Planche / 5 minutes de symbolisme sur … la confiance

Vénérable Maître et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualités,

Fraternité, bienveillance, solidarité, partage, tolérance… mais aussi équité, probité, altruisme… Je pourrais encore et encore égrener tant de mots que nous entendons régulièrement durant nos travaux et qui représentent bien nos valeurs maçonniques. Nul ne peut en douter !

Toutefois, il y a un mot que nous entendons plus rarement dans le temple et qui pourtant – me semble-t-il – représente à l’évidence une des premières qualités d’un franc-maçon. Sans cette valeur – car c’en est une – il serait bien difficile de concevoir l’existence même des relations humaines.

Pire encore, sans elle, on ne pourrait même pas envisager l’avenir et chercher à bâtir des projets qui se développent dans le temps. Le principe même de vie sociale serait remis en cause. L’étymologie latine de ce mot signifie qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance ou à sa bonne foi. Cette origine souligne aussi les liens étroits qui existent avec l’espoir, la croyance et l’optimisme.

Sans cette valeur, bien difficile d’être bienveillant ou tolérant, bien compliqué de faire preuve de fraternité… pourquoi parlons-nous si peu de ce pilier du comportement humain, de l’ouverture sur les autres et même de la transmission ?  Bref, comme vous l’avez sans doute déjà deviné, ce soir je consacre les « 5 mn de symbolisme » à la Confiance.

Je laisse de côté les sujets qui fâchent, surtout en ce moment, comme la confiance en la démocratie, ou la confiance dans nos institutions, de même que la grande question philosophique de la confiance en soi, plus un sujet de planche que des « 5mn de symbolisme ».

Je préfère, vous vous en doutez, m’attacher à la confiance en l’autre.

Curieux phénomène, chimique, intuitif, psychologique… que le sentiment de confiance. Force à la fois discrète et mystérieuse qui va nous amener parfois naturellement et dans l’immédiateté, à faire confiance à autrui.

Ce sentiment est sans doute l’un des plus volatils, de ceux qui font le plus défaut de nos jours. D’ailleurs, une des premières raisons de l’accroissement actuel de l’intolérance, et du repli sur soi dans la vie profane, vient justement du manque de confiance qui règne entre les Hommes. Mais il est vrai aussi que cette confiance que l’on accorde la main sur le cœur a parfois un goût amer, elle peut se transformer à force de déception et de trahison en attitude de défiance paralysante, antichambre de la peur. Car les promesses non tenues finissent par engendrer la crainte et la méfiance, y compris parfois dans nos propres temples.

A de rares exceptions, dans la vie profane, la confiance en l’autre ne se décrète pas, mais se construit avec le temps. Comme le disait Jean-Paul Sartre : la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres. Elle demande loyauté et honnêteté de l’autre, mais aussi foi en l’autre. Pour autant, il n’existe pas de formule magique par laquelle on peut octroyer notre confiance sans prendre le risque de se fourvoyer.

Il faut être patient et donner au temps tout le temps qui lui est nécessaire pour que la confiance puisse s’installer, se développer et surtout se maintenir.

A l’inverse, ce lent processus du temps semble bien différent en Franc-Maçonnerie, du moins au début de notre parcours.

Prenons l’exemple de l’initiation, il nous a bien fallu avant tout faire confiance d’emblée et rendre notre esprit disponible. Questionné, confronté parfois à nos contradictions, mis à nu, que n’avons-nous pas ressenti lors du passage sous le bandeau ou face aux enquêteurs ? Ont-ils vraiment apaisé nos craintes ? J’en doute. Pas plus eux, que ce que les livres, les conférences ou Internet ont pu nous apprendre, ne nous a vraiment rassuré.

Et pourtant, nous avons persisté et accepté de franchir la barrière de l’inconnu, sans garantie aucune, tout simplement parce que nous avons fait confiance à des voix anonymes et à d’autres Hommes différents de nous, même si nous savions qu’ils partageaient la même quête.

Avoir confiance, c’est aussi faire preuve d’humilité. Ces deux qualités sont indissociables. Il ne peut en effet y avoir de vraie confiance sans réelle humilité, c’est-à-dire sans une authentique remise en question de ses habitudes et des différents éléments de notre vie quotidienne qui procurent ce soi-disant sentiment de sécurité. Accepter de ne pas savoir, reconnaître que la découverte mérite plus que la certitude. Là est sans doute le premier pas vers un peu plus de tolérance. Accepter sans rien en retour, face à un environnement inconnu, de se confier corps et âme à autrui.

Regardez mes Frères et mes Sœurs, quand dans la chaîne d’union nos mains se serrent, que nos cœurs battent, que nos yeux se ferment, la confiance nous envahit, nulle peur, nulle crainte n’a sa place. Nous ressentons cette énergie nouvelle que nous sommes venus chercher en loge.

Dans ce monde incertain, où nous avons parfois du mal à tracer notre chemin, faire confiance, finalement, c’est parier sur la capacité de l’Homme à devenir meilleur et à nous enrichir de sa différence. N’est-ce pas, finalement ce pourquoi nous sommes ici ?

Christian Bobin, Frère poète et philosophe français l’écrivait à sa manière : La confiance est la matière première de celui qui regarde : c’est en elle que grandit la lumière. La confiance est la capacité enfantine d’aller vers celui que l’on ne connaît pas comme si on le reconnaissait.

J’ai dit.

Planche lue le vendredi 29 septembre 2023.