Planche / 5 minutes de symbolisme sur la lecture

Vénérable Maître et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualités.

Chacun s’accorde à reconnaitre que pour faire preuve de bienveillance, il est toutefois nécessaire d’avoir un minimum d’empathie. Comprendre les émotions de l’autre, ainsi que sa manière de vivre une situation, est le premier chemin pour éviter ou – limiter à minima – les conflits relationnels. L’actualité nous montre une fois de plus l’urgence de cultiver et même de développer notre capacité à voir les choses du point de vue d’autrui, plutôt qu’en permanence du nôtre.

Mais l’empathie n’est pas un sentiment inné, elle relève bien évidemment de la sensibilité de chacun. Des recherches semblent démontrer d’ailleurs que les femmes seraient légèrement plus empathiques que les hommes. Ses mêmes recherches laissent à penser que la génétique peut parfois jouer un rôle. Il n’en demeure pas moins vrai que l’empathie doit se construire dès notre prime jeunesse. En ce sens, l’éducation et les diverses expériences de vie sont de bons vecteurs. Mais est-ce suffisant ? Probablement pas, au vue des conflits relationnels d’aujourd’hui : au-sein des familles, entre voisins, dans l’entreprise, en politique et ce qui est encore plus grave, vu les conséquences dramatiques que cela engendre, entre les Etats ou pire encore entre les Religions.

Mes Frères et mes Sœurs, vous allez me dire à juste titre, que tout cela nous dépasse largement. Oui et non. Car il existe une activité simple, naturelle, qui était largement pratiquée jadis, et qui est tombée en désuétude peu à peu. Sans doute la seule activité où l’on peut se mettre totalement à la place de l’autre. Si bien le comprendre que l’on s’approprie sa personnalité, sa façon de penser, on s’identifie à cet autre qui nous devient ainsi familier.

Il s’agit tout simplement de la lecture. Et si on redonnait enfin au livre, le premier rôle dans l’histoire de notre éducation ? Et je dis bien au livre, le livre ! Car chacun, petit et grand, lit au quotidien, des « posts » sur les réseaux sociaux, les bandeaux en continu des chaines d’infos, les « blogs » d’influenceurs, des commentaires sur tout et rien, parfois quelques mangas, que sais- je encore ? Mais tous les contenus ne se valent pas et l’image ne remplacera jamais le texte. Car se sont d’abord les mots qui créent la situation, l’histoire et l’aventure qui va peu à peu nous emmener en voyage. Bien sûr, cela ne veut pas dire que ces contenus sont sans intérêt et doivent être bannis, mais ils sont insuffisants pour une construction équilibrée de notre personnalité.

Souvenons-nous des romans de la bibliothèque rose ou verte, des épopées magnifiques d’Alexandre Dumas, de Jules Verne ou de Paul Féval, de la série « Contes et légendes » publiée chez Nathan que nous dévorions avec avidité, parfois effroi, mais toujours avec plaisir et bonheur. Ces personnages au caractère complexe auxquels on s’identifiait, ont eu des effets positifs sur la construction de nos aptitudes sociales, et de notre intelligence relationnelle. Il n’est plus à démontrer que la lecture nourrit nos émotions, notre imaginaire et notre créativité, elle construit notre avenir, tout en prenant en compte les conséquences que peuvent avoir nos actes sur les autres.

L’équation est simple : peu ou pas de lecture, ce n’est donc pas assez de vocabulaire pour comprendre le sens des mots. Même si le mot nous est inconnu, le contexte peut nous permettre de le comprendre et c’est comme cela que l’on développe son champ lexical. Les mots ont le pouvoir de mettre en mouvement notre pensée et notre imagination, ce sont les piliers de toute communication. Difficile sans eux de discuter, d’argumenter, d’expliquer, d’échanger, de transmettre …

Ainsi démuni, l’Homme n’a plus qu’une issue pour se faire écouter et imposer son avis qu’il juge forcément juste, la violence verbale ou pire encore l’action physique. Combien de conflits entre individus auraient pu être désamorcer avec sans doute un peu plus de mots ? L’importance des livres et leur puissance est bien connue, n’ont-ils pas toujours été une des premières cibles des dictateurs ?

Les enquêtes les plus récentes montrent un effondrement de la lecture dans les pays occidentaux, en particulier chez les jeunes (enfants et adolescents). D’autres études précisent que plus de 50% des collégiens ne lisent que s’ils y sont obligés et que 30% d’entre eux affirment que lire ne sert à rien. J’ai lu récemment un article dans un hebdomadaire sur les loisirs « post covid » des familles en France, la lecture n’y apparait pas. Pire encore, le journaliste concluait son article en indiquant qu’aujourd’hui, il n’était plus indispensable de lire pour engranger des connaissances puisque l’on pouvait s’en remettre facilement à Google et demain à Chat GPT ?

Peu importe notre âge, nos moyens ou notre situation, la lecture, au-delà de nous procurer du plaisir, est le meilleur des élixirs qui existe pour nous aider à vivre avec un peu plus de sagesse et de bonté, et surtout à reconnaître l’autre en lui laissant une place à côté de soi. N’est-ce pas la meilleure définition de l’empathie ?

Serge Joncour, poète humaniste, nouvelliste, scénariste et romancier, biberonné aux romans de Jules Verne, Queneau et Céline, résume tout cela en une phrase : « Lire, c’est voir le monde par mille regards, c’est toucher l’autre dans son essentiel secret, c’est la réponse providentielle à ce grand défaut que l’on a tous de n’être que soi. »

J’ai dit

« Réparer la République » Conférence à suivre en ligne en mémoire de Samuel Paty

Conférence publique en mémoire de Samuel Paty, organisée par le Collectif Laïque National lundi 16 octobre 2023 20h à Paris.

L’évènement étant complet, suivez-le en direct sur la chaîne Youtube du Grand Orient de France : www.youtube.com/GrandOrientdeFranceOfficiel

Envoyez vos questions par SMS au 06.75.21.49.66

Avec les intervenants : Catherine KINTZLER, philosophe

1ere table ronde > Liberté d’enseigner : Alain SEKSIG, membre du Conseil des Sages de la laïcité, Eddy KHALDI, président de la Fédération des DDEN (Délégué Départemental de l’Éducation Nationale), Benoît KERMOAL, enseignant et Damien BOUSSARD, enseignant

2eme table ronde > Liberté d’expression : Sophia ARAM, humoriste, comédienne, chroniqueuse, Yaël GOOSZ, journaliste à France Inter, Hadrien BRACHET, journaliste à Marianne

Et en présence de Guillaume TRICHARD Grand Maître du Grand Orient de France

Plus d’informations sur la conférence à suivre en ligne

Cérémonie en hommage à Samuel PATY

Cérémonie en hommage à Samuel PATY lundi 16 octobre 2023 à 11h au Square Samuel PATY (75005 PARIS).

Plus d’informations sur l’hommage à Samuel Paty

Planche / 5 minutes de symbolisme sur … la confiance

Vénérable Maître et vous tous mes Frères et mes Sœurs en vos grades et qualités,

Fraternité, bienveillance, solidarité, partage, tolérance… mais aussi équité, probité, altruisme… Je pourrais encore et encore égrener tant de mots que nous entendons régulièrement durant nos travaux et qui représentent bien nos valeurs maçonniques. Nul ne peut en douter !

Toutefois, il y a un mot que nous entendons plus rarement dans le temple et qui pourtant – me semble-t-il – représente à l’évidence une des premières qualités d’un franc-maçon. Sans cette valeur – car c’en est une – il serait bien difficile de concevoir l’existence même des relations humaines.

Pire encore, sans elle, on ne pourrait même pas envisager l’avenir et chercher à bâtir des projets qui se développent dans le temps. Le principe même de vie sociale serait remis en cause. L’étymologie latine de ce mot signifie qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance ou à sa bonne foi. Cette origine souligne aussi les liens étroits qui existent avec l’espoir, la croyance et l’optimisme.

Sans cette valeur, bien difficile d’être bienveillant ou tolérant, bien compliqué de faire preuve de fraternité… pourquoi parlons-nous si peu de ce pilier du comportement humain, de l’ouverture sur les autres et même de la transmission ?  Bref, comme vous l’avez sans doute déjà deviné, ce soir je consacre les « 5 mn de symbolisme » à la Confiance.

Je laisse de côté les sujets qui fâchent, surtout en ce moment, comme la confiance en la démocratie, ou la confiance dans nos institutions, de même que la grande question philosophique de la confiance en soi, plus un sujet de planche que des « 5mn de symbolisme ».

Je préfère, vous vous en doutez, m’attacher à la confiance en l’autre.

Curieux phénomène, chimique, intuitif, psychologique… que le sentiment de confiance. Force à la fois discrète et mystérieuse qui va nous amener parfois naturellement et dans l’immédiateté, à faire confiance à autrui.

Ce sentiment est sans doute l’un des plus volatils, de ceux qui font le plus défaut de nos jours. D’ailleurs, une des premières raisons de l’accroissement actuel de l’intolérance, et du repli sur soi dans la vie profane, vient justement du manque de confiance qui règne entre les Hommes. Mais il est vrai aussi que cette confiance que l’on accorde la main sur le cœur a parfois un goût amer, elle peut se transformer à force de déception et de trahison en attitude de défiance paralysante, antichambre de la peur. Car les promesses non tenues finissent par engendrer la crainte et la méfiance, y compris parfois dans nos propres temples.

A de rares exceptions, dans la vie profane, la confiance en l’autre ne se décrète pas, mais se construit avec le temps. Comme le disait Jean-Paul Sartre : la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres. Elle demande loyauté et honnêteté de l’autre, mais aussi foi en l’autre. Pour autant, il n’existe pas de formule magique par laquelle on peut octroyer notre confiance sans prendre le risque de se fourvoyer.

Il faut être patient et donner au temps tout le temps qui lui est nécessaire pour que la confiance puisse s’installer, se développer et surtout se maintenir.

A l’inverse, ce lent processus du temps semble bien différent en Franc-Maçonnerie, du moins au début de notre parcours.

Prenons l’exemple de l’initiation, il nous a bien fallu avant tout faire confiance d’emblée et rendre notre esprit disponible. Questionné, confronté parfois à nos contradictions, mis à nu, que n’avons-nous pas ressenti lors du passage sous le bandeau ou face aux enquêteurs ? Ont-ils vraiment apaisé nos craintes ? J’en doute. Pas plus eux, que ce que les livres, les conférences ou Internet ont pu nous apprendre, ne nous a vraiment rassuré.

Et pourtant, nous avons persisté et accepté de franchir la barrière de l’inconnu, sans garantie aucune, tout simplement parce que nous avons fait confiance à des voix anonymes et à d’autres Hommes différents de nous, même si nous savions qu’ils partageaient la même quête.

Avoir confiance, c’est aussi faire preuve d’humilité. Ces deux qualités sont indissociables. Il ne peut en effet y avoir de vraie confiance sans réelle humilité, c’est-à-dire sans une authentique remise en question de ses habitudes et des différents éléments de notre vie quotidienne qui procurent ce soi-disant sentiment de sécurité. Accepter de ne pas savoir, reconnaître que la découverte mérite plus que la certitude. Là est sans doute le premier pas vers un peu plus de tolérance. Accepter sans rien en retour, face à un environnement inconnu, de se confier corps et âme à autrui.

Regardez mes Frères et mes Sœurs, quand dans la chaîne d’union nos mains se serrent, que nos cœurs battent, que nos yeux se ferment, la confiance nous envahit, nulle peur, nulle crainte n’a sa place. Nous ressentons cette énergie nouvelle que nous sommes venus chercher en loge.

Dans ce monde incertain, où nous avons parfois du mal à tracer notre chemin, faire confiance, finalement, c’est parier sur la capacité de l’Homme à devenir meilleur et à nous enrichir de sa différence. N’est-ce pas, finalement ce pourquoi nous sommes ici ?

Christian Bobin, Frère poète et philosophe français l’écrivait à sa manière : La confiance est la matière première de celui qui regarde : c’est en elle que grandit la lumière. La confiance est la capacité enfantine d’aller vers celui que l’on ne connaît pas comme si on le reconnaissait.

J’ai dit.

Planche lue le vendredi 29 septembre 2023.

Planche / 5 minutes de symbolisme sur la voûte étoilée

Nous vous proposons de lever votre tête et d’observer notre belle voûte étoilée… ah oui, c’est vrai, nous n’en avons pas. Mais, ne nous arrêtons pas à si peu, elle reste symboliquement là.

Scientifiquement, les étoiles sont la vision du passé de notre Univers. Cette voûte étoilée nous englobe. Elle n’a pas de date précise, elle est universelle car même le monde profane la voit. Si loin, si près, son inaccessibilité la rend fascinante. Elle nous questionne sur notre place. Elle est un mystère à part entière et nous offre l’étendue infinie qui nous reste à découvrir. Nous prenons conscience de notre modeste place au sein de l’Univers.

Savons-nous seulement depuis quand elle est présente avec ses myriades d’étoiles, d’astres et de planètes dont les mouvements constants influent et impactent très probablement notre avenir ?

Pouvons-nous seulement l’imaginer ? Parce que le ciel étoilé, comme la voûte du temple, nous relie les uns aux autres, toujours avec la même intensité et la même stabilité. Son mouvement est immuable ; son intemporalité aussi. Que pensaient les premiers hommes lorsqu’ils regardaient le ciel ? Etaient-ils rassurés ? Quels symboles y voyaient-ils ? Existe-t-il un message et serions-nous en capacité de le percevoir ?

L’évolution de notre savoir nous permet aujourd’hui de comprendre que l’impalpable est susceptible d’exister. Cet impalpable serait-il donc le fruit de notre connaissance ?  En fait, nous devons accepter de ne pas avoir toutes les réponses.

Certes, la voûte étoilée n’a pas de fin par notre regard, même au travers du télescope de dernière génération.  Elle pourrait ainsi nous prouver à quel point la Connaissance n’a pas de limite.  En tant que franc-maçon, cela nous oblige à concevoir la progression par le travail. Ce travail sur la construction de notre temple intérieur avec cette Lumière conjointe de nos Frères et de nos Sœurs. 

Comme le Temple, la présence perpétuelle de la voûte étoilée est là pour nous rassurer et nous sécuriser. A bien y réfléchir, serait-ce donc cela que l’on nomme ataraxie (ou sérénité) et qui nous apaise de par sa force et son énergie ?

On peut voir aussi dans la voute étoilée le symbole de la représentation de toutes les loges du monde, chaque étoile symbolisant une loge allumée, une loge au travail. Il est toujours midi ou minuit quelque part, une loge s’ouvre, une autre s’éteint. Cela nous évoque ainsi la fin des travaux, lorsque nous rentrons contents car nous en en avons retiré profit et joie. Elle représente le clair et l’obscur. Après la lumière de la loge, quand on lève la tête vers le ciel parfois sombre et semblant vide : il nous faut apprendre à voir les mouvements lents et imperceptibles de la course délicate et subtile des étoiles pas toujours visibles.  

Ne soyons pas impatients. Le noir qui entoure la voûte nous rend plus humble, nous oblige à prendre notre temps pour nous habituer à la faible lumière des étoiles, afin que nous puissions, petit à petit, les découvrir.

Monde profane, franc-maçonnerie, peu importe, la voûte étoilée et ses représentations sont partagées par l’ensemble de l’Humanité, auxquels se rattachent tant de croyances différentes, symboles des dieux pour les uns ou de puissance supérieure et spirituelle pour les autres.  On la voit chaque jour (enfin chaque nuit plutôt) et pour nous Francs-Maçons, à chaque tenue.

Autre point de convergence : nous tous serions des poussières d’étoiles (dixit Hubert Reeves). Nous serions donc reliés à l’univers, créé avec lui, au milieu de lui. Le Temple dans sa symbolique devient ainsi la représentation de cet Univers, où chaque maçon brille comme un astre, par son travail et son assiduité.

C’est bien là le sens de notre propos : la voûte étoilée était là bien avant nous et le sera vraisemblablement bien après.  Elle transmet une sorte de constance, de tranquillité, de sérénité, quelque chose d’éternel. Elle fait partie de notre vie, de manière consciente ou inconsciente, et là, elle apparaît dans le Temple. Elle devient ce lien avec tous, présent, passé et surtout avenir, et reste un des premiers symboles.  Si nous sommes tous égaux, il est indéniable que nous faisons partie d’un tout, ce tout porté par la voûte étoilée qui garde en mémoire ceux qui sont passés avant nous, et ceux qui passeront après nous, telle est l’histoire de l’Humanité.

Alors, quid de ceux qui nous ont quitté ? La voûte étoilée nous offre le message de notre éternité parmi les nôtres. Dans le Temple, la Lumière des Frères et des Sœurs disparus brille encore. Leur travail dans la loge n’a pas été vain. Leur présence rayonne avec la même intensité.  Ainsi la transmission nous offre la possibilité d’évoluer. C’est la pierre à l’édifice comme on dit, pour construire ensemble les valeurs qui nous unissent : on apporte sa pierre infinitésimale à un édifice qui est bien plus grand que soi.

Puisque la transmission de la tradition reste inchangée, elle permet aux Frères et aux Sœurs de progresser, entrainés par la volonté du travail à accomplir. L’évolution des uns entraine les autres inexorablement. 

Le travail du maçon autour de l’apprentissage et de la connaissance apporte des perspectives sur un avenir commun. Chacun doit donc œuvrer pour le bien-être de l’autre et par extension pour celui de l’Humanité.  Sous la voûte, l’interrogation perpétuelle de notre devenir reste une question essentielle et collective. 

Pour conclure, comme le dit Hermès Trismégiste dans la Table d’Emeraude : « Tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas pour accomplir les miracles d’une seule chose… »

J’ai dit

Note : La Table d’émeraude est un des textes les plus célèbres de la littérature alchimique et hermétique. C’est un texte très court, composé d’une douzaine de formules allégoriques et obscures.

Selon la légende, elle présente l’enseignement d’Hermès Trismégiste, fondateur mythique de l’alchimie, et aurait été retrouvée dans son tombeau, gravée sur une tablette d’émeraude.

Planche lue le vendredi 15 septembre 2023

A la découverte des mystères de la Franc-Maçonnerie avec les Journées Européennes du Patrimoine 2023

Les Journées européennes du patrimoine sont une occasion unique de plonger dans l’histoire riche et complexe de notre continent, de découvrir les trésors cachés qui racontent notre passé. Parmi ces trésors, il en est un qui se distingue par son mystère et sa profondeur : la franc-maçonnerie.

La franc-maçonnerie est bien plus qu’une simple organisation fraternelle. Elle est un véritable patrimoine culturel, spirituel et philosophique qui a traversé les siècles, influençant la pensée, l’art, et la société. En ouvrant les portes des loges maçonniques lors des Journées européennes du patrimoine, nous avons l’opportunité de plonger dans un monde empreint de symbolisme, de rituels et de valeurs intemporelles.

Tout d’abord, la franc-maçonnerie est un creuset de réflexion philosophique et éthique. À travers ses symboles et ses enseignements, elle encourage la quête de la connaissance, de la vérité, et de l’amélioration de soi. Les maçons s’engagent à cultiver les vertus de la tolérance, de la fraternité, et de la bienveillance envers autrui. Ces valeurs sont essentielles pour comprendre et préserver l’héritage culturel européen, basé sur la diversité et le respect mutuel.

Ensuite, la franc-maçonnerie a joué un rôle clé dans l’histoire politique et sociale de l’Europe. De nombreux philosophes, écrivains, et révolutionnaires des Lumières étaient des maçons, et ils ont contribué à façonner les idéaux de liberté, d’égalité, et de fraternité qui ont inspiré les révolutions et les mouvements de libération à travers le continent. En explorant les archives et les temples maçonniques, nous pouvons mieux comprendre comment ces idées ont émergé et évolué au fil du temps.

De plus, la franc-maçonnerie a été un bastion de la culture et de l’art européens. De nombreux artistes, écrivains, et compositeurs ont trouvé inspiration et soutien au sein de la fraternité maçonnique. Des œuvres majeures de la littérature, de la musique, et de l’architecture ont été influencées par les symboles et les idéaux maçonniques. Les Journées européennes du patrimoine offrent ainsi une opportunité exceptionnelle de découvrir les liens entre la franc-maçonnerie et l’expression artistique européenne.

Enfin, la franc-maçonnerie est un exemple fascinant de la manière dont les traditions et les rituels peuvent se perpétuer à travers les générations. En participant à une visite guidée d’une loge maçonnique ou en écoutant les récits des maçons, vous pourrez vous immerger dans un monde mystérieux et captivant, tout en découvrant comment cette tradition a évolué au fil du temps.

En somme, la franc-maçonnerie est un trésor caché du patrimoine européen qui mérite d’être exploré lors des Journées européennes du patrimoine. Elle nous invite à réfléchir sur les questions fondamentales de la vie, de la société, et de la culture, tout en célébrant l’héritage riche et diversifié de notre continent. Alors, ouvrez les portes de la franc-maçonnerie et laissez-vous emporter par cette aventure intellectuelle et spirituelle qui fait partie intégrante de l’histoire de l’Europe.

Le musée de la franc-maçonnerie participe à la 40e édition des Journées Européennes du Patrimoine le samedi 16 septembre de 10h à 19h et le dimanche 17 septembre 2023 de 10h à 18h.

Le musée de Franc-maçonnerie

Election de Guillaume Trichard au poste de Grand Maître du Grand Orient de France

A l’occasion du 158e Convent du Grand Orient de France, réuni à Lille, les Conseillers de l’Ordre ont procédé à l’élection du nouveau Grand Maître. Guillaume Trichard a été élu au 1er tour de scrutin.

Guillaume Trichard succède à Georges Serignac qui depuis janvier 2021 présidait aux destinées de la première Obédience française fondée en 1728.

Le nouveau Grand Maître, en rendant hommage à son prédécesseur, a dit vouloir en cette année du 250e anniversaire de l’appellation de l’Obédience « oeuvrer avec force à la diffusion des valeurs et principes de la franc-maçonnerie libérale et adogmatique. »

Il a conclu son discours en disant : « Les Francs-Maçons du Grand Orient de France ont désormais une responsabilité historique, celle de contribuer à réparer notre République pour que ses principes respectables soient partout respectés, pour que la République universelle et fraternelle ne soit plus une promesse mais une réalité, pour que l’avènement d’une humanité meilleure et plus éclairée ne soit pas qu’une incantation dans nos temples, pour que l’extrême-droite n’accède plus jamais au pouvoir et reste là où elle doit être, dans les sombres pages des livres d’Histoire. »

Lire la suite et le communiqué de presse sur le site du GODF

Suivre Guillaume Trichard sur Twitter

Discours complet d’installation de Guillaume Trichard, nouveau Grand Maître du Grand Orient de France

Comment commencer ce discours sans vous parler de la chanson que vous venez d’entendre. Elle a pour titre « Barayé » qui signifie en persan (pour) et a été écrite et composée en septembre 2022 par Shervin Hajipour*.

« Pour danser dans la rue. Pour ne plus avoir peur de s’embrasser. Pour ma sœur, la tienne, les nôtres. Pour le regret de ne pas avoir une vie ordinaire… »

Cette chanson est devenue un hymne à la liberté de tous les Iraniens !

Il y a presque un an, le 16 septembre 2022, Mahsa Amini, une étudiante iranienne de 22 ans, était tuée par la police des mœurs pour « avoir mal porté son voile ». Depuis, la révolution « Femme, vie, liberté » a fait du chemin. Le régime des mollahs est contesté chaque jour par une jeunesse qui n’en peut plus de vivre sous un régime théocratique. Des centaines de morts, des milliers de prisonniers, c’est le prix que sont prêts à payer des Iraniens soumis à des règles insupportables, et en premier lieu les femmes !

Le 16 septembre prochain, le Grand Orient de France s’exprimera sur ce sujet et j’invite vos Loges à faire de même. Le combat pour l’émancipation n’a pas de frontières.

Quand nous entendons sous nos latitudes dire, parfois même dans nos rangs, que la laïcité serait périmée, pensons un seul instant aux Iraniens.

Pensons aussi aux Polonais qui descendent dans la rue régulièrement pour se dresser contre un régime qui interdit pratiquement l’avortement et dont la législation anti-IVG a déjà causé la mort de dizaines de femmes.

Non, la laïcité n’est pas un combat franco-français réservé à nos seules frontières hexagonales. Plus que jamais, le Grand Orient de France doit être et sera à l’avant-garde.

Aucun relativisme ne nous fera reculer.

C’est en ayant en mémoire le visage de ces femmes et de ces hommes que j’assume aujourd’hui la charge de Grand Maître de notre belle et grande Obédience, avec émotion et responsabilité.

Avant de vous parler des axes prioritaires de ma Grande Maîtrise, permettez-moi de partager avec vous l’émotion que je ressens à cet instant.

Mes premières pensées sont pour les Conseillers de l’Ordre qui m’ont accordé leur confiance par un vote sans équivoque. C’est la beauté et la force de notre Obédience que ce système démocratique où chaque année, quels que soient les mandats, dans les loges, dans les congrès régionaux, dans les instances nationales, au sein du Conseil de l’Ordre, l’on remet son mandat en jeu et on se soumet aux suffrages de ses frères et de ses sœurs. Au-delà de l’appellation “Grand Orient de France” choisie en 1773, c’est ce modèle démocratique original et précieux que nous avons célébré durant cette année et que nous devons protéger.

Emotion, disais-je, car le rituel que je viens de vivre avec vous est riche. Dans notre ordre initiatique, il symbolise cette transmission qui est si chère aux cœurs des Francs-Maçons. C’est l’occasion pour moi de saluer tous les Frères qui m’ont précédé dans cette fonction, et ce sans exception.

Bien sûr j’ai une pensée fraternelle pour notre Très Cher Frère Georges SERIGNAC qui, à la sortie de la crise sanitaire, période tragique pour de nombreuses loges endeuillées, difficile pour notre Obédience, l’a remis sur la bonne voie. Les chiffres encourageants de nos effectifs peuvent en témoigner. Il m’a fait confiance lors de mes deux premières années de mandat en me confiant l’office de Grand Trésorier Adjoint puis de Président du Comité de Direction de la SOGOFIM. Ces deux mandats m’ont donné une connaissance fine des enjeux cruciaux de notre Obédience. Merci mon Très Cher Frère Georges.

Ma deuxième pensée est aussi fraternelle qu’affectueuse, elle est pour notre Très Cher Frère Philippe GUGLIELMI. Grâce à la politique d’extériorisation qu’il a mis en œuvre alors qu’il était Grand Maître de notre Obédience, il a fait en sorte qu’un jour de janvier 1999, au lendemain de l’émission « Des racines et des ailes » que je vous invite à revoir, dont le reportage se passait dans la belle ville de Troyes, le jeune étudiant de l’Institut National des Télécommunications que j’étais, a décidé de frapper seul à la porte du Temple… initié quelques mois plus tard au sein de la Respectable Loge “Acacia” à l’Hay-les-Roses…

Il est vrai que je n’ai pas été parrainé… Mais cela ne signifie pas que je n’ai pas eu la chance de rencontrer, sur le chemin initiatique, plusieurs Maîtres bienveillants qui m’ont tant appris, tant transmis, qu’il s’agisse par exemple de notre regretté Frère Christophe HABAS avec qui je partageais plus que de la fraternité mais une complicité intellectuelle. Ce grand esprit me manque tant aujourd’hui.

 Mais il y a eu également notre Très Cher Frère Philippe FOUSSIER avec qui je partage cet attachement viscéral aux combats maçonniques pour l’universalisme républicain, notre regretté Frère Patrice BILLAUD-DURAND, mes frères et sœurs de “La Rose du Parfait Silence” et bien sûr ceux de la Loge que j’ai eu le plaisir de présider “Sub Rosa”.

Voilà ma filiation maçonnique.

Et comment vous parler de filiation sans vous parler d’une femme exceptionnelle à qui je pense fort aujourd’hui. Il s’agit de ma grand-mère chérie, Louise, bientôt 102 ans, qui a travaillé dur dans les vignes du Beaujolais aux côtés de mon grand-père, élevé ses enfants, qui m’a transmis des principes simples : le goût du travail, l’attachement aux terroirs et à leur histoire, le respect des autres et de soi-même, la solidarité avec les plus faibles, le sens du devoir.

 Voilà ma filiation profane…

 C’est peut-être là qu’est née ma vocation de défendre les travailleurs et les travailleuses. Ce que je fais depuis 20 ans en tant que syndicaliste. Dès lors, vous l’aurez compris, la justice sociale est dans mon ADN.

Je suis fier de ce parcours syndical, des hommes et des femmes que j’y ai rencontré. Cela a forgé l’homme de convictions que je suis.

Mais je veux être clair avec chacun d’entre vous. Alors que je deviens aujourd’hui le Grand Maître du Grand Orient de France, je ne porterai qu’un seul étendard, le nôtre. Durant mon mandat, je ne serai le porte-parole que d’une seule organisation, notre belle Obédience. Par souci de clarté et de transparence. Par efficacité aussi.

Je serai le garant des expressions plurielles qui font la force de notre Obédience, son indépendance aussi.

Aujourd’hui en prêtant serment devant vous, délégués de chacune des Loges du Grand Orient de France, ce n’est pas seulement le responsable associatif de notre institution investi, grâce à vous, d’une responsabilité profane éminente qui accomplit cette coutume annuelle. C’est aussi et je dirais même d’abord celui qui a, au-delà de sa dimension associative, la charge de diriger et de représenter temporairement la « puissance symbolique souveraine » sous les auspices de laquelle nous plaçons nos réflexions et nos actions.

« Puissance symbolique souveraine », chacun de ces termes a son égale importance.

La démarche initiatique en amont, la résolution du fait social en aval, voilà une définition qui sied parfaitement à l’ambition qui doit être celle des Francs-maçons du Grand Orient de France. Là encore, c’est cette complémentarité et cet équilibre que nous devons en toute circonstance préserver, et que nous tenons de ceux qui ont construit notre Obédience au XVIII esiècle et de ceux qui, ensuite, patiemment, ont préservé tout en les adaptant les traditions héritées de nos fondateurs. Cela s’appelle la transmission.

Oui, nous le revendiquons clairement, nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que tout a commencé aujourd’hui, nous sommes les continuateurs, les passeurs, les vecteurs de traditions forgées par nos anciens. Mais parce que nous sommes aussi les tenants d’une franc-maçonnerie adogmatique et je l’espère même son avant-garde, nous considérons que ces traditions sont là pour nous faire réfléchir et non pour nous conduire à la génuflexion. Elles peuvent et doivent être réinterrogées sans cesse.

Au fond, nous sommes des fils et des filles de la lumière, héritiers des fils et filles des Lumières. Ce legs, qui nous a permis de sortir de siècles voire de millénaires d’obscurantismes religieux et politiques, est précieux. Il est l’objet d’attaques sans précédent depuis longtemps.

Soyons-en les fiers défenseurs et promoteurs. Ainsi, nous aurons été dignes de notre serment, celui que nous avons pris devant les Francs-maçons du Grand Orient de France réunis autour de nous le jour de notre initiation.

Comptez sur moi pour avoir en tête toute l’année cette exigence et cela aussi je l’ai appris au cours de mon parcours initiatique : plus on dispose de droits, plus on a également de devoirs. C’est à l’aune de cette obligation morale que je prends aujourd’hui librement devant vous, que j’exercerai le mandat que vous me confiez.

Émotion disais-je mais responsabilité surtout.

Car mon élection en tant que Grand Maître du Grand Orient de France, plus importante obédience maçonnique libérale et adogmatique du monde, s’inscrit dans un contexte mondial, européen, français très particulier.

Dans le monde, changement climatique menaçant désormais la survie même de notre espèce…Des millions d’êtres humains sont déjà victimes du changement climatique et du réchauffement planétaire, de la pollution de l’air, de l’eau, de la terre et des mers. La pollution provoquerait entre France entre 40 000 morts prématurées et 100 000 morts par an.

Par ailleurs, nous vivons une quatrième révolution industrielle qui est numérique et robotique, elle est aussi celle de l’Intelligence Artificielle. Couplée aux nanotechnologies, aux biotechnologies et aux sciences cognitives, elle est déjà une réalité qui bouleverse la vie des êtres humains.

En Europe, la guerre en Ukraine, à quelques 2000 km de notre Convent de Lille, nous ramène à une période historique que nombre d’entre nous n’avaient jamais connu. En Europe toujours, les partis extrémistes continuent leur ascension, notamment l’extrême droite.

En France, la crise sociale a enjambé la crise sanitaire, suivie par une crise démocratique, une crise politique.

Ainsi, jamais ces crises n’auront été aussi aiguës, complexes et menaçantes.

C’est dans ce contexte et dans ce monde où les régimes autoritaires ou illibéraux gouvernent plus de la moitié de l’humanité, où les firmes transnationales n’ont jamais été aussi puissantes, que notre République, celle que nous chérissons, la République indivisible, laïque, démocratique et sociale, notre chère République vacille… affaiblie par des décennies de renoncement, pour ne pas dire plus.

Comme vous, je crois à ces quatre piliers que notre Franc-Maçonnerie a toujours défendus.

La République indivisible, c’est celle qui ne distingue pas les êtres humains en fonction de leur genre, de leur couleur de peau, de leur supposée croyance religieuse, de leur orientation sexuelle, de leur métier, région d’origine, etc. C’est celle qui refuse le racialisme autant que le racisme. C’est celle qui rejette toute discrimination fut-elle qualifiée de « positive ». C’est celle qui assure l’égalité des citoyens partout sur le territoire français.

 L’article 1 er de la déclaration universelle des droits de l’homme dit “Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »

Est-ce le cas dans notre République où selon que l’on naisse dans le 16e arrondissement de Paris ou dans un charmant village de la Drôme appelé les Petits Robins, l’être humain n’a pas les mêmes accès à l’école, aux soins, aux actes d’état civil…

Est-ce le cas dans notre République où selon qu’il habite dans la métropole lyonnaise ou bien dans un charmant petit village du Var ou en Guadeloupe, l’être humain n’a pas accès à l’eau potable ?

Est-ce le cas dans notre République où l’on ose nier la montée du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie ?

L’indivisibilité de la République au Grand Orient de France nous y sommes attachés mais mes TT⸫CC⸫FF⸫, mes TT⸫CC⸫SS⸫, à nous de lutter pour qu’elle survive à ces assauts identitaires d’extrême droite comme d’extrême gauche !

La République laïque, c’est celle qui protège la liberté absolue de conscience, cette liberté fondamentale, ce libre choix, ce libre arbitre qui est le fondement de toutes les autres libertés.

Les adversaires de la laïcité sont nombreux. Bien sûr il y a les ennemis visibles, les intégristes générés par tous les monothéismes et hélas aucun n’en a le monopole même si l’un d’entre eux, l’islamisme, se distingue depuis quelques décennies par son macabre bilan, mais il y aussi leurs compagnons de route, ceux qui préparent ou facilitent leur influence sur nos sociétés.

Nous savons quel a été le combat de nos prédécesseurs pour faire reculer le cléricalisme, soyons dignes de cet engagement. Vous pourrez compter sur moi : il n’y aura aucune complaisance, aucune indulgence, aucune ambiguïté sur ces questions, comme sur les autres d’ailleurs.

Nous continuerons à œuvrer pour la promotion et la défense de la laïcité, en particulier avec les obédiences maçonniques amies et les associations engagées depuis près de 20 ans au sein du Collectif laïque national.

La République démocratique, c’est celle qui donne une place à chaque être humain dans la cité, c’est celle qui respecte les élus du peuple, les corps intermédiaires, la société civile organisée. C’est celle qui n’a pas peur du citoyen et ne l’enferme pas dans un simple rôle d’électeur. C’est celle qui respecte la séparation des pouvoirs, l’Etat de Droit.

Cet idéal de gouvernance du peuple, par le peuple et pour le peuple a été dévoyé ces dernières années.

Oui, la France vit une crise démocratique. Les fondements sur lesquels nous avons bâti notre société sont ébranlés. Cependant, c’est précisément dans ces moments de turbulence que notre engagement de Francs-maçons envers les principes démocratiques doit être renouvelé et renforcé.

La République sociale, si chère à mon cœur, c’est celle qui devrait placer la justice sociale au cœur de toutes les politiques publiques, au cœur de toutes les lois. Mais peut-on dire que c’est le cas ces dernières décennies ?

Les émeutes urbaines que nous avons vécu au début de l’été nous rappellent violemment que la société française est profondément fracturée, que la cohésion sociale n’est plus qu’un vœu pieux.

Nous en avions eu une démonstration d’une nature différente avec l’épisode des Gilets Jaunes, pendant plus d’un an. La crise sociale et politique que nous avons également connue depuis le début de cette année civile, avec l’opposition d’une majorité de nos concitoyens au recul de l’âge du départ en retraite nous l’avait aussi confirmé.

Ces émeutes, plus violentes et étendues que celles de 2005, éclairent d’un jour particulier les tensions qui traversent notre société. De manière croissante, ce sont tous les symboles républicains, et au-delà, ceux de la puissance publique qui constituent des cibles.

Nous avons même assisté à une gradation car ce sont désormais des mairies et des écoles qui ont été brûlées, des élus de la République attaqués et plus seulement des forces de l’ordre ou des sapeurs-pompiers, ce qui était déjà insupportable.

Parallèlement, l’extrême droite étend son influence, contamine les esprits, infiltre les médias, et les faits successifs semblent tous agencés pour alimenter sa progression jusqu’au pouvoir…

Face à cette situation de fragilité du corps social, de tension latente, d’« archipélisation de la société » pour reprendre la formule de Jérôme Fourquet, les Francs-maçons, et notamment ceux du Grand Orient de France, me semblent avoir un rôle éminent à jouer. Ils ne peuvent ni se résoudre à ces attaques répétées contre la République, ses symboles et ceux qui la servent, ni se résigner à une possible victoire de l’extrême droite aux prochaines élections européennes et nationales. Nous devons avec notre méthode et nos outils nous emparer de toutes les questions pour proposer des pistes de réflexion mais également des actions.

Notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale est en danger comme elle ne l’a sans doute pas été depuis plus d’un demi-siècle !

Et le Grand Orient de France dispose de la légitimité pour se saisir de cette problématique qui devient selon moi prioritaire. On peut en effet redouter qu’une fois les tensions passagèrement apaisées, beaucoup s’efforcent de passer à autre chose et à mettre une fois de plus la poussière sous le tapis. On doit craindre que les partis politiques n’aient que des solutions à court terme, tributaires de leurs propres échéances et du jeu politicien auxquels ils se livrent hélas trop souvent en renvoyant les responsabilités vers leurs adversaires.

La République mérite mieux, beaucoup mieux, et dans ces circonstances particulières, le Grand Orient de France peut, s’il en a la volonté, jouer un rôle comme il a su et doit le faire à certaines occasions de sa longue histoire.

La défense de la République ne passera pas seulement par nos débats dans nos temples. Nous devons aller dans le profanum. Notre constitution nous le dit dans son article II : « La Franc- Maçonnerie a pour devoir d’étendre à tous les membres de l’Humanité les liens fraternels qui unissent les Francs-Maçons sur toute la surface du globe.

“Elle recommande à ses adeptes la propagande par l’exemple, la parole et les écrits”.

Aller dans le monde profane, non pas seuls mais accompagnés, avec nos partenaires, nos réels compagnons de route. Pas ceux qui ont tourné le dos à la République universaliste, pas ceux qui ont renié leurs engagements originels ou s’accommodent de quelques arrangements par clientélisme ou électoralisme.

Être dans l’action, oui. Mais comment ?

Je vous le dis, si nous voulons lutter contre les extrémismes et notamment celui de l’extrême droite aux portes du pouvoir, il nous faudra rappeler ce que sont ces partis qui se nourrissent de l’exclusion, qui génèrent l’intolérance et prônent les discriminations : nous sommes bien placés, hélas, au regard de l’histoire du siècle précédent, pour savoir que ces idéologies peuvent conduire au pire.

Aussi, le voyage mémoriel à Auschwitz qui n’avait pu être organisé en 2020 en raison du Covid sera à nouveau programmé. Cela sera l’occasion de rappeler ce que ces théories peuvent générer de pire pour l’humanité : en particulier l’antisémitisme, qui a conduit des millions d’êtres humains à la mort pour le seul fait d’être nés juifs. Cela sera aussi l’occasion pour les Francs- maçons, en cette année d’élections européennes, de rappeler que le GODF est fondamentalement attaché à une Europe de la Fraternité, de la Tolérance, de la Paix. Comment ne pas penser à ce que vivent les Ukrainiens depuis le 24 février 2022 ? Comment ne pas penser non plus à ce que vivent les Arméniens dont leur pays risque d’être rayé de la carte et eux avec !

Au-delà de ce devoir de mémoire, il nous faudra réinvestir le débat public sur les maux de notre société qui font le lit de ces extrémistes.

Que pensons-nous de la dignité humaine mise à mal dans notre pays ? Ces migrants qui se regroupent de fortune dans des campements peuplés autant par les hommes que par les rats.

Ces travailleurs pauvres qui dorment dans leurs voitures sur les parkings des sites industriels !

Ces condamnés entassés dans des prisons insalubres encadrés par des fonctionnaires qui manquent de moyens !

Ces étudiants précaires qui font la queue dans les banques alimentaires pour pouvoir se nourrir ?

Ces plus de 10 millions de pauvres qui vivent sous le seuil de pauvreté ?

Que pensons-nous et que proposons-nous sur les questions des services publics. Quelle école voulons-nous pour nos enfants ? Quelle Police ? Quelle Justice ? Quel système de santé ? Quel accompagnement pour nos plus anciens ?

Je désignerai un Grand Officier délégué à la réflexion sur les services publics. Il aura pour mission de travailler avec les Loges pour que notre Obédience soit force de propositions d’ici le prochain Convent.

Permettez-moi de revenir sur l’École et l’instruction publique. Ce sujet est fondamental pour le devenir de la République.

Je souhaite aussi que nous poursuivions nos réflexions collectives autour de l’école. Depuis plusieurs années déjà, les Journées Jean Zay ont permis à notre Obédience de s’exprimer sur ce point et je veux ici saluer le travail réalisé. Il me semble néanmoins indispensable que cette expression se prolonge car s’il est bien un sujet sur lequel les Francs-maçons du Grand Orient de France ont une légitimité à s’exprimer, c’est bien celui-ci.

Tant de nos anciens ont contribué, dès le 18e mais plus encore au 19e siècle , à l’édification de l’école publique, laïque et obligatoire, ce creuset de la République, cette institution qui en constitue le cœur même.

Vous connaissez tous probablement cette phrase célèbre d’un des pères de l’école publique, Ferdinand Buisson : « Le premier devoir d’une République, c’est de faire des républicains ». C’est notamment le rôle de l’institution scolaire. A l’heure où la République fait l’objet de contestations croissantes de la part de courants qui veulent s’en distinguer voire s’en débarrasser, il nous appartient de dire combien l’idéal républicain mérite bien au contraire d’être revivifié et réincarné, et quel rôle nous assignons à l’école dans cette perspective. Les Journées Jean Zay seront donc à nouveau un rendez-vous dans notre calendrier de l’année maçonnique qui commence.

Concernant les questions de police et de justice, le débat entamé il y a quelques mois va bien au-delà des questions de libertés publiques et individuelles. Nous devons conduire une véritable réflexion sur l’état de droit en France. Un Grand Officier sera désigné pour organiser cette réflexion avec le concours des Loges si elles souhaitent s’en saisir.

Par ailleurs, je vous propose de prolonger ou d’ouvrir de nouveaux chantiers cette année.

– Les Utopiales Maçonniques, ces événements populaires qui ont permis à nos Loges de s’ouvrir au monde profane seront organisées au printemps prochain. Elles auront pour thème « Résister ».

– Des fêtes de la laïcité seront organisées partout sur le territoire le 9 décembre prochain.

A l’heure où les menaces pèsent sur la laïcité et notamment la loi de 1905, les Francs- maçons organiseront des fêtes populaires autour de la laïcité pour expliquer ce qu’elle est, un principe de concorde, de paix et de liberté.

Et 2024 ce sont aussi les jeux olympiques Paris 2024 organisés dans notre pays. Le Conseil de l’Ordre va réfléchir à la manière dont nous pourrions célébrer les valeurs de l’Olympisme et sera à l’écoute de vos éventuelles suggestions sur ce point.

Mais pour renforcer la République, encore faut-il que le Grand Orient de France soit fort lui-même. Loin de moi de crier haro sur le beaudet, cela serait trop facile et même injuste. Je veux dire que je m’inscris dans la droite ligne de mes prédécesseurs car c’est cela aussi la maçonnerie : assumer l’héritage que l’on nous a transmis.

Aussi, je ne vais pas lister ce matin tout ce qui doit être amélioré. Cependant, permettez-moi de définir trois axes prioritaires pour que notre Obédience soit en ordre de marche pour contribuer à défendre la République :

– 1° axe : Améliorer notre communication externe et interne.

La communication interne est cruciale. Si nous voulons que le fait obédientiel soit mieux ressenti par les FF⸫ et SS⸫ dans nos Loges, alors il faut aussi moderniser notre façon de communiquer en interne.

Ainsi, nous allons lancer une nouvelle initiative. Nous proposerons à nos Loges de convier leurs apprentis à des voyages intitulés « Une journée au Grand Orient de France ». Durant cette journée à l’Hôtel de la Rue Cadet, ils visiteront notre superbe musée de la Franc-Maçonnerie car la culture est un magnifique outil de transmission de la mémoire maçonnique. Ils échangeront avec des représentants du Conseil de l’Ordre et de nos instances nationales pour mieux appréhender le fonctionnement interne de notre Obédience.

En termes de communication externe, nous définirons un véritable plan de communication avec une agence. En effet, si nous voulons nous adresser par exemple à la jeunesse, il nous faut utiliser les médias pratiqués par notre jeunesse. A ce titre, permettez-moi de vous annoncer qu’un grand officier délégué à la jeunesse sera désigné.

Mieux communiquer, cela passera aussi par davantage de moyens financiers pour soutenir les efforts d’extériorisation de nos loges. Plus de TBO, plus de conférences publiques, plus d’expositions. La force du Grand Orient de France ne réside pas dans la voix de son Grand Maître, mais dans ce maillage territorial de nos 1400 Loges.

Car les idées sont là. Elles n’ont jamais quitté le Grand Orient de France. Il était, est et restera un fantastique laboratoire d’idées. Non, les lumières ne sont pas éteintes ! Dans nos Loges, dans nos commissions nationales, dans nos congrès régionaux, les frères et les sœurs du Grand Orient de France réfléchissent, proposent, élaborent. Nos travaux méritent d’être mieux connus.

Le Grand Officier délégué à la Communication aura cette lourde tâche à mettre en œuvre.

– 2e axe : Définir une politique internationale à la hauteur des défis géopolitiques.

Le rayonnement du Grand Orient de France et la diffusion de nos valeurs universalistes et humanistes à l’international sont essentiels. Si nous sommes attachés à la République, nous sommes également attachés à cette République universelle, telle que la pensait le Chevalier de Ramsay. Pour tous les habitants de ces pays où la liberté d’expression n’existe pas ou plus, où, la liberté de conscience est un espoir à vivre, nous devons repenser notre “présence”, cela ne passe pas forcément par la création de Loges en tout lieu et tout temps, mais aussi par des partenariats avec des obédiences amies…

Trois zones me semblent prioritaires : l’Europe, l’Afrique, et l’Amérique Latine.

L’Europe

Le chantier européen sera une claire priorité pour l’année maçonnique qui commence. Les urgences s’additionnent, que ce soit sur le plan climatique comme je l’ai déjà évoqué mais aussi sur le plan démocratique.

Les régimes illibéraux prolifèrent, partout les partis extrémistes, et notamment d’extrême droite, gagnent du terrain, les nationalismes ressurgissent, les intégristes religieux infiltrent avec efficacité les institutions communautaires, les tenants du séparatisme ethnique relèvent la tête, tout cela génère de la xénophobie et nous éloigne peu à peu de la démocratie, tout cela fabrique du différentialisme au détriment de l’universalisme qui nous est si cher.

J’aime cette citation de l’ancien Grand Maître Jacques Mitterrand (1973) : « Partisans convaincus depuis toujours des Etats-Unis d’Europe, les frères examinèrent avec circonspection les projets des Bidault, Schuman, Adenauer et de Gasperi : l’Europe, pour les francs-maçons, ne devait pas être celle des trusts ni celle du Vatican, mais celle dont avaient rêvé Byron et Victor Hugo ».

Le Grand Orient de France prendra des initiatives, s’entourera des Obédiences amies qui partagent nos préoccupations, et en premier lieu au sein de l’Alliance maçonnique européenne, car aucun Franc-maçon ne peut céder au fatalisme. La guerre est à nos portes, les nostalgiques des régimes fascistes ne craignent plus d’afficher clairement leurs sinistres filiations, beaucoup d’ingrédients sont réunis pour que l’Europe connaisse des aventures que son histoire n’a que trop expérimentées. Nous nous servirons bien-sûr des contributions fournies par les Loges, car je sais que cette préoccupation est aussi très largement partagée au sein de notre Obédience.

L’Afrique

J’ai eu la chance dans ma vie professionnelle de voyager dans plusieurs pays d’Afrique.

La France a un devoir par rapport à ce magnifique continent. Le Grand Orient de France a un devoir vis à vis de nos Frères et Soeurs attachés à la Franc-maçonnerie libérale et adogmatique.

Nous avons des partenaires anciens, réunis au sein de la Conférence des puissances maçonniques africaines et malgaches (CPMAM), c’est avec eux que je souhaite que nous puissions réfléchir de manière féconde sur les défis migratoires qui concernent nos deux continents. Les Etats, c’est normal, ou plutôt c’est logique, ont en général des visions à court terme de ces enjeux, sont souvent plongés dans la gestion des urgences, et pas toujours de la meilleure manière, les drames humanitaires que l’actualité nous rappelle hélas trop fréquemment sont là pour en témoigner.

En revanche, il y a une réelle carence sur une approche à moyen et long terme de ces problématiques et je pense que les francs-maçons européens et africains doivent y consacrer une part significative de leurs réflexions communes. Là encore, je sais que nombre de vos Loges -y compris africaines bien sûr- ont travaillé sur ces questions, cet acquis nous sera précieux. Nous engagerons ce chantier dans les toutes prochaines semaines. Et je vous annonce que mon premier déplacement à l’étranger aura lieu en Afrique.

L’Amérique Latine

L’Amérique Latine est une terre maçonnique. Nombre d’indépendances ont été conquises grâce aux actions de francs-maçons : Mexique, Venezuela, Cuba. Mais aujourd’hui, à l’instar de ce qui s’est passé au Brésil avec Bolsonaro, l’heure est plus que jamais à la promotion de nos valeurs humanistes. Le Grand Orient de France occupe une place singulière dans le paysage sud- américain, de par les liens fraternels qui nous lient à une multitude d’Obédiences libérales et adogmatiques avec qui nous devons renforcer nos liens.

Comment parler de l’Amérique Latine sans évoquer le 50e anniversaire du coup d’Etat au Chili du 11 septembre 1973 ? Les Francs-maçons du Grand Orient de France ont une histoire particulière avec les maçons chiliens réfugiés en France après la mort de notre Frère Salvador Allende et l’arrivée au pouvoir de Pinochet.

Ils auront l’occasion de le rappeler dans quelques jours, et je fais confiance à deux de nos nouveaux Conseillers de l’Ordre, nos sœurs Anita et Gloria, à raison de leurs attaches avec le Chili, pour y prendre toute leur part.

– 3e axe : Exécuter une politique immobilière ambitieuse au service des Loges.

Je le dis souvent de façon triviale, sans temple pour protéger nos travaux, plus de tenue et donc plus de maçonnerie.

Aussi qu’il s’agisse de la SOGOFIM d’une part, des Loges propriétaires ou de la SCI Location dont vous avez autorisé hier la création et l’expérimentation, notre politique immobilière doit être à la hauteur des enjeux de demain : indépendance de notre Obédience, protection de nos Loges partout dans le monde, rayonnement de notre obédience avec de grands pôles d’attractivité maçonnique.

Pour résumer, communication interne et externe modernisée, politique internationale à la hauteur des enjeux, politique immobilière ambitieuse. Ces trois axes forts d’amélioration interne de notre obédience étant désormais définis, je ne peux terminer mon discours sans vous parler de la solidarité et de la fraternité.

La solidarité est la clé de voûte de notre Obédience, c’est l’application opérative de la fraternité. Comment imaginer l’engagement maçonnique sans solidarité. Solidarité envers les nôtres, nos frères et sœurs. Et je veux saluer le travail incroyable des délégués à l’INSM, pleinement impliqués dans leur rôle, mais également celui du Grand Hospitalier et à travers lui tous les Hospitaliers de nos Loges.

Solidarité envers tous. C’est notamment l’œuvre éminent de la Fondation du GODF qui mérite d’être davantage soutenue par nos frères et sœurs. Ses actions humanitaires participent aussi au rayonnement de notre obédience.

Voilà ce que je tenais à vous dire mes Très Chers Frères, mes Très Chères Soeurs.

Les Francs-maçons du Grand Orient de France ont désormais une responsabilité historique, celle de contribuer à réparer notre République pour que ses principes respectables soient partout respectés, pour que la République universelle et fraternelle ne soit plus une promesse mais une réalité, pour que l’avènement d’une humanité meilleure et plus éclairée ne soit pas qu’une incantation dans nos tenues, pour que l’extrême-droite n’accède plus jamais au pouvoir et reste là où elle doit être, c’est à dire dans les sombres pages des livres d’Histoire.

Au Grand Orient de France, nous ne nous résignons pas à voir l’extrême-droite arriver au pouvoir. Et nous devons nous jeter de toutes nos forces dans ce combat essentiel.

Bertold Brecht disait « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu »

C’est unis, que nous réussirons à relever ces défis.

C’est unis, que nous continuerons à faire aimer notre ordre.

C’est unis, que nous allons écrire une nouvelle page de l’Histoire du Grand Orient de rance.

Vous pouvez compter sur moi pour être le centre de l’union et œuvrer avec l’ensemble du Conseil de l’Ordre à la réalisation de cette union désormais indispensable.

Mes Très Chers Frères, mes Très Chères Soeurs, unissons-nous et reprenons l’ouvrage. C’est notre vocation, c’est notre devoir.

Unus Omnibus !