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« Toute conduite doit être conforme au fil à plomb. ». Cette courte citation date de plus de trois millénaires. Elle a été écrite dans un recueil de maximes par Ptahhotep, vizir et philosophe égyptien, qui a vécu autour de 2400 avant J.-C.
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Dans l’art des bâtisseurs, le fil à plomb sert à vérifier la verticalité d’une construction. Il se révèle être l’instrument le plus simple du maçon : formé d’une masse suspendue à un fil, il pointe vers le bas et, grâce à la loi de la gravité, il nous montre sans ambiguïté le centre de la Terre.
Métaphoriquement, il nous invite à plonger au cœur de nous-mêmes, à faire notre introspection en profondeur. Le fil à plomb est le prolongement direct de la formule VITRIOL « Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée », affichée dans le cabinet de réflexion. Le fil à plomb montre la voie qui mène à la conscience, à la compréhension, à la connaissance. Mais attention : comme tout symbole, il ne fait que montrer la voie. Démocrite, considéré par certains comme étant le père de la science moderne, écrivait : « En réalité, nous ne savons rien, car la vérité est au fond du puits ». Par cette formule, il nous demande de cultiver notre sens critique car la ligne verticale du fil à plomb, du zénith au nadir, du ciel jusqu’au fond du puits, symbolise certes la rigueur, mais aussi le doute indispensable à tout franc-maçon qui entreprend de rechercher la vérité. La vérité est-elle au fond du puits encore trouble ? Peut-être. Mais elle est plus certainement au fond du maçon lui-même.
Rechercher la vérité… Tiens tiens… Ça me dit quelque-chose.
Alors poursuivons. Le fil à plomb possède un autre sens symbolique : par son indéfectible verticalité, il ne dévie jamais ; il ne ment jamais car les lois de la physique sont têtues. Jamais le fil ne prendra un autre chemin que celui du centre de la Terre. La direction qu’il montre nous invite métaphoriquement à sonder la rectitude qui réside en nous, à interroger notre volonté, à cultiver une forme de perfection. Elle nous pousse à réfléchir à une éthique exigeante, à rechercher une élévation morale qui ne peut s’opérer que dans l’écoute, la solitude et le silence.
Recherche de la vérité, étude de la morale… Ça y est ! Vous me voyez venir avec mes gros sabots…
Et bien poussons le bouchon un peu plus loin en observant le symbole du 1er surveillant, celui qui est brodé sur le sautoir de notre cher F. Est-ce aussi un fil à plomb ? Presque ! Vu de loin, ça y ressemble. Mais non, c’est un niveau, et plus précisément un niveau égyptien. C’est un assemblage de segments en forme d’A majuscule, du sommet duquel est suspendu un fil à plomb. Si ce dernier croise la barre du A en son centre, alors l’horizontalité de la construction est vérifiée. Conçu ainsi, le niveau est une forme plus élaborée du fil à plomb. Il en est son prolongement logique tout comme le grade de compagnon est le prolongement logique du grade d’apprenti. Mais le niveau est bien plus que cela : il symbolise aussi l’égalité entre nous tous, l’égalité entre tous les frères et sœurs, apprentis, compagnons ou maîtres de cette loge ; il symbolise la fraternité qui nous lie.
Ainsi, à travers cette courte et modeste interprétation toute personnelle, les trois objectifs fondamentaux de notre ordre s’avèrent symboliquement réunis dans cet outil simplissime, formé uniquement d’une petite masse reliée à un fil. Car après la recherche de la vérité et l’étude de la morale, la solidarité et la fraternité ne sont pas étrangères non plus à l’allégorie du fil à plomb. Cela en dit long sur les possibilités quasi-infinies de la signification des symboles qu’il me sera donné à explorer désormais au début de chaque tenue.
Mais ne bavardons pas inutilement : le fil à plomb n’est pas le seul outil à contenir toute la symbolique de la pensée et de l’action des maçons, qu’ils soient opératifs ou spéculatifs !
Car sinon, je puis vous assurer que l’architecte de la tour de Pise aurait sérieusement revu son projet !
J’ai dit.