éducation ? Et je dis bien au livre, le livre ! Car chacun, petit et grand, lit au quotidien, des « posts » sur les réseaux sociaux, les bandeaux en continu des chaines d’infos, les « blogs » d’influenceurs, des commentaires sur tout et rien, parfois quelques mangas, que sais- je encore ? Mais tous les contenus ne se valent pas et l’image ne remplacera jamais le texte. Car se sont d’abord les mots qui créent la situation, l’histoire et l’aventure qui va peu à peu nous emmener en voyage. Bien sûr, cela ne veut pas dire que ces contenus sont sans intérêt et doivent être bannis, mais ils sont insuffisants pour une construction équilibrée de notre personnalité.

Souvenons-nous des romans de la bibliothèque rose ou verte, des épopées magnifiques d’Alexandre Dumas, de Jules Verne ou de Paul Féval, de la série « Contes et légendes » publiée chez Nathan que nous dévorions avec avidité, parfois effroi, mais toujours avec plaisir et bonheur. Ces personnages au caractère complexe auxquels on s’identifiait, ont eu des effets positifs sur la construction de nos aptitudes sociales, et de notre intelligence relationnelle. Il n’est plus à démontrer que la lecture nourrit nos émotions, notre imaginaire et notre créativité, elle construit notre avenir, tout en prenant en compte les conséquences que peuvent avoir nos actes sur les autres.

L’équation est simple : peu ou pas de lecture, ce n’est donc pas assez de vocabulaire pour comprendre le sens des mots. Même si le mot nous est inconnu, le contexte peut nous permettre de le comprendre et c’est comme cela que l’on développe son champ lexical. Les mots ont le pouvoir de mettre en mouvement notre pensée et notre imagination, ce sont les piliers de toute communication. Difficile sans eux de discuter, d’argumenter, d’expliquer, d’échanger, de transmettre …

Ainsi démuni, l’Homme n’a plus qu’une issue pour se faire écouter et imposer son avis qu’il juge forcément juste, la violence verbale ou pire encore l’action physique. Combien de conflits entre individus auraient pu être désamorcer avec sans doute un peu plus de mots ? L’importance des livres et leur puissance est bien connue, n’ont-ils pas toujours été une des premières cibles des dictateurs ?

Les enquêtes les plus récentes montrent un effondrement de la lecture dans les pays occidentaux, en particulier chez les jeunes (enfants et adolescents). D’autres études précisent que plus de 50% des collégiens ne lisent que s’ils y sont obligés et que 30% d’entre eux affirment que lire ne sert à rien. J’ai lu récemment un article dans un hebdomadaire sur les loisirs « post covid » des familles en France, la lecture n’y apparait pas. Pire encore, le journaliste concluait son article en indiquant qu’aujourd’hui, il n’était plus indispensable de lire pour engranger des connaissances puisque l’on pouvait s’en remettre facilement à Google et demain à Chat GPT ?

Peu importe notre âge, nos moyens ou notre situation, la lecture, au-delà de nous procurer du plaisir, est le meilleur des élixirs qui existe pour nous aider à vivre avec un peu plus de sagesse et de bonté, et surtout à reconnaître l’autre en lui laissant une place à côté de soi. N’est-ce pas la meilleure définition de l’empathie ?

Serge Joncour, poète humaniste, nouvelliste, scénariste et romancier, biberonné aux romans de Jules Verne, Queneau et Céline, résume tout cela en une phrase : « Lire, c’est voir le monde par mille regards, c’est toucher l’autre dans son essentiel secret, c’est la réponse providentielle à ce grand défaut que l’on a tous de n’être que soi. »

J’ai dit

Planche / 5 minutes de symbolisme sur … la confiance

Vénérable Maître et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualités,

Fraternité, bienveillance, solidarité, partage, tolérance… mais aussi équité, probité, altruisme… Je pourrais encore et encore égrener tant de mots que nous entendons régulièrement durant nos travaux et qui représentent bien nos valeurs maçonniques. Nul ne peut en douter !

Toutefois, il y a un mot que nous entendons plus rarement dans le temple et qui pourtant – me semble-t-il – représente à l’évidence une des premières qualités d’un franc-maçon. Sans cette valeur – car c’en est une – il serait bien difficile de concevoir l’existence même des relations humaines.

Pire encore, sans elle, on ne pourrait même pas envisager l’avenir et chercher à bâtir des projets qui se développent dans le temps. Le principe même de vie sociale serait remis en cause. L’étymologie latine de ce mot signifie qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance ou à sa bonne foi. Cette origine souligne aussi les liens étroits qui existent avec l’espoir, la croyance et l’optimisme.

Sans cette valeur, bien difficile d’être bienveillant ou tolérant, bien compliqué de faire preuve de fraternité… pourquoi parlons-nous si peu de ce pilier du comportement humain, de l’ouverture sur les autres et même de la transmission ?  Bref, comme vous l’avez sans doute déjà deviné, ce soir je consacre les « 5 mn de symbolisme » à la Confiance.

Je laisse de côté les sujets qui fâchent, surtout en ce moment, comme la confiance en la démocratie, ou la confiance dans nos institutions, de même que la grande question philosophique de la confiance en soi, plus un sujet de planche que des « 5mn de symbolisme ».

Je préfère, vous vous en doutez, m’attacher à la confiance en l’autre.

Curieux phénomène, chimique, intuitif, psychologique… que le sentiment de confiance. Force à la fois discrète et mystérieuse qui va nous amener parfois naturellement et dans l’immédiateté, à faire confiance à autrui.

Ce sentiment est sans doute l’un des plus volatils, de ceux qui font le plus défaut de nos jours. D’ailleurs, une des premières raisons de l’accroissement actuel de l’intolérance, et du repli sur soi dans la vie profane, vient justement du manque de confiance qui règne entre les Hommes. Mais il est vrai aussi que cette confiance que l’on accorde la main sur le cœur a parfois un goût amer, elle peut se transformer à force de déception et de trahison en attitude de défiance paralysante, antichambre de la peur. Car les promesses non tenues finissent par engendrer la crainte et la méfiance, y compris parfois dans nos propres temples.

A de rares exceptions, dans la vie profane, la confiance en l’autre ne se décrète pas, mais se construit avec le temps. Comme le disait Jean-Paul Sartre : la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres. Elle demande loyauté et honnêteté de l’autre, mais aussi foi en l’autre. Pour autant, il n’existe pas de formule magique par laquelle on peut octroyer notre confiance sans prendre le risque de se fourvoyer.

Il faut être patient et donner au temps tout le temps qui lui est nécessaire pour que la confiance puisse s’installer, se développer et surtout se maintenir.

A l’inverse, ce lent processus du temps semble bien différent en Franc-Maçonnerie, du moins au début de notre parcours.

Prenons l’exemple de l’initiation, il nous a bien fallu avant tout faire confiance d’emblée et rendre notre esprit disponible. Questionné, confronté parfois à nos contradictions, mis à nu, que n’avons-nous pas ressenti lors du passage sous le bandeau ou face aux enquêteurs ? Ont-ils vraiment apaisé nos craintes ? J’en doute. Pas plus eux, que ce que les livres, les conférences ou Internet ont pu nous apprendre, ne nous a vraiment rassuré.

Et pourtant, nous avons persisté et accepté de franchir la barrière de l’inconnu, sans garantie aucune, tout simplement parce que nous avons fait confiance à des voix anonymes et à d’autres Hommes différents de nous, même si nous savions qu’ils partageaient la même quête.

Avoir confiance, c’est aussi faire preuve d’humilité. Ces deux qualités sont indissociables. Il ne peut en effet y avoir de vraie confiance sans réelle humilité, c’est-à-dire sans une authentique remise en question de ses habitudes et des différents éléments de notre vie quotidienne qui procurent ce soi-disant sentiment de sécurité. Accepter de ne pas savoir, reconnaître que la découverte mérite plus que la certitude. Là est sans doute le premier pas vers un peu plus de tolérance. Accepter sans rien en retour, face à un environnement inconnu, de se confier corps et âme à autrui.

Regardez mes Frères et mes Sœurs, quand dans la chaîne d’union nos mains se serrent, que nos cœurs battent, que nos yeux se ferment, la confiance nous envahit, nulle peur, nulle crainte n’a sa place. Nous ressentons cette énergie nouvelle que nous sommes venus chercher en loge.

Dans ce monde incertain, où nous avons parfois du mal à tracer notre chemin, faire confiance, finalement, c’est parier sur la capacité de l’Homme à devenir meilleur et à nous enrichir de sa différence. N’est-ce pas, finalement ce pourquoi nous sommes ici ?

Christian Bobin, Frère poète et philosophe français l’écrivait à sa manière : La confiance est la matière première de celui qui regarde : c’est en elle que grandit la lumière. La confiance est la capacité enfantine d’aller vers celui que l’on ne connaît pas comme si on le reconnaissait.

J’ai dit.

Planche lue le vendredi 29 septembre 2023.

Planche / 5 minutes de symbolisme sur la voûte étoilée

Nous vous proposons de lever votre tête et d’observer notre belle voûte étoilée… ah oui, c’est vrai, nous n’en avons pas. Mais, ne nous arrêtons pas à si peu, elle reste symboliquement là.

Scientifiquement, les étoiles sont la vision du passé de notre Univers. Cette voûte étoilée nous englobe. Elle n’a pas de date précise, elle est universelle car même le monde profane la voit. Si loin, si près, son inaccessibilité la rend fascinante. Elle nous questionne sur notre place. Elle est un mystère à part entière et nous offre l’étendue infinie qui nous reste à découvrir. Nous prenons conscience de notre modeste place au sein de l’Univers.

Savons-nous seulement depuis quand elle est présente avec ses myriades d’étoiles, d’astres et de planètes dont les mouvements constants influent et impactent très probablement notre avenir ?

Pouvons-nous seulement l’imaginer ? Parce que le ciel étoilé, comme la voûte du temple, nous relie les uns aux autres, toujours avec la même intensité et la même stabilité. Son mouvement est immuable ; son intemporalité aussi. Que pensaient les premiers hommes lorsqu’ils regardaient le ciel ? Etaient-ils rassurés ? Quels symboles y voyaient-ils ? Existe-t-il un message et serions-nous en capacité de le percevoir ?

L’évolution de notre savoir nous permet aujourd’hui de comprendre que l’impalpable est susceptible d’exister. Cet impalpable serait-il donc le fruit de notre connaissance ?  En fait, nous devons accepter de ne pas avoir toutes les réponses.

Certes, la voûte étoilée n’a pas de fin par notre regard, même au travers du télescope de dernière génération.  Elle pourrait ainsi nous prouver à quel point la Connaissance n’a pas de limite.  En tant que franc-maçon, cela nous oblige à concevoir la progression par le travail. Ce travail sur la construction de notre temple intérieur avec cette Lumière conjointe de nos Frères et de nos Sœurs. 

Comme le Temple, la présence perpétuelle de la voûte étoilée est là pour nous rassurer et nous sécuriser. A bien y réfléchir, serait-ce donc cela que l’on nomme ataraxie (ou sérénité) et qui nous apaise de par sa force et son énergie ?

On peut voir aussi dans la voute étoilée le symbole de la représentation de toutes les loges du monde, chaque étoile symbolisant une loge allumée, une loge au travail. Il est toujours midi ou minuit quelque part, une loge s’ouvre, une autre s’éteint. Cela nous évoque ainsi la fin des travaux, lorsque nous rentrons contents car nous en en avons retiré profit et joie. Elle représente le clair et l’obscur. Après la lumière de la loge, quand on lève la tête vers le ciel parfois sombre et semblant vide : il nous faut apprendre à voir les mouvements lents et imperceptibles de la course délicate et subtile des étoiles pas toujours visibles.  

Ne soyons pas impatients. Le noir qui entoure la voûte nous rend plus humble, nous oblige à prendre notre temps pour nous habituer à la faible lumière des étoiles, afin que nous puissions, petit à petit, les découvrir.

Monde profane, franc-maçonnerie, peu importe, la voûte étoilée et ses représentations sont partagées par l’ensemble de l’Humanité, auxquels se rattachent tant de croyances différentes, symboles des dieux pour les uns ou de puissance supérieure et spirituelle pour les autres.  On la voit chaque jour (enfin chaque nuit plutôt) et pour nous Francs-Maçons, à chaque tenue.

Autre point de convergence : nous tous serions des poussières d’étoiles (dixit Hubert Reeves). Nous serions donc reliés à l’univers, créé avec lui, au milieu de lui. Le Temple dans sa symbolique devient ainsi la représentation de cet Univers, où chaque maçon brille comme un astre, par son travail et son assiduité.

C’est bien là le sens de notre propos : la voûte étoilée était là bien avant nous et le sera vraisemblablement bien après.  Elle transmet une sorte de constance, de tranquillité, de sérénité, quelque chose d’éternel. Elle fait partie de notre vie, de manière consciente ou inconsciente, et là, elle apparaît dans le Temple. Elle devient ce lien avec tous, présent, passé et surtout avenir, et reste un des premiers symboles.  Si nous sommes tous égaux, il est indéniable que nous faisons partie d’un tout, ce tout porté par la voûte étoilée qui garde en mémoire ceux qui sont passés avant nous, et ceux qui passeront après nous, telle est l’histoire de l’Humanité.

Alors, quid de ceux qui nous ont quitté ? La voûte étoilée nous offre le message de notre éternité parmi les nôtres. Dans le Temple, la Lumière des Frères et des Sœurs disparus brille encore. Leur travail dans la loge n’a pas été vain. Leur présence rayonne avec la même intensité.  Ainsi la transmission nous offre la possibilité d’évoluer. C’est la pierre à l’édifice comme on dit, pour construire ensemble les valeurs qui nous unissent : on apporte sa pierre infinitésimale à un édifice qui est bien plus grand que soi.

Puisque la transmission de la tradition reste inchangée, elle permet aux Frères et aux Sœurs de progresser, entrainés par la volonté du travail à accomplir. L’évolution des uns entraine les autres inexorablement. 

Le travail du maçon autour de l’apprentissage et de la connaissance apporte des perspectives sur un avenir commun. Chacun doit donc œuvrer pour le bien-être de l’autre et par extension pour celui de l’Humanité.  Sous la voûte, l’interrogation perpétuelle de notre devenir reste une question essentielle et collective. 

Pour conclure, comme le dit Hermès Trismégiste dans la Table d’Emeraude : « Tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas pour accomplir les miracles d’une seule chose… »

J’ai dit

Note : La Table d’émeraude est un des textes les plus célèbres de la littérature alchimique et hermétique. C’est un texte très court, composé d’une douzaine de formules allégoriques et obscures.

Selon la légende, elle présente l’enseignement d’Hermès Trismégiste, fondateur mythique de l’alchimie, et aurait été retrouvée dans son tombeau, gravée sur une tablette d’émeraude.

Planche lue le vendredi 15 septembre 2023

Planche / Bonnes vacances

V:.M:. Et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualité.

Oublions pour un temps ce soir, les crises multiples, la morosité, le marasme politique et économique et surtout la violence comme nouvel outil d’expression. La période estivale qui s’annonce et les prochaines vacances appellent à un peu de légèreté.

J’ai donc choisi pour les dernières 5 minutes de symbolisme de la saison, d’évoquer une qualité que je pense relativement indispensable pour une vie gaie et dépourvue de monotonie : l’humour. Cette quasi-vertu n’est surement pas un frein à un comportement d’être humain responsable, fût-il franc-maçon ! L’humour participe de la notion de plaisir et de la bonne humeur. Car comme on le sait bien, le rire qu’il engendre est une chose sérieuse dont les bienfaits ne sont plus à démontrer. L’humour est spontané, presque inné et non réfléchi, ce qui en fait toute sa force.

De Rabelais qui dans l’avertissement en vers du Gargantua, proclame son intention d’écrire une œuvre franchement comique : « Mieux est de ris, que de larmes écrire, Pour ce que rire est le propre de l’homme.» à Desproges qui disait qu’on peut rire de tout, l’humour est partout dans l’histoire de nos vies. C’est un don subtil et merveilleux car il peut triompher dans les situations les plus délicates, désamorcer des conflits, et même être un exutoire à la souffrance. Et sans lui, imaginez qui pourrait nous sauver du ridicule…. C’est le complice de l’auto-dérision.

Quel bel exemple aussi que celui de Pierre Dac, qui composa cet extraordinaire rituel en argot ! ou les pensées d’Alfred Jarry comme celle-ci : « l’eau, liquide si impur, qu’une seule goutte suffit pour troubler l’absinthe. » Et celle d’Oscar Wilde que je préfère : « l’humour est la politesse du désespoir ».

Extravagant, facétieux parfois incongru, mais jamais vulgaire, l’humour est toujours brillant, de haute qualité, aussi osé soit-il. Il nous permet de prendre de la distance sur les êtres et les choses pour leur donner leur juste poids et leur juste place. Quoi de plus agréable quand dans le sérieux de nos Travaux, un trait d’humour vient dessiner un sourire sur nos visages et illumine nos cœurs. N’est-ce pas V:.M:. ? L’humour, arme de séduction massive est un art car il vient nous chatouiller l’âme avec des idées, des mots, des sons ou des images et déclenchent des émotions ou des souvenirs qui nous aident à vivre.

Mes Frères et mes Sœurs, comme je l’ai dit au début de cet exercice, l’humour introduit la notion de plaisir…, et quand le plaisir est présent, le bonheur n’est pas loin. Alors en guise de conclusion, je ne résiste pas au plaisir « gourmand » de partager avec vous un poème maçonnique écrit par une Sœur dont je vous laisse apprécier la saveur : Il s’intitule : LE MAITRE ET SON EGO

Un Maitre Maçon sur sa colonne somnolait.
Il écoutait une planche qu’un apprenti lisait.
De symbole encore il était question
Et il en avait entendu de bien des façons.
Ses tempes blanches et son tablier défraichi
En disait long sur son expérience de ces lieux ci.
Tout ce qu’on pouvait lui conter
Il les avait entendues en ses vertes années.
Rien ne pouvait le surprendre
Tant il était sûr de ne rien apprendre.
La douce mélopée de l’orateur
Le morfondait dans sa torpeur.
Que pouvait-on lui faire découvrir
Lui qui de tous les Rituels à parcourir
Avait retenu à la ligne près
La moindre phrase à réciter.
Du haut de sa colonne de certitude
Il contemplait négligemment la multitude.
Il n’avait plus à comprendre le Symbole
Étant à ses yeux lui, tout un Symbole.
Quant à commenter la planche de ses Frères
Une seule réponse de lui à faire
«Mon Frère, c’était bien documenté »
Lui qui n’avait rien écouté.
Et quand dans la magie d’un soir
Notre Maitre devient l’orateur de l’auditoire
Point question de rêvasser
De crainte de le froisser
Et de le voir tout ulcéré
D’un si grand manque de Fraternité.

Pourtant selon le principe de l’arroseur arrosé
Il en avait eu présentement la leçon au complet.
Qu’importe de tout connaitre
Si c’est pour s’éloigner des êtres.
Le partage est à double sens
C’est là la première des sciences
Maitres, Compagnons, Apprentis
Le chemin n’est jamais totalement fini.
Et qu’il faut bien se garder
D’une trop grande supériorité.
L’humilité est de mise
C’est la leçon apprise.
Notre Maitre tout à son égo
En a fait l’expérience tout de go.
Le dignitaire ne doit pas faire l’homme
Mais l’homme doit faire le dignitaire
C’est la toute une leçon en somme.
Dont nous devons apprendre les mystères.
Qu’importe de venir en Loge
Si personne ne s’interroge
À savoir que notre premier devoir
Est d’être un guide pour les autres dans le noir.
J’ai dit.

Planche / Le chiffre 3

Le chiffre 3. La symbolique du 3. Ce choix m’a paru évident. Evident à mes yeux dans mon
parcours de jeune maçon, car je découvre, j’écoute, je commence à peine à toucher du doigt le travail nécessaire pour « dégrossir la pierre ».
Mais finalement quel âge ai-je ?
« J’ai 3 ans … » dit-on à l’ouverture de nos travaux au grade d’apprenti.
Aussi je vous propose de m’accompagner dans mon voyage, non plus à l’extérieur de notre atelier, mais dans ma réflexion sur cette symbolique.
La première étape de ce voyage ne peut pas passer à côté d’un inventaire, que nous pourrions qualifier « à la Prévert ». En revanche, cette liste a été la colonne vertébrale de cette planche et m’a ouvert des portes dont j’ignorai l’existence jusqu’à présent.
Alors quels échos ai-je trouvé dans le chiffre 3 ?
Les plus évidents sautent aux yeux :
– Les trois formes de la matière : solide, liquide, gazeux
– Les trois dimensions spatiales
– Le passé, le présent et l’avenir
– Les trois couleurs primaires (bleu, jaune et rouge)
– Ou encore les trois règnes de la nature (minéral, végétal, animal)
– Au niveau de l’Homme
o La naissance, la vie et la mort
o Le corps, l’âme et l’esprit
o La pensée, la parole et l’action
o La thèse, l’antithèse et la synthèse
o Le matériel, le rationnel et le spirituel

Puis en regardant avec un angle maçonnique, le 3 est le chiffre de l’Apprenti, qui correspond aussi à son âge, au nombre de coups frappés à la porte du Temple et aussi nombre de voyages lors de l’initiation. Se trouvent également les trois couples d’outils de l’apprenti : Le compas et l’équerre, le maillet et le ciseau, le niveau et la perpendiculaire.
Au sein de la Loge, nous retrouvons trois officiers principaux disposant d’un maillet : Le Vénérable Maître, le Premier Surveillant et le Second Surveillant.
Ensuite, le chiffre 3 s’instille dans notre vie maçonnique : naturellement les 3 grades, les 3 pas, la triple batterie, la devise « Liberté, Egalité, Fraternité », les 3 côtés du delta lumineux, l’organisation du temple avec la colonne du Nord, du Midi et l’Orient.
A mesure que je lève les yeux, les chiffres 3 m’entourent, me cernent, m’observent.
Au-delà de la maçonnerie, le chiffre 3 est présent aussi dans le monde profane, religieux ou spirituel.
Dans le travail du bois, proche de la géométrie, il faut trois points pour trouver un équilibre sur un plan. En effet, un point définit un lieu seul et unique, deux points définissent une droite et enfin trois points définissent un plan (en deux dimensions).
Dans le Christianisme, nous retrouvons les 3 fondateurs d’Israël (Abraham, Isaac et Jacob), la Sainte Trinité manifestée en 3 états (le Père, le Fils et le Saint Esprit) ou encore les 3 rois mages (Melchior, Gaspard et Balthazar).
Dans l’Islam, le chiffre 3 peut renvoyer aux trois principes : Al-Islam (la pratique), Al-Iman (la foi) et Al-Ihsan (le perfectionnement).
Mais aussi, le 3 se retrouve dans le triple joyau du bouddhisme : le Bouddha (l’être éveillé), le Dharma (l’enseignement) et la Sangha (la communauté).

Mon voyage prend étape maintenant au plus profond de moi. Une partie de mes origines s’exprime sans pour autant m’en délivrer la lumière.
Dans le sanskrit, la syllabe la plus connue, utilisée dans l’hindouisme, le bouddhisme, le sikhisme ou brahmanisme : le « Om ».
C’est un mantra de médiation qui a une particularité, celle d’accorder trois sons en une syllabe : A-O-M… Ce son utilisé permet à celui qui le prononce de faire résonner dans son corps une vibration : tendre vers l’harmonie du passé, du présent et du futur.

Mon voyage prend un virage autour de deux notions intéressantes : l’harmonie et l’équilibre.

Je traduis une harmonie comme une sorte d’équilibre stable et qui se magnifie à mesure qu’il tient longtemps, telle une note de musique d’un violon tenue ou une note chantée. Cependant, comment décrire alors l’équilibre instable ?

C’est ainsi que nous arrivons dans le cœur de mon voyage : L’équilibre instable, un mouvement continu.
Dans mon parcours maçonnique, je me rends compte que je vis dans un équilibre entre mes Frères et mes Sœurs. Si je reste dans leur bienveillance et dans le confort du rituel, je me rends compte que je n’avance plus. Une sorte d’équilibre passif.
Dès lors, ma lecture du Trois m’enseigne une chose essentielle dans mon apprentissage de jeune maçon, c’est bien l’équilibre instable, celui-ci qui me pousse à sortir de ma zone de confort. Cette volonté personnelle de mouvement, qui donne un sentiment d’instabilité.
Cet équilibre instable qui m’impose le silence pour le volubile que je suis.
Cet équilibre instable qui m’amène à prendre conscience que ma vérité n’est pas une vérité absolue, donc à me questionner, à accepter les arguments de mes Frères et Sœurs pour intégrer dans mon esprit de nouvelles dimensions jusqu’alors inconnues.
Cet équilibre instable qui réunit les conditions menant notre groupe à l’égrégore, sans pour autant que ce soit automatique.
C’est bien cela une des clés de voûte de mon voyage : existe-t-il une voie pour un équilibre absolu autour du trois ? Cette voie qui nous amène à nous poser la question : que dois-je apporter à cette situation pour l’équilibrer ? Dois-je l’équilibrer ?
Si dans ma vie profane, j’essaie de tendre à l’équilibre entre l’amitié, la générosité, l’écoute pour apprendre des autres, en revanche dans mon parcours maçonnique… quel est mon rôle véritable dans cet équilibre ?
Une des réponses possibles serait un équilibre Apprenti / Maître / Loge.
Un équilibre qui s’approche plus d’une harmonie entre ces trois acteurs, qui m’amène non plus vers un apprentissage passif mais vers un mouvement. Je sens que je dois aller chercher, poser des questions, évoluer mais aussi pousser mes Frères et Sœurs au débat, à l’interrogation et au partage de leurs expériences.

Pour la dernière étape de mon voyage, je souhaitais mettre en lumière un point commun ou devrais-je dire 3 points communs que nous avons tous : notre passage sur Terre se symbolise par Notre naissance, notre vie, notre mort.
Lors de ma réflexion sur ce chiffre, j’ai compris au fur et à mesure que le 3 représentait l’équilibre. Lorsque dans ma vie, profane ou maçonnique, je me rends compte que j’ai essayé et je continue d’essayer d’équilibrer ma vie.
Equilibrer pour apprendre, équilibrer pour avancer, finalement équilibrer pour être en harmonie.
Voilà ce que le chiffre 3 m’a amené, dans les chemins de ma réflexion.

Planche / Une souris verte qui courait dans le cabinet de réflexion

Vénérable maître, et vous tous mes frères et mes sœurs en vos grades et qualités, un frère de mon atelier ayant 42 ans de franc-maçonnerie nous dit souvent que toute la franc-maçonnerie est comprise dans le rituel d’initiation du premier degré. Je pense que c’est très juste. Le cheminement maçonnique nous permettra de décortiquer et de comprendre l’expérience intime que nous avons vécu lors de notre initiation. Mais tout est déjà là ! L’aventure de l’initiation commence par le cabinet de réflexion. Déjà là, beaucoup de choses sont dévoilées à qui sait voir. C’est notre expérience de l’initiation qui nous permettra de comprendre cette expérience par un retour réflexif.

Peut-être même que nous apprenons des choses déjà dans notre plus tendre enfance qui vont nous servir lors de notre initiation. J’imagine que c’est le cas de cette fameuse chanson qu’est la souris verte qui courait dans l’herbe. Cette chanson ne nous donne ni plus ni moins que le secret de la pierre philosophale ! Cette pierre, qui est peut-être nous même, nous permettra de nous transmuter pour s’insérer dans l’édifice du temple que nous bâtissons.

Cette chanson, au combien alchimique, n’est pas facile à comprendre de prime abord. Il faut pour cela utiliser la langue des oiseaux qui nous aidera à décoder cette chanson. Et oui, nous transmettons aux enfants une chanson alchimique de génération en génération. La langue des oiseaux consiste à donner un sens autre à des mots ou à une phrase, soit par un jeu de sonorités, soit par des jeux de mots. L’orthographe n’est pas prise en compte.

Pourquoi l’appelle t’on la langue des oiseaux ? En fait, on utilise le mot oiseau car aucune de ces lettres n’est prononcé phonétiquement en français. Le o et le i forme le son WA, le s forme le son Z et les EAU forme le son O le x du pluriel ne se prononce pas. L’oiseau étant un volatile, on parle donc de langue volatile qui peut varier aux aléas des mots.

Prenons quelques exemples pour illustrer le propos : « la mort » deviendra « l’âme hors ». « La matière » donnera « l’âme à tiers ». Donc si l’âme est un tiers de la matière donc il y a deux autres tiers d’autre chose. En alchimie il y a 3 états : l’âme, l’esprit et la matière. « Secret » deviendra « se crée. » C’est peut-être cela le vrai secret de la franc-maçonnerie : celui de créer un humain meilleur et plus éclairé.

Il existe plein de chansons alchimiques. C’est un bon moyen pour faire passer des savoirs. La musique comprend 7 notes et des clés de portée. Il y a donc des clés pour ouvrir des portes qui mènent à quelque chose. On parle de gamme chromatique. Les clés auraient donc différentes couleurs et la musique serait les serrures à déverrouiller.

Je vous invite à ouvrir nos esprits curieux et amusons nous de jeux d’enfants pour percer le secret de cette chanson par diverses facettes.

Une souris verte qui courait dans l’herbe. Et bien ? Ça va être un peu difficile de la trouver cette souris ! Mais oui ! Une souris de couleur verte, qui court dans de l’herbe de couleur verte également. Comment trouver cette souris ? Elle est un peu cachée. N’y aurait-il pas là un message secret ? En alchimie, le vert est la couleur des choses cachés. Le mot vert peut donner également le mot de vertu. La vertu est une force morale avec laquelle l’être humain tend vers le bien.

Essayons de la décrypter : Une souris déjà « C’est quelque chose qui me fait un sourire » c’est donc une bonne nouvelle.

En alchimie, le projet est de combiner quatre éléments : le feu, la terre, l’eau et l’air pour en arriver à un cinquième : la quintessence. On pourrait dire que c’est l’essence de la quinte.

La souris verte se trouve à terre tout comme l’herbe. Donc nous trouvons le premier élément dont nous avons besoin : la terre.

Le second élément nous arrive très vite. Il s’agit du feu. Souri peut aussi donner le mot roussi. Il y a donc un feu caché dans cette souris verte. Il s’agit d’un feu doux qui couve à l’intérieur car il est justement caché. En alchimie, le four utilisé pour les expérimentations se nomme l’athanor. Le milieu de l’athanor ou se fait la réaction chimique prend la forme d’un œuf qui est alimenté par un feu doux. Ici, la souris n’est encore que fétus qui demandera à éclore plus tard lorsque la maturation sera accomplie.

Le vert est également la couleur de l’acide de fer. C’est un élément nécessaire dans la production opérative de la pierre philosophale. L’acide sulfurique lui est jaune. L’acide de cuivre lui est un acide sulfurique de couleur bleu. Il nous faudra combiner ces deux acides dans la réaction car le jaune mélangé au bleu donne du vert. Une fois l’acide de fer décomposé il nous restera du soufre et du mercure. Nous trouvons ces deux éléments dans le cabinet de réflexion.

Le vert est aussi couleur du printemps et donc du renouveau. Il nous indique une temporalité.

Pourquoi la souris court-elle dans l’herbe ? C’est pour nous montrer le troisième élément nécessaire. « Courait dans » devient « courant d’air ».

Continuons la chanson, « je l’attrape par la queue ». Il y a donc une substance laqueuse. Il s’agit ici de l’eau mercuriel. Mais on peut y voir aussi les maîtres queux, qui, par le passé, aiguisaient les couteaux de cuisine grâce à une pierre à affûter. Nous avons maintenant notre quatrième élément, l’eau.

La capacité d’attraper un objet caché qui se déplace très vite est aussi une preuve de dextérité. Cela démontre que l’alchimiste à de grandes compétences pour capturer quelque chose d’aussi fugace. C’est un chasseur expérimenté. Cela démontre que le travail qu’il faut faire sur soi pour pouvoir réussir cet exploit est important. Il nécessite beaucoup d’entraînement et n’est pas à la portée du premier venu. C’est une métaphore de l’initiation. Il faut oser frapper à la porte et avoir le courage de braver les interdictions. Une sentence du cabinet de réflexion nous dit « Si la curiosité t’a conduit ici va-t-en ! » Le courage du maçon est de braver cet interdit pour découvrir des savoirs cachés. C’est ainsi que le VITRIOL prend toute sa place : « Visite l’intérieur de la terre, en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. » une phrase alchimique dit « Tu trouveras la lumière même au cœur des ténèbres » et se rapproche fortement de cette logique.

Je la montre à ces messieurs. Il faut lire « messieurs » en deux mots : mes cieux. Donc je la montre au ciel et donc je l’expose à la lumière. Y a t’il une source de lumière dans le cabinet de réflexion ? Il y a effectivement une bougie pour nous éclairer et permet d’écrire notre testament philosophique mais est-ce la seule source de lumière qui pourrait venir du ciel ? En réalité, cette source de lumière va arriver très prochainement. Le coq nous annonce que la lumière va arriver bientôt. Cette nouvelle source de lumière transpercera la pierre brute qui est en nous pour nous aider à la dégrossir.

En alchimie, trois étapes de travail vont nous permettre d’arriver à la Pierre Philosophale. Première étape, l’œuvre au noir qui permet la décomposition de la matière, la seconde est l’œuvre au blanc qui va permettre la purification et recomposition de la matière. La troisième, l’œuvre au rouge va faire entrer la lumière dans la matière.

« Ces messieurs me disent trempez là dans l’huile ». L’huile étant l’association du soufre et du mercure que l’on trouve dans le cabinet de réflexion. Nous sommes donc ici dans l’œuvre au noir qui permet de décomposer la matière. L’huile est un alcool de plante. C’est un spiritueux qui contient donc l’esprit de la plante. Lorsqu’on extrait l’huile de la plante, le résidu restant est le sel que l’on trouve aussi dans notre cabinet de réflexion. « Tremper là dans l’eau ». Donc l’eau mercuriel.

On remarque que l’expression « Ses messieurs » et « tremper là » sont utilisés à deux reprises dans la phrase. Il s’agit d’un effet miroir. Le miroir permet de réfléchir à notre reflet. Si on réfléchit, on obtiendra la connaissance et l’abondance. C’est donc en passant de l’autre côté du miroir que l’on peut voir la vérité et comprendre mieux cette chanson. L’utilisation à deux reprises de « Ses messieurs » permet de combiner la lumière de la lune et celle du soleil en l’exposant aux deux.

L’alchimie nous propose quatre éléments mais également deux natures. Ces deux natures sont le féminin et le masculin. On peut transmuter une nature dans une autre en passant de l’autre côté du miroir où tout est inversé. Ainsi, le « là » de « trempez là » peut devenir masculin. Le « là » ou le « le » signifie l’unité donc un. En appliquant la langue des oiseaux sur « tremper un » on obtient le mot « impétrant ». Il faut donc attrapé l’impétrant et le purifier se qui nous amène à l’œuvre au blanc. Cette purification se fera lors des différents voyages.

Le passage du féminin au masculin se voit aussi dans la phase : « Ça fera un escargot ». On est passé du féminin du mot souris au masculin du mot escargot. Cette transition est d’autant plus facile que l’escargot est un animal hermaphrodite.

« ça fera un » peut aussi devenir le mot séraphin. Dans la mythologie chrétienne, les séraphins sont des anges qui ont trois paires d’ailes flamboyantes. Ils possèdent donc six ailes rouges de feu. Leur arme est d’ailleurs l’épée flamboyante qui est posée sur le plateau du vénérable maître. Étymologiquement parlant, le séraphin est un serpent « brûlant » du désert, il a une vertu purificatrice. Les séraphins sont des créatures importantes dans les cieux, ce sont les anges les plus élevés dans la hiérarchie céleste. Dans l’ancien testament on trouve la phrase suivante « Des séraphins se tenaient au-dessus de lui » lui voulant désigner dieu ici. Delà à dire que la croyance chrétienne est polythéiste avec des anges étant hiérarchiquement au-dessus de dieu, il n’y à qu’un pas. Le séraphin à pour fonction d’ouvrir la matière grâce à son épée flamboyante pour en faire jaillir la lumière. On peut voir ainsi une troisième source de lumière dans le cabinet de réflexion. Récapitulons, la première source de lumière est la bougie, la seconde est annoncée par le coq et la troisième est la pierre philosophale qui est en nous et qui pourra éclore en dégrossissant les aspérités autour. Le Séraphin représente donc l’œuvre au rouge.

La fin de la chanson nous parle d’un « escargot tout chaud ». Un escarre est une lésion cutanée souvent due à une brûlure de la chaire. Et le son “got” d’escargot ou plutôt le gat en ancien français est le nom d’une pierre. l’escarre permet l’ouverture de la pierre pour trouver les secrets à l’intérieur. Finalement on obtient une pierre brûlante. Les alchimistes l’appellent : « Pierre Philosophale. »

A quel moment doit-on concevoir la pierre philosophale ? La chanson va nous donner des indications de temporalité. On sait déjà par la couleur verte qu’il faut la concevoir au printemps. On découvre aussi à quel moment de la journée il faut récolter la pierre brute. Si j’attrape une souris verte laqueuse, cela veut dire que l’herbe est humide. Le moment de la journée où l’herbe est humide est l’aurore qui est le moment de la rosée. La rosée est très particulière en alchimie. Car c’est une eau qui est portée par l’air et qui tombe sur la terre. C’est en plus une eau qui contient du feu car elle vient du même endroit où est issu la lumière donc du feu. Dans le mot aurore il y a le mot or qui donne le mot orient.

Le grand œuvre ou opéra est donc accompli. Nous avons combiné le soufre qui représente l’âme avec le mercure qui représente l’esprit grâce au sel qui représente le corps. Le sel est le catalyseur permettant la transmutation.

La légende veut que la pierre philosophale permet de transmuter la matière pour par exemple transmuter les vils métaux en or. Elle permettrait aussi de guérir toutes les maladies. Ce serait donc la panacée.

Mais le mot «or » peut aussi se décomposer comme eau et air. On traduit cela par le passage de la matière que représente l’équerre par l’esprit que représente le compas. La pierre philosophale est donc la capacité de se transmuter soit même en quelque chose de meilleur.

Voilà pourquoi on chante cette ballade aux enfants. Les enfants pourront se transmuter en adulte. Avec l’aide de cette recette, ils pourront créer leur propre pierre philosophale et ainsi transmuter notre monde. Ils pourront créer un monde de tolérance, un monde meilleur et plus éclairé.

Vénérable Maître, j’ai dit.