La Pierre brute

Propos introductifs

Vénérable maître et vous tous mes FF et SS en vos grades et qualités,

J’ai choisi aujourd’hui comme thème de ma première planche maçonnique celui de la pierre brute. Non pas parce que c’est un thème choisi au hasard parmi toute la longue liste des symboles qui s’offrait à moi. Mais parce que c’est pour moi un symbole puissant, fort et plein de sens.

Et en effet, c’est un des tout premiers symboles mystérieux auquel un apprenti est confronté. D’ailleurs, dans ma vie de profane, avant d’avoir reçu la lumière, j’ai souvent entendu dire que le but d’un franc maçon était de tailler sa pierre et de la polir pour la rendre la plus parfaite possible. Cette formulation, bien que claire en apparence est selon moi trop banale. Nul ne sait vraiment le pouvoir de ce symbole tant qu’il ne s’est pas penché sur la question.

En réalité mes chers FF et SS, ce thème est venu à moi comme une évidence. Pourquoi ?

Et bien il me suffit de regarder à l’orient lors de nos travaux là ou parfois, je vous l’avoue mon esprit s’évade quelques instants. Cet objet, cette matière brute, est posée sous nos yeux. A l’état inerte, pourtant toujours présent. Sans jamais se dégrader, sans jamais bouger de place.

Mais avant de commencer, j’aimerais d’abord vous raconter cette anecdote. La première image que j’ai eu de la Franc maçonnerie était il y a fort longtemps. Lorsque j’étais jeune, je regardais toujours la télévision dans la chambre de mes parents avec la seule chaine que je captais, la RTBF. Un jour, je suis tombé sur un épisode des Simpson, intitulé « Homer le Grand ». C’était en 1995.

Dans cet épisode, Homer devient membre d’une société secrète appelée les Tailleurs de pierres. Je l’ai compris plus tard mais on y caricaturait la franc-maçonnerie. Ce n’est qu’après mon initiation que j’ai fait le rapprochement en me replongeant dans cette série.

Cet épisode posait le décor d’un groupe d’habitants de Springfield, entourés de symboles et d’objets énigmatiques, où l’initiation complètement loufoque d’Homer – il faut le dire – lui permettait d’entrer dans un monde inaccessible aux profanes, ceux qui n’en étaient pas, plein d’avantages et de passes droits. Cela a suscité en moi une certaine curiosité, même si à cette époque et jusqu’à il y a peu, je n’avais pas encore fait le lien avec la Franc maçonnerie en général et la taille de la pierre brute en particulier.

Et encore pour la petite histoire, à un moment, les tailleurs de pierre sont tous attablés en train de partager des agapes et ils entonnent une chanson toujours parodique, dont les paroles ont toujours raisonné dans ma tête jusqu’à aujourd’hui.

Bon revenons en au fait. Dans cette planche, je travaillerai d’abord sur la symbolique de la pierre brute. La symbolique qui nous concerne tous, de manière individuelle. Puis j’aborderai une approche de la symbolique plus collective. Je vous expliquerai enfin comment, selon moi, ce symbole renvoie avant tout à notre morale.

La symbolique individuelle de la pierre brute

Au fil de mes recherches, j’ai compris que cette pierre brute est un symbole de travail intérieur. Lors du dernier chantier d’apprenti avec notre second surveillant, nous nous sommes questionné sur le sens du mot V.I.T.R.I.O.L. de l’acronyme plutôt. Chacun sait ici qu’il s’agit d’une devise latine « Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultum Lapidem », signifiant : « Visite l’intérieur de la terre, et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ». C’est a posteriori que j’ai compris que le travail de taille de la pierre brute démarre dans le cabinet de réflexion. Là où tout commence finalement. Comme si la solution était posée sous nos yeux, sans que nous sachions la déchiffrer.

D’un point de vue étymologique, le mot pierre est un dérivé du latin Petrus, lui même dérivé du grec Petros qui signifie le rocher. De prime a bord, la pierre évoque donc quelque chose de solide, de stable.

En franc-maçonnerie, la pierre brute constitue la première étape du cheminement spirituel et personnel de tout initié. Dès l’entrée dans le Temple, nous sommes invités à voir cet emblème, posé sur les marches de l’autel à l’Orient, où l’apprenti, en possession du maillet et du ciseau, effectuera son premier travail. Cette pierre brute représente l’état originel de l’homme, non façonné par l’effort sur soi, plein d’aspérités, d’imperfections et de failles, mais aussi porteur d’un potentiel immense encore inexploité.

Cela rejoint les travaux de Jean Marie Ragon, maçon français du Grand Orient, initié à Bruges en 1804, né à Bray sur Seine pas très loin d’ici et auteur de nombreux ouvrages qui traitent des rituels maçonniques qui rappelle que la pierre brute « symbolise les imperfections de l’esprit et du cœur que le maçon doit s’appliquer à corriger ».

En tant qu’emblème, elle signifie donc que l’homme n’est pas un être « fini » : il est inachevé et perfectible, tout entier voué à l’auto-construction voire à la reconstruction et à la transformation par le travail, et transformation par la connaissance.

La pierre brute est donc un symbole fondamental en franc maçonnerie. Le travail du franc-maçon ne s’arrête jamais. De son initiation jusqu’à son passage à l’orient éternel, il travaillera cette matière première dans l’objectif de construire un édifice solide, harmonieux et lumineux. Cette transformation n’est donc pas matérielle, elle est avant tout spirituelle, morale et je dirais même collective.

La pierre brute symboliserait alors le point de départ d’un chemin propre à chacun mais sans fin, et laisserait penser à un inachèvement volontaire de notre oeuvre. C’est un rappel symbolique que nul ne naît et ne meurt parfait, que chacun porte en soi des angles vifs, peut-être tranchants, encore à polir, des aspérités à lisser et que la progression en franc-maçonnerie est une quête incessante d’amélioration de soi-même.

A titre personnel, la pierre brute m’invite chaque jour à une introspection profonde. Que signifie pour moi, jeune apprenti, ce travail de taille ? Il ne s’agit pas seulement d’éliminer mes défauts apparents, mais de creuser plus loin, pour toucher l’essentiel qui fera de moi quelqu’un d’authentique. Chaque coup de maillet et chaque trait de ciseau symbolisent les épreuves, les difficultés, mais aussi les prises de conscience qui me façonnent et me structurent intérieurement.

Je m’arrête un instant sur un aspect important. Une récente question à l’étude des loges m’a conduit à élargir ma réflexion. Que deviennent les éclats de la pierre brute ? D’une part, on le sait maintenant, ce qui a été taillé représente les imperfections, les impuretés. Dès lors, admettons que je ne ramasse pas ces éclats, ces poussières, ne risquerais-je pas de marcher dessus et de les retrouver à nouveau sur mon chemin ? Les éclats taillés symbolisent les défauts et les vices anciens. Le franc-maçon que je suis n‘aurait pas intérêt à laisser reposer poussières et débris sur son chemin. La pureté du travail accompli serait alors compromise et tout serait à refaire.

J’ai aussi entendu qu’il ne fallait pas laver ses gants ou son tablier. Pourtant tous deux sont souillés par les éclats de la pierre brute. le maniaque que je suis ne peut s’empêcher de penser que si je ne nettoie pas mes vêtements de travail, la poussière ou les éclats reviendront inlassablement se refixer sur ma pierre. En d’autres termes, balayer mon passé me permettra d’avancer.

La dimension collective de la pierre brute

En ce qui concerne la dimension collective de la pierre brute, admettons que chacun d’entre nous taille sa pierre en forme de brique, que pourrions nous construire ensuite ? Une maison pour nous abriter ? Une école pour nous instruire ? Ou un temple pour nous recueillir ? Une chose est sure, il sera difficile de construire un édifice avec une seule pierre. La pierre brute, deviendra donc la pierre angulaire de quelque chose de plus grand.

Ce symbolisme rejoint le mythe fondateur du Temple de Salomon, où les pierres, extraites brutes de la carrière, sont ensuite travaillées pour édifier une œuvre sacrée. Selon les récits bibliques (1 Rois 6:7), aucune pierre de taille n’est employée à l’origine : la transformation du brut au taillé est une victoire sur la matière, une transmutation animée par l’esprit divin.

La pierre brute, une fois taillée mes chers FF et SS n’a alors de valeur que lorsqu’elle s’imbrique dans un ensemble. Mais alors qui est capable de juger si sa pierre est suffisamment polie ? Ne faudrait-il pas soumettre son travail à un contremaitre ? À un grand architecte ? Qui détermine la valeur sociale de l’être polissé ?Le but étant je le rappelle est de devenir une « belle personne ».

Mais une belle personne ne l’est que lorsqu’elle se comporte dignement avec les autres, en société. Nul ne peut se prévaloir d’être un homme bon, c’est un titre honorifique, une distinction que l’on se fait remettre.

Sans faire de géologie, partons du postulat que la pierre est une roche exogène formée à la surface de la croûte terrestre, si chacun d’entre nous dispose d’une pierre, ou si chacun de nous est une pierre, nous serions donc tous un morceaux de quelque chose.

Néanmoins de quelle matière parlons nous ? Certains seraient faits de gré, de granit, ou de Jaumont, cette pierre jaune qui me tient tant à coeur, elle qui a permis de façonner la si belle ville de Metz qui m’a vu grandir, quand d’autre seraient de marbre ou de vulgaires cailloux ? Notre pierre, chacun en ce qui nous concerne aurait-elle la même valeur que celle de notre voisin ? Sous entendu, untel ou untel vaudrait mieux que moi ? Je pose ici cette réflexion.

La dimension morale et spirituelle

D’un point de vue moral et spirituel, j’aime à penser que la pierre brute est aussi un miroir. Elle reflète à la fois notre état initial, ce que nous sommes sans filtre, avec nos fragilités et nos forces mal maîtrisées, et le projet de ce que nous pouvons devenir grâce au travail réalisé. Le travail sur la pierre brute engage une démarche d’humilité : reconnaître ses imperfections, les accepter comme un état transitoire, et s’engager dans un travail de rectification.

Mais elle incarne également la promesse d’un aboutissement, la pierre cubique, parfaite, dont la forme géométrique symbolise l’équilibre, la sagesse et la maîtrise. L’invitation maçonnique est donc une invitation à la métamorphose, à la rédemption individuelle qui éclaire par ricochet, par extension le collectif.

La pierre brute est aussi le symbole de la patience et de la persévérance. On ne taille pas une pierre parfaite en un jour, pas plus que l’on ne se transforme en un instant. C’est un long processus d’efforts constants, de remises en question et d’acceptation des imperfection.

En ce sens, elle enseigne l’humilité et la persévérance, deux vertus indispensables dans notre démarche maçonnique. Plus tard, la pierre brute deviendra la pierre cubique, où la matière s’ordonne, devient stable et apte à prendre place dans le Temple. Puis viendra la pierre cubique à pointe ou pyramidion, surmontant le cube, et signalera le passage à la verticalité spirituelle.

Dans le « Manuscrit Dumfries », la question du maçon est abordée ainsi : « Qu’est-ce qu’un maçon ? Réponse : Un ouvrier de la pierre. » Pour œuvrer sur cette pierre, je l’ai dit, il nous faudra utiliser deux outils indispensables : le maillet et le ciseau.

Le maillet, par la force contrôlée qu’il délivre, incarne la volonté et la puissance. Le ciseau, plus fin, représente la précision, la sagesse et la réflexion. Ensemble, ils produisent la transformation de la pierre brute. Ils rappellent également que cette transformation ne peut être anarchique ou brutale, mais qu’elle doit être mesurée, réfléchie et équilibrée.

Cet équilibre entre force et finesse est à mon sens un appel à travailler sur soi avec rigueur, mais aussi avec discernement. C’est apprendre à se connaître assez pour ne pas s’abîmer dans un excès de dureté ou de douceur, mais pour tailler la pierre à la juste mesure.

Le symbole de la pierre brute a donc un double sens. Il invite le franc maçon à une double démarche, à la fois introspective et extrospective : il est tantôt l’ouvrier qui façonne tantôt lui même la pierre qu’il façonne. Le sujet et l’objet sont alors confondus. Dans « Eupalinos ou l’Architecte », Socrate dit que: « À force de construire… je crois bien que je me suis construit moi-même. »

Travailler à dégrossir sa pierre brute n’est pas seulement une dimension morale individuelle : c’est aussi une preuve d’humilité. Chacun doit reconnaître la nécessité de progresser sans limite, d’accepter ses erreurs et ses bannir ses faiblesses.

Conclusion

Mes chers frères et soeurs, à travers la symbolique de la pierre brute, se manifeste la notion d’un travail sans fin. Nulle pierre n’est jamais parfaite de façon absolue. Le chemin maçonnique est celui de l’inaccompli, une quête éternelle, où chaque étape franchie ouvre un nouveau champ d’apprentissage et de profondeur.

La pierre brute est un rappel constant que l’homme est un être en devenir, et que la vérité, la sagesse et la lumière sont des horizons qui restent à poursuivre mais jamais totalement atteints. C’est cette dynamique qui donne sa richesse à notre engagement maçonnique, la lutte incessante contre l’ignorance, l’égoïsme, et l’erreur. J’ai dit

Le non finito ou l’esthétique de l’inachevé

V :. M :. et vous tous mes frères et soeurs en vos grades et qualité,

Il y a quelque temps, j’ai eu la chance de voir une sculpture qu’on appelle la Piéta Rondanini de Michel-Ange, et qui est conservée au château des Sforza à Milan. La sculpture, bien qu’inachevée, est particulièrement émouvante : nous découvrons Marie, debout, qui essaye de relever son fils Jésus mort. L’ensemble est empreint d’une grande tension émotionnelle, entièrement focalisée sur la relation entre la mère et son enfant. Le spectateur arrive à toucher du doigt – ou plutôt du regard – le travail au burin dans la pierre comme si le sculpteur avait arrêté son travail la veille. Mais le plus important n’est pas là : lorsqu’on étudie l’histoire de l’oeuvre, on découvre le cheminement de l’artiste, ses doutes, ses colères, ses repentirs : car après avoir ébauché une première version, Michel-Ange tombe sur des anomalies structurelles dans le marbre et, de rage, commence à le détruire. Quelques années plus tard, il revient à son projet et révolutionne tout : il inverse littéralement la position des deux sujets ; le Christ tel qu’il était esquissé se transforme en Marie et de l’ancien corps de Marie, il conçoit le nouveau Jésus. L’artiste travaille à cette oeuvre jusqu’à sa mort, en 1564.

Michel-Ange, qui mettait un soin infini à choisir ses morceaux de marbre dans la carrière où il avait l’habitude de s’approvisionner, disait, je cite : « Chaque bloc de pierre a une statue à l’intérieur et c’est la tâche du sculpteur de la découvrir. ».

Ainsi, sur un chantier opératif, une pierre brute n’est pas un caillou informe. Elle est une pierre déjà ébauchée, une pierre qui a le potentiel d’être travaillée encore et encore pour s’insérer parfaitement dans l’ouvrage.

De même, sur un chantier spéculatif, la pierre brute caractérise l’état ignorant de l’apprenti, mais pas de n’importe quel ignorant : un ignorant qui n’ignore plus son ignorance et, partant de là, commence donc à se mettre au travail.

Le sculpteur est comme l’apprenti maçon qui, sortant du tumulte des sociétés profanes, commence à se connaître, à douter, et comprend la nécessité de travailler sa pierre brute. Certains rituels prévoient d’ailleurs qu’au cours de l’initiation, le 2nd surveillant montre le geste de taille, par trois coups à l’aide du marteau et du burin sur la pierre, au tout nouvel apprenti. Cet enseignement par l’exemple permet, de génération en génération, de transmettre le savoir-faire d’un maître à un apprenti.

Prenons garde au raisonnement qui consisterait à dire : « nous sommes tous des pierres brutes, nous sommes perpétuellement des apprentis ». Non ! mes F :. et mes S :. Car s’il n’y a plus que des apprentis dans l’atelier, qui prendra la relève pour assurer l’enseignement ? Qui montrera l’exemple ? Ce raisonnement cache en réalité une forme de faiblesse, une forme de renoncement. A force de tailler et polir sa pierre, le risque pour le maçon est qu’il ne lui reste plus que de la poussière ! Certes, le doute, le travail sur soi-même est exigé de tous, que l’on soit apprenti, compagnon ou maître. Mais en tenue d’apprenti, chaque compagnon ou maître a une responsabilité supplémentaire : celle d’être le grand frère, la grande soeur, qui va montrer l’exemple, le grand frère, la grande soeur que l’on écoute, que l’on regarde, que l’on va, au moins au début, imiter, et que finalement, en connaissance, on va décider de suivre ou de ne pas suivre.

Si le maçon a la capacité de révéler le meilleur de lui-même, alors il peut sortir du temple pour révéler son savoir, pour se montrer exemplaire, pour donner envie aux autres de lui ressembler. C’est la fameuse phrase du Mahatma Gandhi « Sois le changement que tu veux voir dans le monde ». Dans notre rituel, c’est la fameuse phrase prononcée par le VM en fin de tenue « Par l’exemple de leurs vertus, les FM porteront en dehors du temple les vérités qu’ils ont acquises ». Michel-Ange lui-même a montré l’exemple à de nombreux élèves, de nombreux suiveurs, et en-dehors même de son atelier, des années, des siècles après sa mort, son influence a touché une foule d’artistes.

Quelquefois, lors des passages sous le bandeau, la question suivante est posée au profane par un frère ou une soeur de l’atelier : « si vous deviez compléter la devise Liberté, Egalité, Fraternité, quelle valeur choisiriez-vous » ? Pour ma part, j’aurais répondu l’exemplarité.

J’ai dit.

Le rôle des symboles

V :. M :. et vous tous mes frères et sœurs en vos grades et qualité,

Ma sœur L:., mon frère O:., vous avez été initiés ce soir du 3 octobre 2025 à Corbeil-Essonnes. Vous faites désormais partie d’un ordre initiatique, celui des francs-maçons.

Toute votre vie, vous vous souviendrez de cette cérémonie qui restera à jamais gravée dans vos mémoires. Pourtant, l’histoire ne date pas d’hier et vous n’êtes pas les premiers à avoir reçu la lumière : dans sa forme moderne, la franc-maçonnerie prend naissance au XVIIe siècle, quelque part en Grande-Bretagne. A cette époque, la mise en place de rituels initiatiques inspirés des Anciens Devoirs, règlements professionnels en vigueur dans les guildes de bâtisseurs, fut l’un des phénomènes annonciateurs de la franc-maçonnerie émergente. Ces rituels incluaient des serments et des secrets, conférant aux connaissances, que les membres partageaient un caractère mystérieux. Ils avaient aussi pour objectif de transmettre des valeurs comme l’intégrité, la fraternité et la nécessaire recherche de la vérité. Cette dimension éthique devint ainsi le socle de la franc-maçonnerie qui se présentait comme une école de perfectionnement personnel. Et la maîtrise des symboles et des gestes devint une caractéristique clé du parcours initiatique de ses membres.

Les symboles : parlons-en des symboles ! Toute la soirée, vous entendu, comme une antienne, « ici, tout est symbole. ».

Dans la symbolique initiatique des constructeurs, les symboles architecturaux revêtent une importance particulière : les outils du maçon, tels que l’équerre, le compas, le fil à plomb et le niveau, ne servaient pas uniquement aux travaux matériels, il prenait une valeur métaphorique représentant des principes moraux ou universels. Ainsi, l’équerre pouvait symboliser la rectitude, le compas la mesure et le cercle la perfection. De cette façon, la maçonnerie répétait l’idée que la construction du bâtiment matériel devait être associé à une construction intérieure de l’individu. Cette correspondance entre le concret et l’abstrait, entre le visible et l’invisible, entre l’ostensible et l’intime, est un aspect fondamental du système de pensée maçonnique. Le symbolisme de la construction aide à exprimer notre philosophie, notre vision du monde et nos principes moraux. Les symboles sont des allégories ou plutôt des métaphores reflétant l’aspiration de l’homme à l’amélioration intérieure, à la connaissance de soi et à la perfection morale.

Ma sœur L:., mon frère O:., dans les semaines qui viennent, vous allez découvrir, entre les objets, les décors, les gestes et les paroles prononcées, 30, 40, 50 symboles ou peut-être plus ! Tous ces symboles et ces gestes, tous ces signes et ces expressions typiquement maçonniques sont issus d’un syncrétisme aux origines multiples et parfois obscures, et sont transmis de génération en génération. Ils représentent un champ sémantique et analogique constitué, solide, qui a connu l’épreuve du temps. Dans leur diversité, les symboles ont tous un point commun : ils permettent de réfléchir différemment. Ils constituent une langue à part entière, une langue qui permet de provoquer en nous une forme d’éveil, une forme de confrontation intime, et entre nous un moyen de dialogue, une forme de confrontation à la pensée de l’autre. Chacun à sa manière, chacun dans son registre, ils sont autant de catalyseurs à la réflexion et sont là pour nous rappeler du travail à faire nous permettre de progresser collectivement.

Alors même si vous aurez peu l’occasion de prendre la parole en loge dans les prochains mois, faites l’effort de regarder le symbole sous un autre angle, forcez-vous à rechercher une analogie différente du voisin, poussez votre réflexion jusqu’à obtenir un point de vue original et nous en débattrons en réunion d’apprentis très bientôt.

J’ai dit.

5 minutes de symbolisme « Le sacré et le secret »

V :. M :. et vous tous mes frères et sœurs en vos grades et qualité,

le sacré et le secret sont deux concepts intimement liés car ils partagent tous deux une idée de profond respect et une idée de protection.

Placés côte à côte, les deux mots, sacré et secret, montrent une assonance évidente. Ils n’ont pourtant pas du tout la même étymologie : sacré est issu tout droit de l’indo-européen « sak » qui signifiait déjà… sacré et secret trouve son origine dans la racine indo-européenne ker, qui a le sens de trier, séparer Ce n’est donc pas à travers l’étymologie que nous allons trouver un lien entre ces deux termes.

Nous sommes ici dans un temple alors essayons d’abord de définir ce qu’est le sacré.

De façon générale, le sacré se réfère à ce qui est mis à part, vénéré, ou considéré comme ayant une importance transcendante. Il peut être associé à des objets comme des œuvres d’art ou bien certains textes, des lieux comme une église ou un temple, des rites, des traditions, ou encore des idées qui dépassent le monde matériel et touchent au spirituel ou au religieux. Ce qui est sacré inspire respect, crainte, admiration. Ce qui est sacré est souvent entouré de rituels et de symboles qui renforcent son caractère inviolable. Il est fréquemment associé au mystère, car il touche à des réalités qui dépassent la compréhension humaine immédiate et ordinaire.

Dans ces lieux, le sacré est à rechercher dans notre rituel, dans notre méthode de travail, dans nos symboles. Il est surtout à rechercher dans ce que nous en faisons. Ce qui est sacré est le cheminement maçonnique qui opère au fond de nous. Le cheminement individuel mais aussi le cheminement collectif, au gré des évènements qui marquent notre loge. Le sacré est à rechercher dans le lien d’esprit, le lien fraternel, l’égrégore qui nous unit tous.

Et bien figurez-vous que tout cela constitue précisément notre secret. Je ne parle pas du secret d’appartenance ou du secret du rituel. Non, trop banal. Je veux parler bien sûr de ce que l’on ressent dans notre cœur et qui est le fameux secret que l’on dit incommunicable.

Secret… sacré… Ca y est ! ces deux mots deviennent subitement des synonymes. Nos secrets sont notre sacré. Ils sont réservés à ceux qui ont franchi certaines étapes d’initiation et qui sont dignes de les connaître. Ils représentent une forme de connaissance qui doit être méritée et acquise degré après degré, plutôt que d’être délivrée en bloc. La préservation de nos secrets demande à chaque frère ou sœur de la loge, chacun dans son grade, une certaine maîtrise de soi qui oblige au silence toutes les fois qu’il est inopportun de s’exprimer ou toutes les fois que notre interlocuteur n’est pas en mesure de recevoir une vérité nouvelle. Et inversement, les passages de grade permettent d’enseigner de nouveaux mystères aux frères et aux sœurs qui sont prêts à les recevoir.

De cette façon, les secrets se dévoilent petit à petit, en respectant le temps et le cheminement personnel de chacun.

Les secrets se dévoilent petit à petit… Dévoiler, secret… n’est-ce pas contradictoire ? Non ! Car si les secrets n’étaient jamais transmis, ils finiraient par être perdus, oubliés ou pire, remplacés par quelque-chose de bien plus pernicieux, sans même qu’on s’en rende compte. Il faut comprendre dans mon propos que, paradoxalement, le secret n’a une utilité qu’à partir du moment où il ne l’est plus tout à fait. Ainsi, la maîtrise du secret maçonnique suppose un équilibre entre, d’une part, la transmission du savoir, qui utilise le langage des symboles, et d’autre part, le silence, gardien du mystère.

Les francs-maçons ont coutumes de dire dans les médias qu’ils appartiennent davantage à une société discrète que secrète. C’est peut-être vrai lorsqu’on s’adresse aux profanes. Encore que… nous sommes indiscrets voire triviaux toutes les fois que notre communauté, par la voix de ses représentants, donne des leçons au reste du monde, en tout cas des leçons qui ne sont pas en lien direct avec nos fondements, avec nos mystères. Je ferme la parenthèse. Non, nous ne sommes pas une société discrète mais bien secrète, dans le sens que j’ai essayé de vous expliquer, dans le sens où notre travail repose sur l’étude des symboles et de leur langage, sur notre rituel et sur nos liens sacrés, et qu’il doit être le fruit d’une longue méditation sur nous-mêmes, dans l’introspection et le silence.

J’ai dit.

5 minutes de symbolisme « Laisser ses métaux à la porte du temple »

V :. M :. et vous tous mes frères et sœurs en vos grades et qualité,

je n’ai jamais aimé l’expression « il faut laisser ses métaux à la porte du temple » tout comme je n’ai jamais aimé les bigots. Car enfin, si pour être un bon maçon, il faut se débarrasser de ses préjugés, OK…mais c’est une platitude ! Certes, les métaux et les bijoux symboliquement nous alourdissent, ils sont le signe du mal, ils sont considérés comme moralement mauvais. Mais… si cette explication est vraie, elle me paraît un peu trop simpliste et un peu trop binaire.

D’autant que l’expression « il faut laisser ses métaux à la porte du temple » m’a toujours paru énigmatique : car chacun peut constater dans ce temple la présence de quantités de métaux : des glaives, des bijoux, des objets symboliques comme ce fil à plomb, des pièces de monnaie qui seront récoltées dans le tronc de la veuve et aussi des symboles comme le soleil et la lune, étroitement liés à l’or et à l’argent. Et qu’en est-il des plombages dentaires ?

Alors essayons d’y voir plus clair. Et pour comprendre quelque-chose, distinguons la cérémonie de l’initiation des autres tenues.

Commençons donc par l’initiation. Au tout début de la cérémonie – nous nous en souvenons tous – l’impétrant doit confier son portefeuille, son téléphone portable, ses clés, sa montre, ses bijoux, son argent, bref une partie de ses biens à un parfait inconnu. Ce tout premier geste est déjà une épreuve pour lui : c’est un premier acte de confiance – il y en aura d’autres après – un acte de confiance de la part du récipiendaire envers la communauté qu’il s’apprête à rejoindre.

Au moment de l’initiation, les métaux revêtent d’abord le symbole de tout le superflu de l’homme social et matérialiste. Ils représentent ensuite le désordre moral dans notre vie. Enfin, s’il veut entrer dans un monde authentiquement spirituel, l’homme doit, par définition, quitter la matière. Laisser ses métaux à la porte du temple permet de privilégier les richesses de l’esprit, juste avant de recevoir la lumière initiatique. Alors cultivons la chance que nous avons d’être initiés, cultivons la chance de devoir rechercher la sagesse qui au-delà des apparences, est la seule décoration invisible mais sacrée que l’on peut espérer revêtir un jour.

Mais quittons la cérémonie d’initiation proprement dite pour essayer de comprendre le sens plus général de « laisser ses métaux à la porte du temple ».

Symboliquement, l’expression signifie que les frères et les sœurs qui pénètrent dans le temple doivent se dévêtir de leur humanité profane, pour pratiquer une forme de purification rituélique, tout comme, chez les anciens ou dans certaines religions, les fidèles se lavent ou pratiquent le jeûne avant d’entrer dans l’enceinte sacrée. Dès lors, c’est bien avant chaque tenue qu’il y doit y avoir dépouillement des métaux, autrement dit, c’est avant chaque tenue que l’individu encore profane que nous sommes sur les parvis, doit se régénérer en un frère ou une sœur, prêt à acquérir de nouvelles vérités et poursuivre sa mutation individuelle.

Le parallèle avec l’alchimie devient évident : avec l’aide du forgeron Tubalcain, chacun de nous se transforme en initié tout comme le plomb se transforme en or, métal de lumière, le long des différentes phases du Grand Œuvre.

Bon. Tout cela est bien beau mais ces considérations ésotériques complexes et, je dois bien le dire, obscures ne nous renseignent pas sur la véritable origine de l’expression « il faut laisser ses métaux à la porte du temple ». D’où vient cet impératif : « il faut » ? C’est en effectuant quelques recherches supplémentaires que je suis arrivé à bout de cette expression : il suffit de revenir aux sources, celles qui racontent la construction du temple de Salomon, dans l’Ancien Testament, au premier livre des Rois, chapitre 6. C’est ici que l’on trouve la clé de l’énigme : il est écrit, je cite : « Lorsqu’on construisit le temple, on se servit de pierres toutes taillées. On n’entendit ni marteau, ni hache, ni aucun instrument en fer dans le temple pendant qu’on le construisait. » Et oui ! Le caractère sacré de l’édifice explique que sa construction eut quelque chose de très solennel par le silence religieux qui fut observé à ce moment. Les pierres avaient été façonnées dans la carrière, ou peut-être dans un endroit voisin de Jérusalem, de telle sorte qu’elles n’avaient plus qu’à être posées et assemblées sans le bruit ordinaire des instruments de travail.

Nous y sommes ! A l’origine, l’expression « Il faut laisser ses métaux à la porte du temple » signifie tout simplement « il faut faire silence pour construire le temple », que ce soit le temple de Salomon ou son temple intérieur.

V :. M :. et vous tous mes frères et sœurs en vos grades et qualité, je n’ai jamais aimé l’expression « il faut laisser ses métaux à la porte du temple » dans son sens courant. Trop prêchi-prêcha ! Mais après un peu de recherche, on peut découvrir toute la richesse qu’elle contient ! Et chacun y verra ce qu’il veut y voir : le symbole de la confiance, la promesse d’une vie spirituelle, le devoir de purification, la régénération quasi-alchimique du maçon, tenue après tenue. Pour ma part, je retiendrai la dernière proposition : la nécessité d’observer le silence si l’on veut être dignes de notre mission de Constructeurs !

J’ai dit.

Chapitre 7 : la France, fille aînée de la maçonnerie

Nouvelle histoire des Francs-maçons en France

Des origines à nos jours

Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018

Résumé

Chapitre 7 : la France, fille aînée de la maçonnerie 

En 1743, le Comte de Clermont, Prince de sang, fut élu grand maître. Ce qui est important, c’est que la franc-maçonnerie, institution d’origine protestante, née dans un pays de monarchies parlementaires, a réussi à s’adapter à la France catholique et absolutiste en plaçant à sa tête un abbé mondain et aristocrate de haut rang, mais cependant débonnaire et libéral.

Dans une France d’ancien régime la franc-maçonnerie, à l’image du pays, offrit pendant plus d’une trentaine d’années un visage morcelé, dispersé et souvent contradictoire. Elle exprimait surtout une grande réticence à l’égard de tout pouvoir central, notamment parisien, et où la notion même d’obédience au sens moderne du mot n’avait guère de sens ni de réalité

En 1744 et en 1745, ce sont souvent des rapports de police qui permirent de comprendre en quoi étaient faites les tenues et les loges, car ils fournissaient une sorte de saisissant reportage sur le décor et l’ambiance des loges. Il est probable que les autorités aient fini par se convaincre que si les francs-maçons ne faisaient pas de scandale et ne se montraient pas trop, rien de bien considérable ne pourrait leur être reproché. 

Cependant, c’est bien à cette époque, c’est-à-dire dans le courant des années 1740, que des pamphlets anti-maçonniques, de nature essentiellement anti-religieuse, ont été publiés. Le serment impénétrable des francs-maçons était une offense au droit du confesseur de tout connaître des turpitudes de ses fidèles. La dénonciation du dangereux mélange des confessions est aussi un fait majeur. Il suffira d’y ajouter le soupçon de complot contre les pouvoirs civils et légitimes, qui naîtra surtout dans la littérature post-révolutionnaire, pour que soit complété l’arsenal antimaçonnique qui servira en France et dans quelques autres pays de tradition catholique jusqu’au cours du 20ème siècle.

Alors que la police et les différents pamphlets divulguaient tous les mystères prétendus des francs-maçons pour les faire sombrer dans le ridicule, c’est tout le contraire qui s’est passé. Entre 1744 et 1747, de nombreuses divulgations majeures, imprimées et rééditées à diverses reprises pour certaines d’entre elles, firent leur apparition. Ces textes eurent un double effet. Ces divulgations servirent d’aide-mémoire aux francs-maçons. Et par un effet de retour, elles contribuèrent à stabiliser les usages maçonniques, quelle qu’ait pu être à l’origine leur exactitude et leur véracité.

Les premiers francs-maçons ont dû faire preuve de résistance et d’énergie pour s’opposer aux opérations de police et aux foudres de l’Église, mais c’est bien cette culture maçonnique dans cette France du début du règne de Louis XV qui parvenait à un tournant de son histoire politique et morale, qui a sans doute répondu à un puissant besoin de différentes classes de la société. Ce puissant besoin se matérialisait dans l’ordre de la pensée comme dans celui de la simple sociabilité renouvelée et enrichie par les cérémonies d’éloges et plus encore par la convivialité des banquets maçonniques.

Le banquet maçonnique, à l’instar de la loge dont il procède et qui le justifie, fut sans doute l’un des premiers lieux dans la France de l’ancien régime où une sociabilité vraiment nouvelle put s’établir entre des hommes appartenant à tous les ordres de la société, sinon à toutes les couches socio-économiques

Le développement des loges s’est appuyé aussi, et dans une large mesure, sur les loges régimentaires qui ont permis la création rapide de nombreuses autres loges sur l’ensemble du territoire. Il apparaît que la première motivation des militaires francs-maçons fut probablement l’ennui. Se déplaçant de ville en ville, celles-ci ont essaimé de nouvelles loges, et en quittant leurs garnisons les maçons non militaires continuèrent l’œuvre maçonnique.  À la veille de la révolution, le Grand Orient de France comptait environ 690 loges, dont près de 70 au sein des régiments. 

C’est aussi à cette période qu’apparaissent ce qu’on appellera plus tard les hauts grades, qui prirent la qualification de grade écossais, particulièrement en France.

En 1760, on assiste à une véritable sécession d’une bonne partie des maîtres de loges parisiennes avec la création d’une grande loge autonome. La querelle portait finalement sur une lutte de pouvoir.

Pendant deux ans, deux grandes loges vont vivre côte à côte. Pendant cette période de deux ans, environ 85 nouvelles loges verront le jour, mais surtout plus d’une trentaine naîtront de leur propre chef sans se rallier à l’une ou l’autre des grandes loges parisiennes. En 1762 les tractations entre les deux grandes loges allèrent bon train. Une fois cette harmonie, entre guillemets, théoriquement retrouvée, au moins en façade, furent adoptés en avril 1763 les statuts et règlements de la Grande Loge de France et de toutes les loges particulières répandues dans le royaume 

La Grande Loge réunifiée poursuivit ses travaux sans encombre jusqu’en 1765. C’est au cours de cette période, probablement, qu’un premier rituel fut imprimé, appelé le Corps complet de la maçonnerie, adopté par la Grande Loge de France.

Enfin terminons par les loges d’adoption. En effet. La franc-maçonnerie a toujours été avant tout une affaire d’hommes, comme il est rappelé dans les constitutions de 1723.

La franc-maçonnerie française trouva finalement une parade par la création de la maçonnerie d’adoption ou maçonnerie des dames. Elle était distincte de la maçonnerie masculine par ses rituels, ses emblèmes et ses décors mais était fondée sur les mêmes principes.

Planche / Le polissage de ma pierre

Pour ma seconde planche au grade de compagnon, j’ai choisi de travailler sur le symbole de la Pierre. Et oui mes frères une énième planche sur la Pierre…. Mais vous conviendrez et m’accorderait que le choix de ce symbole est bien la quintessence de notre chemin initiatique. En effet, la symbolique très forte, qui nous vient comme vous le savez le de la maçonnerie opérative, celle des constructeurs de cathédrales. Pour une maçonnerie spéculative, celle de la construction de notre temple intérieur et celle du temple universel. La transformation de soi a été pour ma part une des raisons majeures de mon entrée dans notre ordre. Je suppose que c’est le cas pour nombre d’entre vous.

Cette mutation est celle qui me permet aujourd’hui de voir sous un prisme différent le monde tel qui nous est offert, au regard de celui qui me semble plus juste.

C’est par l’invitation à l’introspection de VITRIOL et en suivant l’injonction de Socrate qui drapé dans sa toge nous dit « connais-toi toi-même » que j’ai commencé le travail sur ma pierre brute. Conscientisant ainsi ce que je pense être et ce que je pense vouloir devenir.

C’est armé de mes outils et des symboles appris en loge que j’ai dégrossi ma pierre. Le maillet et le ciseau en a dégagé les arêtes. Le compas lui, a délimité l’ardeurs de mes coups. L’équerre, elle a su donner de la droiture dans mes actions. Mais c’est aux confins du pavé mosaïque, et dans chacun de ses interstices, que mon interprétation et la négociation des forces opposées ont véritablement favorisé mon évolution.

Le travail initiatique sur ma Pierre a eu un éclairage sur mes valeurs, mes idées reçues et mes questionnements, qui jusqu’alors étaient aux contours flous, incertains voir superficiels.

Ce sont ces valeurs que je veux partager ce soir avec vous…

Car polir ma Pierre

C’est d’avoir porté une réflexion sur la conception de la libre pensée c’est-à-dire le droit pour chaque individu de penser par lui-même en rejetant toute forme d’autorité imposée, que ce soit en matière d’idées ou de croyances et notamment religieuses. 

Cette liberté de pensée qui repose sur les 3 piliers, que sont la liberté de conscience, la pensée critique ainsi que le rejet des dogmes, nous ouvre à une méthode de questionnements et de recherche de vérité.

Et justement polir ma Pierre

C’est aussi la quête infinie de la recherche de vérité.

Elle est le moteur fondamental de toute investigation philosophique et scientifique. C’est elle qui permet la confrontation des idées et l’émergence d’une compréhension plus juste de la réalité. 

Elle cultive inlassablement notre curiosité et notre remise en question. 

Principe émancipateur, elle nous a affranchis de la chaîne de l’ignorance et des préjugés. 

C’est en s’efforçant de distinguer le vrai du faux qu’on se libère des illusions qui nous maintiennent dans un état de soumission intellectuelle et sociale.

Lorsque la vérité est recherchée avec rigueur et esprit critique, elle permet de lutter contre les systèmes de pensées oppressifs et ainsi de révéler les injustices. Elle nous ouvre la voie de l’autonomie et à l’action éclairée.

Mais comme nous le savons, la vérité n’existe pas en tant que telle. Elle est bien évidemment relative et ce pour de multiples raisons : elle dépend des divers points de vue, des diverses normes morales selon les sociétés et les cultures, ainsi que de notre perception limitée qui influence nos jugements.

Cette vérité recherchée devient alors une quête sans fin, et notre soif de compréhension nous pousse finalement à chercher éternellement des réponses.

Polir ma Pierre

C’est aussi de savoir accorder « le juste et le bien » 

Une chose est juste quand elle se réfère principalement à la conformité, à la loi et aux règles établies dans une société. Le juste vise l’équité de façon impartiale.

En revanche, une chose est bonne quand elles se réfèrent plutôt à la morale et à l’éthique. Elle concerne ce qui est considéré comme bon et conforme à certaines valeurs comme la compersion, l’empathie, la bienveillance et la dignité humaine.

La rivalité entre le juste légal et le bien moral est présente dans de nombreux débats de société. De fait, une loi peut être perçue comme injuste si elle va à l’encontre des valeurs morales et inversement une action motivée par une bonne intention peut enfreindre la loi et être donc considérée comme injuste pour le système judiciaire. 

Le juste et le bien ne sont pas opposés, ils doivent cohabiter dans un équilibre dynamique en vue d’une société meilleure et réellement humaine.

Polir ma Pierre

C’est travailler sur la tolérance, sujet peu débattu en loge…

Comment une société peut-elle se prétendre libre sans un minimum de tolérance

Etant acquise l’expression : La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Comment définir le seuil où démarre l’intolérance ?

Être tolérant c’est chercher le point d’équilibre, c’est trouver le point d’achoppement qui permet d’éviter toute tension. Elle ouvre le dialogue.

 La tolérance c’est accepter l’autre, accepter ses différences, sa culture. C’est combattre sans concession les idées nauséeuses comme la xénophobie, l’homophobie et autres idéologies de la haine.

C’est cesser de vouloir modeler l’autre à son image. 

La tolérance nous invite à déconstruire nos propres certitudes, elle ouvre la voie vers une humanité plus riche et plus épanouie. 

Elle est une construction progressiste, un véritable pacte entre les hommes pour l’harmonie et la raison. 

Polir ma pierre 

C’est d’avoir méditer sur le « doute » lors d’un chantier d’apprenti avec mon 2eme surveillant.

Celui qui encourage notre humilité, qui nous rappelle que nous ne savons pas tout et que notre point de vue peut-être soit biaisé ou soit incomplet. 

Celui qui nous oblige à être à l’écoute de l’autre et à nous remettre en question. 

Celui qui nous invite à une déconstruction positive pour mieux reconstruire.

Mais le doute est loin d’être un frein, il est en fait une des clés de la sagesse. Il éclaire le jugement, protège la liberté et favorise le progrès. C’est dans le doute réfléchi et non dans la certitude arrogante que se trouve souvent la véritable intelligence humaine.

Mais le ferment de tout cela, c’est la fraternité au sein de notre loge. Elle a tapissé mon temple. 

Une fraternité palpable qu’on trouve nulle part ailleurs. Sans laquelle ni mon courage, ni ma persévérance n’auraient pu aboutir. Elle est le catalyseur de ma progression.

Alors, quoi faire des fragments, et quels sont les résidus de ma Pierre taillée  ?

Et bien ils sont l’orgueil, la peur, la haine, la colère, l’incompréhension et le paraître. Ils représentent l’obstacle, une masse opaque imperméable à la lumière qui nous empêche de voir et de comprendre, donc de nous intégrer de manière harmonieuse à la société.

Ma Pierre aux aspérités encore irrégulières me place sur le chemin de la raison universelle

Pour autant, de ma Pierre ôtée ses fragments, subsiste le moi profond. C’est celui-ci qui maintenant est dirigé par une nouvelle conscience. Plus élargie, plus éclairée et plus lucide.

Ainsi, ma Pierre aussi imparfaite soit-elle, débarrassée de ses éclats, peut résister à l’épreuve du feu, de l’eau, de la terre et du vent, elle ne peut ni glisser ni rouler.

Je peux y voir dans ses 6 faces la dimension de notre être.

  • Le physique, qu’est la matérialité de notre existence
  • L’émotionnel, que sont nos sentiments et nos ressentis
  • L’intellectuel, à savoir notre aptitude à raisonner et à comprendre
  • Le spirituel, notre quête de sens et de transcendance
  • Le social, qui est notre relation avec les autres et notre place dans le monde.
  • Et le moral, c’est à dire nos principes éthiques et notre conscience.

Je peux également évoquer ses 6 faces, comme les 6 directions de l’espace : l’est, l’ouest, le nord, le sud, le Zénith et le Nadir, qui nous rappelle l’omniprésence du grand architecte.

C’est depuis mon temple partiellement édifié et fort de mon propre cheminement intérieur que j’aspire à partager les clés qui m’ont permis de trouver plus de sens dans notre monde. Un monde souvent chaotique, marqué par une société à moitié délitée, une économie sous perfusion et un individualisme croissant.

 L’heure n’est donc pas au repos…

Qu’il n’en déplaise aux éternels optimistes, c’est le verre à moitié vide qui guidera ma pensée et mes actions. 

Oui, c’est bien le verre vide qui nous rend attentif aux problèmes et aux menaces. C’est lui qui nous aide à reconnaître ce qu’il manque.

Il nous aide à rehausser la valeur de ce que nous possédons, c’est un peu comme apprécier la lumière après avoir connu l’obscurité. 

Et plus que jamais, le monde dans lequel nous vivons a besoin d’individus plus ou moins éclairés et éclairant. 

L’heure n’est vraiment pas au repos.

Je terminerai ma planche par une citation d’Albert SCHWEITZER un médecin, prix Nobel de la paix et Alsacien, comme ma grand-mère…

Il dit :

Le véritable progrès de l’homme réside dans ce qu’il exige de lui-même, bien plus que dans ce qu’il exige des autres.

J’ai dit V.M

Chapitre 6 : les débuts publics de la maçonnerie française

Nouvelle histoire des Francs-maçons en France

Des origines à nos jours

Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018

Résumé

Chapitre 6 : les débuts publics de la maçonnerie française

Arrêtons-nous un instant sur l’histoire du Chevalier Ramsay. Celui-ci tint un discours en 1736 qui est devenu, au cours du dix-huitième siècle, une sorte de best-seller de la littérature maçonnique et a pu être considéré sinon comme le véritable programme intellectuel de toute la maçonnerie de son temps, du moins comme un témoignage précoce et autorisé sur l’esprit qui pouvait régner dans les loges parisiennes autour des années de 1730 à 1740. Lors de ce célèbre discours les thèmes récurrents qui ont occupé les travaux des maçons tout au long du siècle des lumières sont déjà présents : le cosmopolitisme, la tolérance, le gout des humanités, mais aussi les premiers mythes de l’histoire maçonnique qu’il s’agisse de la référence aux croisés ou de l’évocation des mystères antiques. Manifestement la jeune franc-maçonnerie française cherchait encore sa voix. Ainsi Ramsay à contribuer à poser les problématiques majeures que la maçonnerie de son temps s’efforcera de résoudre souvent dans le désordre et le fracas mais toujours dans la passion.

Quelles sont les sources écrites qui existent à cette époque pour connaitre la franc- maçonnerie dans cette France de Louis XV ? Paradoxalement c’est vers l’ordre public que nous devons nous tourner pour mieux la connaitre.

Entre les obsessions complotistes du vieux cardinal Fleury, précepteur puis ministre d’Etat du Roi, et l’abstention complice de l’entourage Royal il faut rappeler simplement que les sociétés particulières non approuvées par le roi étaient par principe illicites et donc interdites. Le Roi c’est-à-dire Louis XV avait déclaré, mais toujours selon la rumeur, que si l’on nommait un nouveau grand maître et qu’il était de ses sujets il lui trouverait une loge… mais à la Bastille. C’est également à cette époque qu’ont été divulgués les premiers usages maçonniques tout simplement à travers notamment les rapports de police. Que nous disent-ils ? On notera dès cette époque les 3 grands coups frappés à la porte de la loge par le candidat dont les yeux ont été bandés, le serment prêté sur l’évangile et le texte du serment lui-même. Il en va de même pour le tableau tracer sur le sol au centre de la loge qui sera considéré comme une caractéristique distinctive de la maçonnerie des modernes par rapport à celle des anciens. Il faudra aussi souligner la sobriété des voyages, qui seront de simples tours et qui ne sont accompagnés d’aucune épreuve ni assortis d’aucun commentaire. Dans le rituel on demandera solennellement au récipiendaire s’il a la vocation et on s’informera qu’il n’a rien contre la loi, ni contre la religion, ni contre le roi ni contre les bonnes mœurs. A la fin de la cérémonie le candidat ayant prêté son serment reçoit successivement et dans un même mouvement les mots, signes et attouchement des deux premiers grades. Quant à la mention finale des gants blancs si elle renvoie à un usage ancien pour les membres de la loge c’est bien à la France qu’on doit semble-il la coutume nouvelle d’en offrir aussi à la femme que l’on l’estime le plus. Soulignons enfin que c’est le seul type de rituel qu’on connaisse à cette époque autant en France qu’en Angleterre.

Cependant le 28 avril 1738 par la bulle in iminenti apostolatus specula, le pape Clément XII prononça une condamnation sans nuance de la franc-maçonnerie et condamna ipso facto tous catholiques à l’excommunication qui en ont été membres. Trois raisons dictent la vindicte vaticane. La première raison est que le texte de la bulle mentionne explicitement le secret. Pourquoi jurer de ne rien dire quand on est franc-maçon si l’on n’a rien de condamnable à cacher ? De plus le secret maçonnique mettait en cause le droit imprescriptible du prêtre à connaître tout ce qui se dissimulait dans l’âme du pécheur et qu’il devait confesser.

Pour la deuxième raison, encore plus importante, la condamnation était que le pape ne pouvait évidemment pas accepter qu’à l’exemple des francs-maçons je cite ‘’des hommes de toute religion et de toute secte affectant une apparence d’honnêteté naturelle se lient entre eux’’. En d’autres termes catholiques et protestants ne pouvaient pas vivre en bonne intelligence.

Enfin, et on a beaucoup glosé sur la 3 ème raison il s’agissait tout simplement des relations diplomatiques tendues qui s’était établi entre la cour de Rome et le Grand-Duché de Toscane. En Toscane effectivement et venant d’Angleterre les premières loges s’installèrent en Italie. Le père inquisiteur à Florence informa Rome que à peine nommé les nouveaux maîtres du Grand-Duché de Florence (dont le nouveau Duc était franc-maçon) avait annulé une vieille coutume selon laquelle à Florence lorsqu’elle avait besoin du bras séculier, l’inquisition pouvait directement requérir la force publique. Or on lui avait signifié que désormais le saint-office devait s’adresser d’abord à la juridiction civile qui agirait comme elle le souhaitait.

Pour en revenir à la France une bulle papale ne pouvait avoir force de loi sans la sanction du Parlement de Paris qui devait à cette fin l’enregistrer officiellement. Déjà de plus en plus timoré et négligeant pour obtenir de la police qu’elle mette réellement fin aux réunions fraternelles qui se multipliaient à vue d’œil partout en France, le pouvoir ne tenta même pas de demander l’enregistrement de la nouvelle bulle. Donc en droit strict, les catholiques français purent se considérer en toute bonne conscience comme exemptés de cette interdiction qui leur était théoriquement faite d’appartenir à la franc-maçonnerie. Il fallut attendre dix années donc en l’année 1748 pour que la condamnation de la Franc maçonnerie soit prononcée par la plus haute autorité théologique en France, c’est-à-dire la Sorbonne. Avec comme vous en doutez les résultats que nous connaissons.

Planche / “Liberté d’expression chérie”

“Liberté d’expression chérie”

En hommage à Charlie et tous les autres !

Faire une planche, oui mais sur quoi ? Vaste domaine, un sujet que je connais, que j’aime, qui me touche, bref je tourne en rond comme devant une page blanche qui s’allonge, alors que le choix s’offre à moi ! Et par rebonds successifs et d’actualités nous voilà 10 ans après … 10 ans après quoi ?

L’attentat contre le journal Charlie Hebdo ! Mais pas seulement, Charlie Hebdo est un symbole, symbole de nos Libertés !

Et comme dirait le Canard enchaîné “La liberté de la presse ne s’use que quand on ne sert pas !” et qu’on peut regretter parfois de ne pas avoir dit, comme quand l’on perd un être cher ! Donc vaut mieux une liberté qui gratte, qui insupporte ou que l’on ne sert pas que pas ou plus de liberté du tout !

Petites définitions essentielles : 

Le mot “caricatura” (du latin populaire “caricare” donne “charger”, “exagérer”, lui-même est issu du gaulois “carrus”, “char”), qui peut se définir par : une caricature est une représentation révélant des aspects déplaisants, risibles, accentuer, exagérer.

Education : instruire un enfant pour le rendre indépendant, responsable et libre de ses choix dans sa vie d’adulte. Humour : réflexions personnelles et parfois partagées sur le monde insolite voir absurde qui nous entoure et qui amène à voir la vie en souriant . Humour noir : idem mais en grinçant. Ironie : idem mais à l’envers. Sarcasme : idem mais un ton plus haut, donc plus bas ! 

Une courte histoire :

La liberté d’expression et la caricature ont une histoire aussi riche que complexe, marquée par des luttes sociales et sociétales, des évolutions culturelles et technologiques. Et des affrontements historiques, militaires, politiques et religieux que ce soit en France ou ailleurs. La période Antique, autour du bassin méditérannéen commence avec des dessins de portraits en Egypte ancienne, en Grèce sur des vases et du côté de Rome par des graffitis. Le pouvoir et les leaders en place découvrent l’autre côté de la pièce ou leurs visages y sont représentés. Au moyen-âge (500 à 1490), la discipline se poursuit plus discrètement, car elle est plus “encadrée” par le pouvoir royal et religieux. Mais des cathédrales en gardent quelques souvenirs ironiques si vous savez où lever la tête ainsi que les Grotesques, lettres en enluminures décoratives et fantaisistes. En 1317, le roman de Fauvel représente le roi Philippe le Bel par une tête d’âne, une critique ouverte de la corruption des puissants (roi et religieux) et en 1327, Umberto Eco et Jean-Jacques Annaud nous font frissonner dans une énigme ou le coupable selon les enquêteurs ou la police serait … la dérision ou son absence. La Renaissance (1400 à 1600) libère l’étaux, en 1450, l’imprimerie de Gutenberg fait son effet et se répand aussi vite que ses productions parallèles, 1470 elle arrive en France à la Sorbonne de Paris. Les guerres de Religion (1562 à 1598) passe aussi par une guerre des images et de la représentation des puissances adverses. C’est aussi la période des Grandes découvertes (à partir de 1400) où ces multitudes aventures sapent tant de principes verticaux établis. L’Ancien Régime (1589 à 1790) voit également continuer de se développer cette contre information du pouvoir en place, par le Protestantisme animé par Luther, qui s’autorise à réécrire les relations entre croyants et l’autorité papale. En Angleterre également, John Milton en 1644 avec son “Aeropagitica” qui défend la liberté de la presse. Et une pensée pour Molière, satire devenu éternel en seulement quelques années (1650 à 1670) et une vingtaine de pièces de théâtre. Le Siècle des Lumières (1700 à 1800), par ce grand mouvement philosophique ou se brasse les idées sociétales et connaissances scientifiques, continue de bousculer le religieux. Cette période marque l’ouverture au monde. De par ses nombreuses avancées philosophiques et découvertes scientifiques, les vérités supérieures et inamovibles établies vacillent.  La Révolution française (1789 à 1799) et Voltaire consacrent la liberté du “Tiers-État. Et on aurait même aperçu Marie-Antoinette en poule d’Autriche dans un journal. La liberté d’expression est inscrite à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) de 1789. Elle fait partie de nos droits fondamentaux.La caricature est un droit constitutionnel. 

Ce qui nous amène au 19eme siècle, pour certains l’âge d’or de la caricature, car la discipline se diffuse pour continuer de dénoncer les injustices sociales et politiques. Avec entre autres pour la France, le journal Charivari, ce quotidien puis hebdomadaire qui vécut une centaine d’années (1832 à 1937). Nombreux dessinateurs se révélèrent au public comme Charles Philipon (son fondateur), Nadar aussi connu comme photographe, Gustave Doré, Honoré Daumier et tant d’autres … Charivari a marqué les mémoires pour un procès célèbre, en 1831 le journal “La caricature” a croqué Louis-Philippe 1er par une poire, condamné mais resté dans l’éternité par sa défense et par la publication du jugement dans le journal Charivari en forme de … poire, elle-même interdite de représentation ! 

En 1881, est prononcée la loi dite sur la liberté de la presse et donc aussi de ses responsabilités, un cadre légal, c’est la suite de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Aux alentours de 1900, de nombreux journaux fleurissent, la carte postale fait aussi partie de la panoplie. On profite aussi de 1905 avec la Laïcité, où l’on sépare officiellement les églises de l’Etat, la satire se fait toujours plaisir !  Le 10 septembre 1915, “Le Canard enchaîné” est fondé, il subit de suite la censure militaire. Ses dessins nous accompagnent depuis toujours et chaque politique se voit ou c’est vu immortalisée par Cabu, Chappatte, Bouzard, Wozniak et tant d’autres, le Canard passe son centenaire haut la main. 1930 voit l’essor des Fanzines, parlant de tout et de rien entre passionnés.

Après la Seconde Guerre mondiale, la liberté d’expression est consacrée dans des textes comme la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), mais son application varie grandement selon les pays. La caricature devient un outil universel de la critique politique et sociale, mais souvent malheur a celui qui ne corrige pas son trait assez vite ! Mai 68, de part ses dessins au style épuré et une phrase courte, les slogans percutent directement et grave nos mémoires ! Le journal “bête et méchant” Hara-Kiri, accouché en 1960 par Cavanna et le professeur Choron, fait les délices des prétoires, puis Charlie Hebdo prend le relai.

Charlie hebdo : en 2011, incendie du siège dans le cadre de l’affaire des caricatures de Mahomet (publication de 12 caricatures en 2005 dans un journal danois) et en 2015 attentat par les frères Kouachi. Le site internet de Charlie Hebdo.

Par ce rappel historique, on voit que la caricature accompagne le développement de l’Humanité, de par son regard qui va de “légèrement acidulé” à “délicieusement acerbe”, elle abonde nos idées, nos réflexions qu’elles soient personnelles, collectives et publiques, nul ne peut se passer du tamis de la presse, de ses éditorialistes et de ses croqueurs du quotidien pour alimenter sa pensée critique, car il s’agit bien de cela, penser avec discernement, arguments et contre argumentations, pour affûter son esprit, on est libre de choisir son média, même les plus mauvais, et de faire de nous des femmes et hommes libres de … choisir. Je pense à l’émission “Culture Pub”. Qui n’a jamais rigolé en voyant une bonne publicité sur un produit du quotidien dans une situation qu’il l’est beaucoup moins ? Même si chaque culture à son humour et ses codes, le tronc commun est là, inamovible, comme une symbolique universelle qui nous touche tous. Et pourtant nous consommons tous les jours, nous construisons cette société de consommation mais avec un peu plus de discernement. Je pense que cette deuxième face qui nous entoure est indissociable à notre équilibre et à notre développement, tel un mouvement perpétuel qui s’alimente lui-même. 

Dans notre démocratie, le fait de publier une satire, permet de questionner toutes les idéologies dominantes voire absolues, également les croyances religieuses et les figures d’autorité. En se permettant de bousculer les tabous, les caricatures et dessins rappellent que personne ne doit être au-dessus de la critique.

Liberté oui mais aussi quelques devoirs, cette liberté engendre nécessairement des responsabilités, une juridiction existe pour cela. Mais restreindre ces dessins reviendrait à instaurer une forme de censure et à limiter la capacité de la presse à s’exprimer librement, encore qu’après 7 millions d’amendes et 35 réprimandes il est grand temps de fermer l’antenne. Idem pour la musique, théâtre, exposition, concert … lieux de liberté que certains par l’autocensure cherchent à instaurer, par des influences, pressions, menaces, poursuites abusives et agressions. 

De nos débats publics à nos discussions de comptoirs, ils créent de la réaction, ils nourrissent les échanges, parfois vifs, controversés ou sans écho, le trait juste fait toujours son chemin, comme l’eau qui coule de la source.  

Parfois quand le sujet est trop grave, conséquent, intime voire tabou. L’humour du crayon permet d’aborder le sujet avec plus de légèreté et de recul. Le sujet sera abordé mais permettra de désamorcer les réflexes et réactions trop hâtives. Également quand le sujet est complexe, inhabituel ou inconnu, prendre un peu de recul est nécessaire. Le pluralisme et la diversité des médias permettent d’y répondre, un dessin de presse étranger, anglo-saxon, africain permet de relativiser beaucoup de choses. Je pense aux Une du New Yorker, aux dessins du Courrier international et à l’association Cartooning for peace. 

Cet art délicat n’est pas inné, il s’acquiert, se travaille et donc il va de soit qu’il s’enseigne à l’école. Cela permet d’apprendre à décrypter l’actualité en général et les médias en particulier. Aussi cela stimule la créativité et l’humour, nous fait découvrir l’histoire de l’art et l’histoire du monde. Le fait de s’exprimer par des biais différents, exerce aux débats ainsi que ses engagements personnels, tel la plaidoirie de l’avocat défendant les libertés !  

Notre culture générale se forge tous les jours, nos avis et convictions aussi, tous les jours nous dosons nos envies de chambouler le système, mais quid de l’autre, le différent, le barbare du jour, mais ayant tout de même sa sensibilité propre. Encore plus, habitant une planète globalisée ou beaucoup trop de choses circulent instantanément. Les sujets ne manquent pas et les enfants engendrés par elle n’ont plus car la liberté d’expression, liberté fondamentale à fait naître et reconnaître la liberté d’opinion, la liberté de la presse, la liberté de manifestation et le droit de grève. Qu’il est heureux de s’apercevoir qu’un trait de plume sur une feuille vierge est pu et continuera de faire s’écouler la liberté, tel un ruissellement parfois douloureux ! 

Et il va nous en falloir une sacrée dose d’humour ou de dérision, de culture générale et de discernement dans cette nouvelle époque que nous franchissons. Politique et relations internationales se durcissent tous les jours, où réalité se mêlent d’informations alternatives afin que le monde corresponde à certains désirs insensés. Car ce nouveau continent informationnel est parsemé d’embûches, où voir est trompeur, vouloir comprendre devient confus, croire est à la fois savoir et raison, mais comme mon avis est plus liké que le tien, j’ai donc raison ! Les fondamentaux sont en péril car la Police de la pensée approche, la fameuse police du roman “1984” écrit en 1949 par George Orwell et sa Novlangue qui réécrit l’histoire passée en fonction du sujet du moment. 

Ce qu’on aime, ce qu’on envie, ce qu’on aime pas, ce qu’on déteste, interdire ce qu’on aime pas mais qu’est-ce qui va rester et qui choisit ! Interdire, donc nier l’idée, nier la personne, la faire disparaître ? L’autre dérange, l’autre est barbare, donc c’est la guerre !!!  Il ne va pas rester grand monde très rapidement … 

Monde étrange ou vouloir “porter la plume dans la plaie” peut s’avérer mortel, certains en voulant les faire taire en les tuant, les ont rendus iconiques, immortels. Il est étrange de tenir en main de simples papiers devenus de tels monuments historiques, le poids, le symbole créé se ressent !

Merci à Richard Malka pour sa plaidoirie publiée “Le droit d’emmerder Dieu!”.

Et pour finir, comme un petit dessin vaut mieux qu’un trop long discours, il n’est jamais trop tard pour se fendre … la poire 😉

j’ai dit. 

Chapitre 5 : les premiers francs-maçons en France

Nouvelle histoire des Francs-maçons en France

Des origines à nos jours

Par Alain Bauer et Roger Dachez édition Tallandier 2018

Résumé

Chapitre 5 : les premiers francs-maçons en France

Comme nous l’avons vu précédemment, à partir de 1689, après la défaite de la dynastie des Stuarts chasser du trône par la révolution de 1688, on estime que 40 000 à 50 000 jacobites, donc les perdants, immigrèrent vers la France dont une bonne moitié de militaires. On sait également que La Grande Loge d’Irlande qui nous est seulement apparu officiellement en 1725, fut la première à donner patente à des loges militaires. Par conséquent rien n’interdit de penser que des francs- maçons aient pu se trouver parmi les troupes qui vinrent en France à partir de 1690.

Qui étaient-ils ? Nous n’avons que peu de témoignages écrits et fiables mais seulement quelques parcours individuels plus ou moins véridiques qu’ils seraient trop long d’aborder ici. Ce que l’on sait à peu près cependant c’est qu’une loge appelée Saint-Thomas se réunissait à la taverne du louis d’argent. Composée environ de 25 Frères, dont 5 sont français seulement, ses membres étaient à peu près tous des aristocrates et des militaires. Aucun de ses membres n’a laissé de traces perceptibles dans l’histoire maçonnique française au cours de la décennie qui a suivi c’est-à-dire celle qui a vu la véritable structuration de la maçonnerie en France. Ce sont d’illustres inconnus comme des ombres qui passent écrivent les auteurs.

Pour en revenir à la loge Saint-thomas au Louis d’argent et selon une tradition peut être apocryphe (dont l’authenticité est douteuse) une nouvelle loge portant le même nom se serait créée en 1729 et se réunissait au même endroit et tout ce que l’on sait c’est qu’elle contacta la Grande Loge de Londres pour obtenir d’elle des patentes de constitution (reconnaissance officielle de la nouvelle loge par la grande loge) qui lui furent accordées en date du 3 avril 1732. Cette fois-ci nous avons des écrits. La loge au Louis d’argent vécu apparemment jusqu’à la mort de son vénérable maître fondateur un certain Lebreton disparu en 1767 et en 1769 on signala que cette Grande Loge est éteinte.

Il y a également encore 2 ou 3 loges de Paris dont la chronique nous a laissé les noms mais dont nous ne savons presque rien, pas même si elles ont réellement existé notamment Saint Martin et Saint-Pierre Saint-Paul toutes les deux supposées à avoir vu le jour en 1729.Il n’en subsiste à cette époque pas la moindre trace.

Jusqu’au début des années 1740 la franc-maçonnerie en France fut donc essentiellement parisienne ; les créations demeuraient rares en province et beaucoup furent d’abord sous obédience anglaise c’est-à-dire le plus souvent dîtes régulières. On peut du reste s’interroger sur l’importance qu’il faut accorder à leur effectivité souvent évanescente. Mais on peut supposer que ces loges furent avant tout des lieux de sociabilité au niveau social modeste quoique varié mais finalement assez équilibré. Certains personnages importants et influents qui les composent, même peu nombreux, cesseront tout au long du siècle de rehausser de leur prestige ces loges et on peut réellement s’interroger sur leur influence réelle. Peut-être virent ils surtout dans la maçonnerie un délassement de l’esprit qui ne devait surtout pas subvertir un ordre social auquel il demeurait particulièrement attaché.

La fondation parisienne de la maçonnerie en France apparaît au bout du compte comme le premier et finalement dernier pas d’une courte histoire.

Entre 1732 et 1744 se créent progressivement beaucoup de loges en province. On peut citer Dunkerque peut-être en 1721 ou Arras mais elle dès 1687 mais qui repose vraisemblablement sur un faux document. On parle également en 1735 d’une très ancienne qui aurait travaillé sur Metz. On a également une loge à Valenciennes. En fait les sources documentaires accessibles aujourd’hui sont peu nombreuses. Mais dès la fin des années 1730 il apparaît des loges à Marseille, au Mans, au Havre, à Dunkerque ou dans la région de Toulouse. Ensuite à l’assemblée générale de la Grande Loge en 1744, 20 loges de Paris étaient représentées ainsi que 19 de province et déjà 5 loges régimentaires. La maçonnerie était désormais bien présente à Nantes, Rouen, Caen, Rennes, La Rochelle, Albi, Carcassonne, Calais, Lille et même à Versailles et à Saint-Domingue. On le voit, à travers l’apparition de ces loges disséminées et sans unitées mais non sans lien, un modèle se met en place : celui d’une maçonnerie à la fois libre et autonome en vertu de l’attachement viscéral des hommes de l’ancien régime aux libertés locales toutefois ouverte aux informations venues de Londres, souvent soumises et encore soucieuse de sa reconnaissance. Ainsi allait s’élaborer, après une gestation silencieuse de plusieurs dizaines d’années, une version spécifique de la maçonnerie fortement adaptée à la culture et aux contraintes sociales, politiques et religieuses de la France catholique et absolutiste, mais travaillée par les faiblesses de la régence et l’incertitude d’un règne naissant aboutissement de la greffe imprévue d’une institution typiquement libérale protestante et britannique. A partir des années 1730 on peut compter entre 300 et 500 francs-maçons en France. Pour terminer je vous citerai 4 vers qui ont été reproduits dans presque toutes les divulgations maçonniques du milieu des années 1740, je cite :
Pour le public un franc maçon
Sera toujours un vrai problème
Qu’il ne saurait résoudre à fond
Qu’on devenant maçon lui-même.