Vénérable maître, et vous tous mes frères et mes sœurs en vos grades et qualités, un frère de mon atelier ayant 42 ans de franc-maçonnerie nous dit souvent que toute la franc-maçonnerie est comprise dans le rituel d’initiation du premier degré. Je pense que c’est très juste. Le cheminement maçonnique nous permettra de décortiquer et de comprendre l’expérience intime que nous avons vécu lors de notre initiation. Mais tout est déjà là ! L’aventure de l’initiation commence par le cabinet de réflexion. Déjà là, beaucoup de choses sont dévoilées à qui sait voir. C’est notre expérience de l’initiation qui nous permettra de comprendre cette expérience par un retour réflexif.
Peut-être même que nous apprenons des choses déjà dans notre plus tendre enfance qui vont nous servir lors de notre initiation. J’imagine que c’est le cas de cette fameuse chanson qu’est la souris verte qui courait dans l’herbe. Cette chanson ne nous donne ni plus ni moins que le secret de la pierre philosophale ! Cette pierre, qui est peut-être nous même, nous permettra de nous transmuter pour s’insérer dans l’édifice du temple que nous bâtissons.
Cette chanson, au combien alchimique, n’est pas facile à comprendre de prime abord. Il faut pour cela utiliser la langue des oiseaux qui nous aidera à décoder cette chanson. Et oui, nous transmettons aux enfants une chanson alchimique de génération en génération. La langue des oiseaux consiste à donner un sens autre à des mots ou à une phrase, soit par un jeu de sonorités, soit par des jeux de mots. L’orthographe n’est pas prise en compte.
Pourquoi l’appelle t’on la langue des oiseaux ? En fait, on utilise le mot oiseau car aucune de ces lettres n’est prononcé phonétiquement en français. Le o et le i forme le son WA, le s forme le son Z et les EAU forme le son O le x du pluriel ne se prononce pas. L’oiseau étant un volatile, on parle donc de langue volatile qui peut varier aux aléas des mots.
Prenons quelques exemples pour illustrer le propos : « la mort » deviendra « l’âme hors ». « La matière » donnera « l’âme à tiers ». Donc si l’âme est un tiers de la matière donc il y a deux autres tiers d’autre chose. En alchimie il y a 3 états : l’âme, l’esprit et la matière. « Secret » deviendra « se crée. » C’est peut-être cela le vrai secret de la franc-maçonnerie : celui de créer un humain meilleur et plus éclairé.
Il existe plein de chansons alchimiques. C’est un bon moyen pour faire passer des savoirs. La musique comprend 7 notes et des clés de portée. Il y a donc des clés pour ouvrir des portes qui mènent à quelque chose. On parle de gamme chromatique. Les clés auraient donc différentes couleurs et la musique serait les serrures à déverrouiller.
Je vous invite à ouvrir nos esprits curieux et amusons nous de jeux d’enfants pour percer le secret de cette chanson par diverses facettes.
Une souris verte qui courait dans l’herbe. Et bien ? Ça va être un peu difficile de la trouver cette souris ! Mais oui ! Une souris de couleur verte, qui court dans de l’herbe de couleur verte également. Comment trouver cette souris ? Elle est un peu cachée. N’y aurait-il pas là un message secret ? En alchimie, le vert est la couleur des choses cachés. Le mot vert peut donner également le mot de vertu. La vertu est une force morale avec laquelle l’être humain tend vers le bien.
Essayons de la décrypter : Une souris déjà « C’est quelque chose qui me fait un sourire » c’est donc une bonne nouvelle.
En alchimie, le projet est de combiner quatre éléments : le feu, la terre, l’eau et l’air pour en arriver à un cinquième : la quintessence. On pourrait dire que c’est l’essence de la quinte.
La souris verte se trouve à terre tout comme l’herbe. Donc nous trouvons le premier élément dont nous avons besoin : la terre.
Le second élément nous arrive très vite. Il s’agit du feu. Souri peut aussi donner le mot roussi. Il y a donc un feu caché dans cette souris verte. Il s’agit d’un feu doux qui couve à l’intérieur car il est justement caché. En alchimie, le four utilisé pour les expérimentations se nomme l’athanor. Le milieu de l’athanor ou se fait la réaction chimique prend la forme d’un œuf qui est alimenté par un feu doux. Ici, la souris n’est encore que fétus qui demandera à éclore plus tard lorsque la maturation sera accomplie.
Le vert est également la couleur de l’acide de fer. C’est un élément nécessaire dans la production opérative de la pierre philosophale. L’acide sulfurique lui est jaune. L’acide de cuivre lui est un acide sulfurique de couleur bleu. Il nous faudra combiner ces deux acides dans la réaction car le jaune mélangé au bleu donne du vert. Une fois l’acide de fer décomposé il nous restera du soufre et du mercure. Nous trouvons ces deux éléments dans le cabinet de réflexion.
Le vert est aussi couleur du printemps et donc du renouveau. Il nous indique une temporalité.
Pourquoi la souris court-elle dans l’herbe ? C’est pour nous montrer le troisième élément nécessaire. « Courait dans » devient « courant d’air ».
Continuons la chanson, « je l’attrape par la queue ». Il y a donc une substance laqueuse. Il s’agit ici de l’eau mercuriel. Mais on peut y voir aussi les maîtres queux, qui, par le passé, aiguisaient les couteaux de cuisine grâce à une pierre à affûter. Nous avons maintenant notre quatrième élément, l’eau.
La capacité d’attraper un objet caché qui se déplace très vite est aussi une preuve de dextérité. Cela démontre que l’alchimiste à de grandes compétences pour capturer quelque chose d’aussi fugace. C’est un chasseur expérimenté. Cela démontre que le travail qu’il faut faire sur soi pour pouvoir réussir cet exploit est important. Il nécessite beaucoup d’entraînement et n’est pas à la portée du premier venu. C’est une métaphore de l’initiation. Il faut oser frapper à la porte et avoir le courage de braver les interdictions. Une sentence du cabinet de réflexion nous dit « Si la curiosité t’a conduit ici va-t-en ! » Le courage du maçon est de braver cet interdit pour découvrir des savoirs cachés. C’est ainsi que le VITRIOL prend toute sa place : « Visite l’intérieur de la terre, en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. » une phrase alchimique dit « Tu trouveras la lumière même au cœur des ténèbres » et se rapproche fortement de cette logique.
Je la montre à ces messieurs. Il faut lire « messieurs » en deux mots : mes cieux. Donc je la montre au ciel et donc je l’expose à la lumière. Y a t’il une source de lumière dans le cabinet de réflexion ? Il y a effectivement une bougie pour nous éclairer et permet d’écrire notre testament philosophique mais est-ce la seule source de lumière qui pourrait venir du ciel ? En réalité, cette source de lumière va arriver très prochainement. Le coq nous annonce que la lumière va arriver bientôt. Cette nouvelle source de lumière transpercera la pierre brute qui est en nous pour nous aider à la dégrossir.
En alchimie, trois étapes de travail vont nous permettre d’arriver à la Pierre Philosophale. Première étape, l’œuvre au noir qui permet la décomposition de la matière, la seconde est l’œuvre au blanc qui va permettre la purification et recomposition de la matière. La troisième, l’œuvre au rouge va faire entrer la lumière dans la matière.
« Ces messieurs me disent trempez là dans l’huile ». L’huile étant l’association du soufre et du mercure que l’on trouve dans le cabinet de réflexion. Nous sommes donc ici dans l’œuvre au noir qui permet de décomposer la matière. L’huile est un alcool de plante. C’est un spiritueux qui contient donc l’esprit de la plante. Lorsqu’on extrait l’huile de la plante, le résidu restant est le sel que l’on trouve aussi dans notre cabinet de réflexion. « Tremper là dans l’eau ». Donc l’eau mercuriel.
On remarque que l’expression « Ses messieurs » et « tremper là » sont utilisés à deux reprises dans la phrase. Il s’agit d’un effet miroir. Le miroir permet de réfléchir à notre reflet. Si on réfléchit, on obtiendra la connaissance et l’abondance. C’est donc en passant de l’autre côté du miroir que l’on peut voir la vérité et comprendre mieux cette chanson. L’utilisation à deux reprises de « Ses messieurs » permet de combiner la lumière de la lune et celle du soleil en l’exposant aux deux.
L’alchimie nous propose quatre éléments mais également deux natures. Ces deux natures sont le féminin et le masculin. On peut transmuter une nature dans une autre en passant de l’autre côté du miroir où tout est inversé. Ainsi, le « là » de « trempez là » peut devenir masculin. Le « là » ou le « le » signifie l’unité donc un. En appliquant la langue des oiseaux sur « tremper un » on obtient le mot « impétrant ». Il faut donc attrapé l’impétrant et le purifier se qui nous amène à l’œuvre au blanc. Cette purification se fera lors des différents voyages.
Le passage du féminin au masculin se voit aussi dans la phase : « Ça fera un escargot ». On est passé du féminin du mot souris au masculin du mot escargot. Cette transition est d’autant plus facile que l’escargot est un animal hermaphrodite.
« ça fera un » peut aussi devenir le mot séraphin. Dans la mythologie chrétienne, les séraphins sont des anges qui ont trois paires d’ailes flamboyantes. Ils possèdent donc six ailes rouges de feu. Leur arme est d’ailleurs l’épée flamboyante qui est posée sur le plateau du vénérable maître. Étymologiquement parlant, le séraphin est un serpent « brûlant » du désert, il a une vertu purificatrice. Les séraphins sont des créatures importantes dans les cieux, ce sont les anges les plus élevés dans la hiérarchie céleste. Dans l’ancien testament on trouve la phrase suivante « Des séraphins se tenaient au-dessus de lui » lui voulant désigner dieu ici. Delà à dire que la croyance chrétienne est polythéiste avec des anges étant hiérarchiquement au-dessus de dieu, il n’y à qu’un pas. Le séraphin à pour fonction d’ouvrir la matière grâce à son épée flamboyante pour en faire jaillir la lumière. On peut voir ainsi une troisième source de lumière dans le cabinet de réflexion. Récapitulons, la première source de lumière est la bougie, la seconde est annoncée par le coq et la troisième est la pierre philosophale qui est en nous et qui pourra éclore en dégrossissant les aspérités autour. Le Séraphin représente donc l’œuvre au rouge.
La fin de la chanson nous parle d’un « escargot tout chaud ». Un escarre est une lésion cutanée souvent due à une brûlure de la chaire. Et le son “got” d’escargot ou plutôt le gat en ancien français est le nom d’une pierre. l’escarre permet l’ouverture de la pierre pour trouver les secrets à l’intérieur. Finalement on obtient une pierre brûlante. Les alchimistes l’appellent : « Pierre Philosophale. »
A quel moment doit-on concevoir la pierre philosophale ? La chanson va nous donner des indications de temporalité. On sait déjà par la couleur verte qu’il faut la concevoir au printemps. On découvre aussi à quel moment de la journée il faut récolter la pierre brute. Si j’attrape une souris verte laqueuse, cela veut dire que l’herbe est humide. Le moment de la journée où l’herbe est humide est l’aurore qui est le moment de la rosée. La rosée est très particulière en alchimie. Car c’est une eau qui est portée par l’air et qui tombe sur la terre. C’est en plus une eau qui contient du feu car elle vient du même endroit où est issu la lumière donc du feu. Dans le mot aurore il y a le mot or qui donne le mot orient.
Le grand œuvre ou opéra est donc accompli. Nous avons combiné le soufre qui représente l’âme avec le mercure qui représente l’esprit grâce au sel qui représente le corps. Le sel est le catalyseur permettant la transmutation.
La légende veut que la pierre philosophale permet de transmuter la matière pour par exemple transmuter les vils métaux en or. Elle permettrait aussi de guérir toutes les maladies. Ce serait donc la panacée.
Mais le mot «or » peut aussi se décomposer comme eau et air. On traduit cela par le passage de la matière que représente l’équerre par l’esprit que représente le compas. La pierre philosophale est donc la capacité de se transmuter soit même en quelque chose de meilleur.
Voilà pourquoi on chante cette ballade aux enfants. Les enfants pourront se transmuter en adulte. Avec l’aide de cette recette, ils pourront créer leur propre pierre philosophale et ainsi transmuter notre monde. Ils pourront créer un monde de tolérance, un monde meilleur et plus éclairé.
Vénérable Maître, j’ai dit.